« Rabban Yo’hanan ben Zakaï avait cinq élèves, qui sont : Rabbi Eliézer ben Horkenos, Rabbi Yéhochoua ben ‘Hanania, Rabbi Yossi Hacohen, Rabbi Chimon ben Nétanel et Rabbi Elazar ben Arakh. Il les louait de la façon suivante : « Rabbi Eliézer ben Horkenos est un puits étanche qui ne perd pas une goutte. Heureuse celle qui a mis au monde Rabbi Yéhochoua ! Rabbi Yossi Hacohen est un homme pieux. Rabbi Chimon ben Nétanel est habité par la crainte de la faute, et Rabbi Elazar ben Arakh est une source jaillissante. »

QUESTIONS

1. Que signifie le terme Achré dans ce contexte ? Il signifie parfois « fortuné » et parfois « digne de louanges. »

2. Quelle est la nature de la louange de Rabbi Yéhochoua, est-ce un éloge pour sa mère ou pour lui-même ?

3. Cette louange est-elle tout aussi pertinente pour tous les Rabbanim de cette liste ?

Rabbi Yo'hanan fait l'éloge de Rabbi Yéhochoua ben 'Hanania avec les termes Achré Yoladéto. Ces termes peuvent signifier soit digne de louanges, soit heureux, ou les deux à la fois. Dans ce contexte, quelle est la nature de cette louange : Rabbi Yo'hana se focalise-t-il sur Rabbi Yéhochoua lui-même ou sur sa mère, ou sur les deux ? De surcroît, cette louange peut sembler plus générale que les autres énumérées dans cette liste. En conséquence, la question se pose : pourquoi seul Yéhochoua a-t-il été distingué de cette manière ?

Le Barténoura, dans sa première explication, explique que Rabbi Yéhochoua possédait des traits de caractère si extraordinaires que tout le monde disait de lui : Achré Yoladéto, que l'on pouvait interpréter ainsi : celle qui lui a donné naissance est digne de louanges d'avoir mis au monde un enfant aussi exceptionnel. On pourrait aussi l'interpréter dans le sens que celle qui l'a mis au monde est chanceuse d'avoir un enfant si extraordinaire. Inutile de préciser que tous les Rabbanim mentionnés dans la Michna étaient tous de grands Tsadikim, mais il semblerait que Rabbi Yéhochoua sortait du lot parmi ses pairs du point de vue de son caractère exemplaire.

Le Barténoura poursuit avec une autre explication qui se focalise sur les mérites de la mère de Rabbi Yéhochoua. Il cite des sources indiquant que lorsqu'elle était enceinte de lui, elle se rendait dans tous les Baté Midrach de sa ville, et demandait aux érudits en Torah de prier afin que le bébé devienne un Talmid 'Hakham. De surcroît, dès le jour de sa naissance, elle déposa son berceau dans la salle d'étude afin que les seuls sons qui pénétrent dans ses oreilles soient des propos de Torah. La question se pose : quel effet positif cela pouvait-il avoir sur un bébé qui ne comprenait pas un mot de ce qu'il entendait ? Le Kédouchat Tsion[1] explique qu'en entendant le son de la Torah, la sainteté de la Torah imprégnait son âme, même s'il ne comprenait pas. Cela fit une impression si profonde en lui que cette expérience l'aida énormément à devenir un grand en Torah à l'âge adulte.

Cet exemple nous enseigne le rôle fondamental des parents dans l'éducation d'un enfant, pour lui donner la chance de devenir un grand érudit en Torah. Il ne suffit pas de donner simplement une éducation en Torah et de se reposer sur l'école pour lui enseigner la Torah. Le parent doit déployer de grands efforts à la fois au niveau de la prière et de la Hichtadlout (effort) pour donner à son enfant toutes les opportunités possibles de progresser en Torah.

On raconte qu'une mère vivait dans une grande pauvreté en Europe, et avait à peine de quoi mettre de la nourriture sur la table, mais elle était néanmoins déterminée que son fils obtienne une excellente éducation en Torah. À cette époque, on étudiait la Torah en privé avec un enseignant. En conséquence, elle dépensa une grande partie de son argent dans l'éducation de son fils. Mais à un moment donné, elle n'eut plus les moyens de continuer à payer son tuteur, au point qu'elle décida d'accomplir un acte de Méssirout Néfech (sacrifice de soi) difficilement concevable. L'Europe de cette époque était terriblement glacée, et le seul moyen de se protéger du froid était d'avoir un fourneau. La mère décida de vendre le fourneau et de souffrir du froid perçant dans le but de continuer à financer l'étude de Torah de son fils. Cet enfant devint le Ridbaz, un célèbre érudit en Torah et auteur d'un commentaire sur le Talmud de Jérusalem. Il relatait souvent cette histoire, relevant que ce fut grâce au mérite de sa mère qu'il devint érudit en Torah.

Il va de soi que la Méssirout Néfech de la mère du Ridbaz est bien au-delà de notre portée, mais cela nous donne une idée des efforts nécessaires afin d'élever nos enfants à devenir des Iré Chamayim, des hommes qui craignent D.ieu, et pour nos garçons, des Talmidé 'Hakhamim. Par exemple, il est peut-être plus onéreux d'envoyer nos enfants dans des écoles qui favorisent leur progression en Torah, mais si l'on réalise que leur Avodat Hachem (service divin) est plus importante que tout, il sera bien plus aisé de considérer cette dépense, non pas comme un fardeau, mais comme un excellent investissement.

 

[1] Le Rabbi de Bobov, cité dans Darké Avot, 1ère partie, p. 279.