« Rabban Yo’hanan ben Zakaï avait cinq élèves, qui sont : Rabbi Eliézer ben Horkenos, Rabbi Yéhochoua ben ‘Hanania, Rabbi Yossi Hacohen, Rabbi Chimon ben Nétanel et Rabbi Elazar ben Arakh. Il les louait de la façon suivante : « Rabbi Eliézer ben Horkenos est un puits étanche qui ne perd pas une goutte. Heureuse celle qui a mis au monde Rabbi Yéhochoua ! Rabbi Yossi Hacohen est un homme pieux. Rabbi Chimon ben Nétanel est habité par la crainte de la faute, et Rabbi Elazar ben Arakh est une source jaillissante. »

QUESTIONS

1. Que signifie ce passage : Rabbi Eliézer est un puits étanche qui ne perd pas une goutte ?

2. Si cela se réfère à une qualité naturelle, alors en quoi est-il si louable d'être naturellement bon à quelque chose ?

Rabbi Yo'hanan ben Zakaï décrit cinq qualités qu'il relève chez ses cinq plus grands élèves : certaines de ces qualités semblent être des facultés innées, comme le fait d'avoir une excellente mémoire ou la capacité à étudier en profondeur. En conséquence, les commentateurs se demandent pourquoi le fait que ces maîtres fussent doués de ces qualités particulières devait être mentionné dans la Michna. L'homme ne doit pas s'attribuer de mérite pour être naturellement doué dans un domaine !

Une réponse : en réalité, tous ces hommes extraordinaires se trouvaient à un haut niveau dans tous les domaines mentionnés dans la Michna, mais pour la majorité d'entre eux et dans la plupart des domaines, ils excellaient naturellement sans déployer d'efforts supplémentaires. Le seul éloge de Rabbi Yo'hanan, pour chaque élève, avait trait au seul domaine où ils avaient des difficultés. Par exemple, Rabbi Eliézer ben Horkenos est complimenté pour être un puits étanche qui ne perd pas une goutte, ce qui fait allusion à son aptitude à ne rien oublier de ce qu'il étudiait. Mais en réalité, il n'avait pas une bonne mémoire. Nos Sages[1] soulignent qu'il avait été ignorant jusqu'à ses vingt-deux ans et que c'est au prix d'efforts incroyables qu'il acquit les bases de la Torah, jusqu'à ce qu'au final, mû par sa forte volonté, il devienne l'illustre Rabbi Eliézer ben Horkanos qui n'oubliait rien de ce qu'il étudiait.

Ceci nous conduit à la question suivante : s'il n'était pas naturellement brillant et n'avait pas de mémoire photographique, comment a-t-il pu atteindre le niveau sans précédent de ne jamais oublier ce qu'il apprenait ? Le 'Hafets Haïm répond à cette question par une histoire : un homme âgé décrivit un jour au 'Hafets 'Haïm un évènement survenu soixante-dix ans plus tôt, lors de la visite du Tsar Nicolas de Russie dans sa ville, avec un somptueux entourage de chevaux et de carrosses et beaucoup de splendeur. L'homme avait retenu chaque détail de cet événement mémorable du passé, alors qu'il n'avait plus le souvenir d'incidents survenus récemment. Le 'Hafets 'Haïm expliqua que la visite du Tsar avait été une occasion mémorable au point qu'elle s'était gravée dans son esprit. De la même manière, pour Rabbi Eliézer, chaque passage de Torah qu'il étudiait était si fantastique qu'il se gravait dans sa mémoire. Plus récemment, tout le monde se rappelle du lieu où il s'était trouvé en apprenant un événement marquant comme l'assassinat du Président John F. Kennedy ou l'attaque des Tours Jumelles. De la même manière, de nombreux grands maîtres en Torah attestent que leur faculté incroyable à retenir la Torah est principalement la conséquence de leur grande Ahavat Hatorah, leur amour de la Torah, et leur émerveillement devant la nature mémorable de chaque passage de Torah étudié.

Pour la majorité des gens, ce n'est peut-être pas naturel, mais si un homme reconnaît que la Torah et la Loi Orale ont pour origine la parole de D.ieu, il s'agit de la première étape de reconnaissance de la valeur éternelle de chaque terme de la Torah, contrairement aux connaissances profanes. De surcroît, même les propos des Sages plus récents s'étant plongés dans les profondeurs de la Torah auront également une importance capitale aux yeux de celui qui étudie la Torah.

Bien entendu, outre l'amour de la Torah, il incombe à chacun de faire ce qu'il peut pour retenir ce qu'il étudie. Lorsqu'un homme étudie un texte de Torah pour la première fois, il devra le faire de manière très approfondie, en le révisant quatre fois de suite, ce qui lui permet de le comprendre en profondeur. Il devra réviser constamment son étude de la Torah et retourner à cette étude périodiquement pour le reste de sa vie. C'est le seul moyen de s'assurer de ne pas oublier l'étude de la Torah. L'un des aspects les plus douloureux de l'étude : lorsqu'en revenant à un texte étudié dans le passé, l'homme n'en a plus aucun souvenir, comme s'il s'agissait d'un nouveau texte. Ceci devrait motiver l'homme à vouloir intérioriser son étude ainsi qu'à revenir à son étude de temps en temps.

Nous avons constaté que la mémoire n'est pas forcément un domaine qui concerne ceux qui ont naturellement bonne mémoire, mais est plutôt le résultat d'un amour de la Torah, la clé pour retenir notre étude.

 

[1] Pirké Dérabbi Eliézer, chapitres 1-2.