« Rabban Yo’hanan ben Zakaï avait cinq élèves, qui sont : Rabbi Eliézer ben Horkenos, Rabbi Yéhochoua ben ‘Hanania, Rabbi Yossi Hacohen, Rabbi Chimon ben Nétanel et Rabbi Elazar ben Arakh. Il les louait de la façon suivante : « Rabbi Eliézer ben Horkenos est un puits étanche qui ne perd pas une goutte. Heureuse celle qui a mis au monde Rabbi Yéhochoua ! Rabbi Yossi Hacohen est un homme pieux. Rabbi Chimon ben Nétanel est habité par la crainte de la faute, et Rabbi Elazar ben Arakh est une source jaillissante. »

QUESTIONS

1. Quelle leçon la Michna nous enseigne-t-elle en indiquant que Rabbi Yo'hanan avait cinq élèves et qu'il fit leur louange ?

2. En quoi le fait qu'il fasse leur éloge nous intéresse-t-il ?

Cette longue Michna commence par un récit indiquant que Yo'hanan ben Zakaï avait cinq élèves, et qu'il adressait une louange particulière à chacun d'entre eux. Avant d'analyser les termes spécifiques de ces louanges, une question élémentaire se pose : Pirké Avot est une compilation d'enseignements éthiques, et non un livre d'histoire – il mentionne brièvement la chaîne de transmission au début[1], mais par la suite, il s'écarte rarement vers la forme narrative.

En réalité, le fait que Rabbi Yo'hanan ait eu cinq élèves et qu'il les complimenta constitue une seule et même leçon éthique.

Petite introduction nécessaire pour nous permettre de comprendre les leçons ici : dans la perspective de la Torah, un enseignant n'est pas simplement un maître qui véhicule des informations à ses élèves. Il se préoccupe d'eux, aime chacun d'eux et tente des les aider à progresser et à et se développer, pas uniquement au niveau de leurs connaissances, mais dans tous les aspects de leur vie. Dans cette veine, Rav Yossef Chalom Eliachiv déclara un jour que les meilleurs enseignants ne sont pas nécessairement ceux qui sont les plus érudits, mais ceux qui sont le plus attentifs à leurs élèves.

Une leçon importante : un véritable enseignant doit connaître les qualités spécifiques de ses élèves. Pourquoi ? Premièrement, si un enseignant perçoit le bien chez un élève, il a bien plus de chance de développer des sentiments positifs à son égard et sera prêt à faire des efforts pour l'aider et lui enseigner le mieux possible. De manière plus spécifique, un enseignant a besoin de connaître les qualités particulières de son élève afin d'entretenir ces qualités et l'aider à les développer et à en faire usage de la manière la plus productive possible. Par exemple, si un élève a des talents organisationnels, l'enseignant cherchera à lui assigner des tâches qui nécessitent cette qualité, afin de pouvoir l'optimiser.

D'après certains commentateurs, lorsque la Michna déclare que Rabbi Yo'hanan énumérait leurs qualités, cela signifie qu'il complimentait chaque élève en face à face. Ceci nous enseigne qu'un enseignant ne doit pas craindre de faire directement l'éloge de ses élèves, et non de manière générale ; il devra signaler les qualités propres à chaque élève. Le bénéfice est double : d'abord, cela aide l'élève à connaître ses points forts, afin qu'il puisse travailler à les exploiter pleinement, et de plus, cela contribue à rehausser son image de soi, lui donnant la confiance en soi pour réussir.

Une autre approche possible de la raison pour laquelle la Michna évoque les cinq élèves de Rabbi Yo'hanan s'appuie sur une réponse à une question posée par de nombreux commentateurs. Ils émettent l'hypothèse que Rabbi Yo'hanan avait bien plus que cinq élèves. Dans ce cas, pourquoi la Michna implique-t-elle que seuls ces cinq élèves étaient ses élèves ? Pour la majorité des commentateurs, cela signifie qu'il s'agissait de ses meilleurs élèves, mais d'autres ont une approche légèrement différente.[2] Ils expliquent que le fait d'étudier simplement la Torah auprès d'un maître ne fait pas de la personne un véritable élève, dans le sens où la Torah l'entend. Pour mériter le titre de Talmid, l'élève doit s'efforcer d'apprendre de son Rabbi dans tous les domaines de la vie, avec un dévouement total. Dans cette perspective, le 'Hatam Sofer déclara un jour qu'il n'avait que treize élèves. Lorsqu'on lui fit remarquer qu'il avait certainement bien plus que treize élèves, il répondit : « Un élève est uniquement celui qui ne détourne pas son attention de son Rabbi lorsqu'il va se coucher et à son réveil – et je n'en ai que treize répondant à cette définition. »[3]

C'est un niveau qui nous dépasse peut-être aujourd'hui, mais le message véhiculé est celui-ci : un enseignant de Torah ne se contente pas de donner des informations et un élève en Torah n'est pas simplement quelqu'un qui accumule des informations auprès de son enseignant – le lieu où il étudie chez son Rabbi ne se limite pas à la salle d'étude, mais s'étend à tous les domaines.

Puissions-nous parvenir à accéder à ce niveau de véritable élève.

 

[1] Et la raison pour laquelle Avot commence de cette manière est traitée en longueur par les commentateurs.

[2] Voir Michlé Avot, vol. 1, p. 312-313.

[3] Ibid., p.313.