L’incroyable histoire d’amitié qui va lier un esclave hébreu, Eliakoum à un prince égyptien : Ankhéfènie, sensible à la souffrance humaine.

Sur fond de sortie d’Egypte, découvrez au fil des épisodes comment un héritier du trône égyptien s’apprête à troquer le pouvoir absolu contre une vérité qui le transcende, au fil de ses débats théologiques avec l’un des représentants de la caste la plus méprisée et la plus vile de la société égyptienne.

Résumé de l’épisode précédent :

Eliakoum, le jeune esclave hébreu intrépide. Est-à  présent l’entraîneur de tir à l’arc officiel du prince Ankhéfènie. Il ignorait que le repos physique de l’esclavage pouvait rimer avec une remise en cause de sa foi, jusqu’alors inébranlable.

Voilà plus d’une semaine que le prince explore les grandes salles des archives égyptiennes. Il examinait minutieusement les papyrus, mais ils ne retracaient que les chroniques de guerre ou les réformes socio-économiques qui eurent lieu dans l’empire. Mais rien d’explicite sur l’histoire des Hébreux, ni papyrus ni gravure n’évoquait cet aspect historique du royaume. Ankhéfènie sentait au travers de ses lectures le poids de la censure.

Il décida de se rendre chez son ami Tjemèhu, le prince de Libye. Situé à l’ouest du Nil, la Libye n’était seulement qu’à un jour de trotte avec un bon cheval. Le prince prit la route au plus vite, il devait être de retour rapidement pour reprendre l'entraînement en vue des jeux de la capitale prévus le mois prochain.

Après un trajet qui lui parut plus court qu’il ne le fût réellement, il discerna enfin l’atypique palais libyen. Avec ses formes ondulées aux finitions pointues, le site était une véritable œuvre d’art. Recouvert d’or pur, il attirait les voyageurs qui se délectaient de ses courbes parfaites.

La Libye se distinguait des contrées barbares par son amour des arts et des divertissements. Profondément hédoniste, la société libyenne mettait l’accent sur l’apparence et le style.

Une délégation de ministres sortit à l’arrivée du prince. Les guets n’étaient plus étonnés de voir débarquer le futur souverain d’Egypte sans escorte, son attitude parfois insouciante ne surprenait plus personne.

« Bienvenue à toi ô grand Prince d’Egypte ! », salua l’un des ministres.

« Je suis venu voir Tjemèhu », dit-il pour justifier sa venue.

« Laissez-nous vous escorter à lui, prince, notre seigneur sera ravi de vous voir ».

Ils débarrassèrent le prince des quelques sacs posés sur son cheval et ils pénétrèrent au sein du somptueux palais aux couleurs vives.

Le prince Tjemèhu accueillit son hôte dans une grande robe rouge et jaune tissée de fils d’or. Il portait un chapeau d’or pointu et des souliers assortis. Une longue barbe enroulée en pointe ornait son visage souriant. Il était aussi âgé qu’Ankhéfènie mais semblait plus jeune.

« Ankhéfènie, prince d’Egypte, quelle joie de te revoir mon ami … Viens donc te restaurer, tu dois être éreinté de ton voyage ».

Il fit un bref signe de la main aux serviteurs qui se tenait là, à l’attente de directives. Les servantes dressèrent aussitôt une table de toutes sortes de mets délicieux et les deux hommes s’attablèrent loin des regards indiscrets.

Ankhéfènie raconta tout ce que le vieux scribe lui révéla,  ainsi que son entrevue avec l’Hébreu.

« J’ai besoin d’accéder à des documents historiques qui remonteraient à une époque antérieure à ma naissance. J’ai fouillé les archives de fond en comble, et le souvenir des Hébreux est complètement effacé… rien sur ce peuple asservi à notre empire depuis maintenant deux siècles, comme si les Pharaons voulaient cacher quelque chose… »

Le prince libyen hésita un instant. Il regarda son ami droit dans les yeux puis lâcha :

« Il faut que je te dise quelque chose à ce propos… ».

Son regard balaya la pièce pour s’assurer qu’il n’y ait pas d’oreilles indiscrètes dans les parages. 

« La première fois que tu m’envoyas une lettre avec une énigme, lorsque nous étions encore gamins… »

« Celle du chameau... », l’interrompit Ankhéfènie, amusé.

« Oui, celle du chameau. Un membre de votre Conseil débarqua au palais. Il me mit en garde de ne jamais te parler de l’histoire des Hébreux, ni de leur père Avraham sous peine de voir nos deux royaumes en guerre. Il disait qu’il fallait te préserver de toute influence extérieure afin que tu règnes sur le palais comme un vrai Pharaon ».

« Je commence à comprendre… Qu’as-tu à me montrer à ce sujet ? Je veux tout savoir ! ».

Le Prince se leva et conduit son prestigieux invité dans une des chambres fortes scellée par de grandes portes en fer.

« Nos chroniques sont toutes authentiques. Nos scribes ont pour consigne de relater les faits historiques tels qu’ils sont. Je te laisse, prince d’Egypte, puisses-tu trouver ce que tu cherches ».

Il ferma la lourde porte métallique pour laisser à son invité l’intimité et le calme dont il avait besoin. 

Les papyrus étaient tous classés par ordre chronologique, Ankhéfènie s’y retrouva rapidement.

Il n’en revenait pas : un monde nouveau s’ouvrait à lui. Le récit du déluge dont parlait l’Hébreu, la Tour de Babel, le Roi Nimrod, Avraham l’Hébreu, tout étaient consignés dans les moindres détails. Pakhémétnou avait raison, l’Egypte cachait sciemment l’histoire des hébreux. Mais pourquoi ?

Le prince éplucha les parchemins libyens, il retraça l’histoire de Noa’h et de ses fils Chem, ‘Ham et Yéfèt. Puis celle de Nimrod, fils de Kouch, qui régnait sur toute la Mésopotamie, ainsi qu’Avraham l’Hébreu qui s’opposa à Nimrod au point de se voir jeté dans l’une de ses fournaises ardentes.

Il s’arrêta sur cette chronique.

« Ce fut un grand jour pour l’empire d’Achour, Nimrod le Puissant jetterait son contradicteur Avraham fils de Téra'h, dans une des fournaises ardentes. Tout le pays fit le déplacement, le prisonnier serait sorti de sa prison et serait envoyé vivant dans le trou de feu venu des enfers. La foule grouille de monde, les femmes et les enfants sont venus voir le spectacle. Nous nous tenons prêts à relater l’événement. Il est un quart de la dixième heure. Voilà, on conduit à sa Majesté le roi Nimrod le prisonnier. Il a la barbe hirsute, les habits en haillons, trois hommes l’escortent… Le roi lui adresse la parole. Je tente de m’approcher. « M’as-tu compris fils de Téra'h… ?! » Le prisonnier ne dit rien… .Si, il lève les yeux… « Je ne me prosternerai pas devant ton dieu, roi d’Achour … » Je n’entends plus le dialogue… Je vois le roi qui se rassoit sur son trône. Il fait signe au public de se taire. « Parle ! Fils de Téra'h. Ne reconnais-tu pas que le feu est la divinité suprême ? » La foule bourdonne. « Silence », ordonne le roi. « Le feu n’est pas plus fort que l’eau grand roi d’Achour…je ne ….pas à lui ». « Prosterne-toi donc à l’eau fils de Téra'h ! ». Le roi hurle ! « L’eau est prise par les nuages… ». Le roi tempête. Je n’entends plus. La foule s’excite. J’ai de nouveau un visuel. « Le feu est éteint par l’homme ! ». « Prosterne-toi donc à moi ! » Le prisonnier parle à nouveau. « Voilà ton dessein, grand roi d’Achour, qu’on se prosterne à l’homme ». « Emmenez-le ! Que son D.ieu le sauve donc des flammes de l’enfer ». Je ne vois plus le prisonnier, la foule s’emballe… Cette chronique fut suivie par le scribe Oulamène fils de Nadi pour les chroniques du roi de Libye Tamougè II. »

Ankhéfènie décortiqua les autres chroniques du palais libyen. Il en avait vu assez. La prochaine étape pour lui serait de s’immiscer à Goshen pour rencontrer les Sages Hébreux.

Alors qu’il prit congé de son ami le prince Tjemèhu, il aperçut un animal qu’il connaissait bien. C’était le corbeau du sorcier Osmaarê…