L’incroyable histoire d’amitié qui va lier un esclave hébreu, Eliakoum à un prince égyptien : Ankhéfènie, sensible à la souffrance humaine.

Sur fond de sortie d’Egypte, découvrez au fil des épisodes comment un héritier du trône égyptien s’apprête à troquer le pouvoir absolu contre une vérité qui le transcende, au fil de ses débats théologiques avec l’un des représentants de la caste la plus méprisée et la plus vile de la société égyptienne.

Résumé de l’épisode précédent :

Après une discussion théologique intense et riche en émotion, Eliakoum entreprend un sincère processus de repentir. Le prince et lui-même échappent de peu à la mort, sauvés in-extremis de manière inattendue par la mère d’Ankhéfènie.

Ankhéfènie et Eliakoum couraient vers ce fameux souterrain qui les conduirait à Goshen. Le prince était à bout de force. Les aller-retours entre Goshen et la capitale, l’émotion de voir sa mère se sacrifier pour lui l’avaient tout bonnement lessivé. Sa tête le faisait terriblement souffrir, sa gorge était sèche comme du bois rêche, chaque pas lui devenait extrêmement difficile. 

Eliakoum passa son bras autour du prince qui chancelait. « Nous y sommes presque, prince Ankhéfènie… Accrochez-vous ! »

L’Egypte était plongée dans un nouveau cauchemar, celui des poux. Ils avaient surgi des ténèbres, assombrissant toute l’Egypte, tel un raz-de-marée. On ne distinguait même plus la verdure tellement ils étaient fourmillants. S’immisçant de partout, ils recouvraient les citoyens de la tête au pied, sans relâche. Les gens se jetaient dans le Nil, espérant les décoller de leur corps, mais rien n’y faisait, ces terriblesbestioles restaient furieusement accrochées à eux. La panique avait à nouveau saisi l’Egypte. Des manifestations commençaient à s’organiser autour du palais pour exiger le renvoi des esclaves. Pharaon, toujours sûr de réussir à pouvoir braver le destin, ne voulait rien entendre. Ses astrologues avaient beau lui dire que son règne touchait à sa fin, il était résolu à ne libérer aucun esclave. Les membres du Conseil se réunissaient quant eux à pour décider d’une solution, mais Pharaon, lui, se barricadait seul chez lui, méfiant et paranoïaque. Il perdait peu à peu la confiance de son peuple.

Profitant de la panique générale, les deux fuyards passaient inaperçus sans le moindre mal.

« Encore un petit effort, mon prince, nous y sommes presque… » 

Le prince était avachi sur le bras du jeune hébreu, la bouche blanchâtre.

« Va sans moi, Eliakoum », dit-il à demi-voix. « Dis à ta mère que j’ai rempli ma mission… »

« Il n’en est pas question, Ankhéfènie, je vous ramène à Goshen, c’est là-bas que se trouve votre place à présent. »

Le prince sourit faiblement.

Arrivés au souterrain, Eliakoum installa le prince sur un énorme rocher pendant qu’il grattait le sol pour trouver la ficelle blanche qui permettait d’ouvrir la trappe.

« Mais qu’est-ce que c’est que ces bestioles là ? », dit le prince consterné. 

Les poux grimpaient partout sur son corps, s’accrochant de leurs griffes acérées sur sa peau. Ankhéfènie, épuisé, essayait tant bien que mal de les chasser, mais ils revenaient toujours aussi coriaces. 

« Vite, prince d’Egypte, nous ne devons pas rester là, les gardes à vos trousses sont plus dangereux que ces insectes… »

Les deux hommes pénétraient le souterrain. Ankhéfènie était couvert de poux, Eliakoum n’en n’avait pas un seul.

« J’ai une idée, cher prince, je vais vous porter sur mes épaules, les poux n’ont pas le droit de toucher à un hébreu, ils vous lâcheront… »

« Non, Eliakoum, tu es tout aussi fatigué que moi », rétorqua-t-il.

« Votre majesté, vous venez de risquer votre vie pour moi, je peux vous prendre sur mon dos… »

Le prince cligna lentement des yeux, l’argument d’Eliakoum et sa fatigue avait eu raison de sa gêne.

Le prince s’installa sur les épaules du jeune hébreu et, comme prévu, les poux tombèrent immédiatement au sol.

« Ne vois-tu pas le miracle, Eliakoum, c’est merveilleux… », dit-il, avant de s’abandonner dans un profond sommeil.

Eliakoum était en train de retrouver ses esprits, loin d’Anoukis l’envoûteuse. Il marchait péniblement avec le prince sur les épaules, laissant libre cours à ses pensées.

“ Comment n’ai-je pas vu toute cette manigance ? C’était la fille du mage Osmaarê…Elle m’a utilisé pour atteindre le prince. Elle s’était faite passer pour hébreue… Sorcière !

Oh mon D.ieu, pardonne-moi, pardonne-moi… j’ai été envoûté par le Mal. Je suis désolé, j’ai failli…”

Des larmes salées, se mêlant à la sueur de son effort, coulaient sur son visage.

Réveillé par ces soubresauts, le prince comprenait ce qui se tramait dans la tête de son ami.

« Eliakoum… A présent, tu dois tourner la page sur ce fâcheux épisode. Il ne te servira à rien de te morfondre… au contraire, sers-t’en pour renforcer ta foi. »

« Si vous saviez mon Prince comme j’ai honte de moi… », lâcha-t-il, navré.

« Je m’en doute. Mais maintenant, tu dois aller de l’avant, baisser les bras ne t’apportera rien de bon. »

« J’aimerais tellement être comme vous, votre flamme brûle avec une telle intensité, une telle ferveur… »

Le prince sourit.

« Et moi, j’aimerais tellement être comme toi, avoir reçu une éducation religieuse, loin de tous les travers et les vices du palais d’Egypte. »

« Comment faites-vous, prince d’Egypte, pour aimer D.ieu à ce point ? »

Après un instant de silence, le prince dit :

« Je sens qu’Il est toujours à mes côtés Eliakoum. Il m’aime et m’aide en tout… Comment pourrais-je ne pas l’aimer, Il me donne tout, constamment… »

La gorge d’Eliakoum se noua à nouveau. Il savait que le prince avait raison…

Des points de lumières s’immisçaient légèrement entre les brèches du tunnel. L’arrivée était proche.

« Un instant, prince d’Egypte, je dois vous poser un instant.  Il faut que je me débarrasse de ça à tout prix… »

S’abaissant vers un coin de la grotte, il saisit une pierre pointue et, d’un coup sec, il sectionna la natte qui lui pendait derrière le crâne.

« Voilà, je me sens mieux comme ça ! »

Le prince sourit, il retrouvait la fougue de son ami.

« Venez avant que vos amis les bêtes ne vous collent encore à la peau… », dit-il au prince en lui tendant la main.

Les deux hommes sortirent du terrier devant un sinistre spectacle. Les champs étaient noirs de poux, la végétation avait quasiment disparue. 

Il n’y avait pas un instant à perdre, Eliakoum ne tiendrait pas bien longtemps avec le prince sur les épaules. Le seul endroit où le prince se trouverait en sécurité était Goshen.