Un élève de la Yéchiva de Mir avait rapporté à son maître, le fameux Machguia’h Rabbi Yérou’ham, qu’il avait la possibilité de passer le Séder de Pessa’h auprès du grand Tsadik, le ‘Hafets ‘Haïm, et que son père ne s’y opposait pas. Il était venu lui demander son avis, persuadé que Rabbénou Yérou’ham allait l’encourager à l’égard d’une telle opportunité. À sa surprise, le Rav lui dit qu’un Séder se fait auprès de son père, justifiant sa réponse à partir d’une source dans nos Prophètes. On pourrait même trouver une allusion à cette réponse dans le récit de la Haggada, dans laquelle il est rapporté que plusieurs Sages, dont Rabbi ‘Akiva, étaient affairés toute la nuit de Pessa’h à raconter la sortie d’Égypte. Ce n’est qu’à l’aube que leurs élèves les rejoignirent pour la prière du matin ; mais durant toute la soirée, ils n’étaient pas présents auprès de leurs maîtres, car ils se trouvaient probablement en famille.

En fait, Pessa’h représente par excellence la fête de famille. On se réunit ensemble, toute la fratrie avec femmes et enfants dans la maison des grands-parents. On fait tout pour que même les plus jeunes restent éveillés durant le Séder, afin d’accomplir la Mitsva de leur décrire les miracles de la sortie d’Égypte. D’ailleurs, à l’époque du Temple, il fallait consommer le sacrifice pascal dans un même lieu, sans avoir le droit de se déplacer pour le manger ailleurs. Allongés sur des divans, avec chacun son verre de vin, on chante avec allégresse le début de notre Histoire, en louant l’Éternel pour tous Ses bienfaits. C’est dans cette atmosphère de joie, de rire et d’union avec les êtres qui nous sont les plus chers que l’on cherche à s’imprégner de la Émouna la plus limpide.

Or cette Émouna n’est pas le fruit d’une réflexion ou d’une étude par lesquelles on chercherait à la saisir auprès d’un grand maître. Il s’agit d’un témoignage de faits réels, tels que nos ancêtres les ont vécus, lorsque D.ieu les a délivrés de l’asservissement des Égyptiens pour leur faire connaître la liberté. De génération en génération, les Juifs consacrent chaque année les fêtes de Pessa’h pour perpétuer ces récits extraordinaires, en particulier le premier soir. C’est pourquoi l’on recherche à les entendre des grands-parents, des plus âgés, de ceux qui se trouvent chronologiquement les plus proches de ces événements ;  et ce dans un cadre familial, car on accorde une crédibilité totale à nos parents et à nos grands-parents plus qu’à n’importe qui d’autre.

Le fait aussi que ce soit le chef de famille qui doive raconter à ses enfants l’oblige à s’informer, et à trouver la meilleure façon de faire passer ce récit prodigieux. Il ne peut se contenter d’en faire une simple lecture insipide et ennuyeuse, mais se doit d’utiliser tous ses talents théâtraux pour rendre vivante la Haggada. Il ne faut pas hésiter à revêtir une tunique rappelant celle de nos ancêtres, mettre un bâton sur le dos sur lequel sont accrochées des provisions, car l’enfant doit être marqué par cette histoire. La Torah exigera même du père de s’adapter à sa progéniture afin de l’intéresser : pour un fils sage, il faut monter le niveau ; pour celui qui au contraire est simple, lui donner une explication courte et claire ; celui qui n’exprime rien, il faudra chatouiller son intérêt ; quant à celui qui cherche à s’écarter de la Tradition, on doit savoir comment lui répondre, mais surtout ne pas l’abandonner ni le délaisser.

Seul un père sait endosser ce rôle de responsable de sa progéniture et se soucier de leur éducation. C’est pourquoi, lors du Séder qui représente un des moments essentiels de la transmission, il faut tout faire pour se trouver en famille, auprès de son père et de ses grands-parents.   

Pessa’h Cachère Vésaméa’h.