Nous sommes le soir du Séder. Je commence à lire la Haggada de Pessa’h, l’émotion est à son comble. Je lis le récit des Dix Plaies, le sang, les grenouilles et les bêtes sauvages. Je m’enthousiasme en entendant le chant de « Ma Nichtana », et me délecte de la belle mélodie, de la description des quatre fils dans la Torah, et du récit prodigieux des miracles. Ensuite, lorsque tout semble si pastoral - le récit parfait d’un peuple qui a beaucoup souffert des pervers, un D.ieu qui a écouté ses implorations, nous a sauvés avec miséricorde, et a puni comme il faut ses persécuteurs-, la surprise arrive.

Une surprise venue sous la forme d’un verset de la Torah et d’un passage dans la Haggada.

« Béni soit Celui qui tient la promesse qu’Il a faite à Israël, béni soit-Il. Le Saint béni soit-Il a calculé le temps ultime de notre délivrance, pour respecter les termes de l’alliance conclue avec notre patriarche Avraham "entre les portions", comme il est écrit :

D.ieu dit à Abram : "Sache bien que tes descendants seront étrangers dans un pays qui ne sera point à eux pendant quatre cents ans. Ils seront asservis et opprimés. Mais, à la fin, Je jugerai la nation qui les a asservis, et ils la quitteront avec de grandes richesses". »

« Béni soit celui qui tient Sa promesse », affirme la Haggada en bénissant le Saint béni soit-Il, la promesse faite à Avraham Avinou qu’après 400 ans, ses descendants seront libérés d’Égypte. Béni soit-Il. « Mais, un instant, pensai-je soudain, surpris, est-ce que je lis bien ? D.ieu n’a pas seulement promis la Guéoula, la Délivrance à Avraham, Il lui a d’abord promis la Galout, l’exil, l’esclavage et les tortures, et, ce, pour plusieurs années, non ? »
 

Et tout ça, pour une promesse

L’exil égyptien et les travaux forcés dont nous célébrons la libération à Pessa’h n’ont pas été le fruit de l’imagination débordante de Pharaon, semblerait-il. La fête de Pessa’h n’est pas le récit d’un peuple qui a subi fortuitement une série de tortures et a été sauvé précisément lorsque ses persécuteurs ont franchi le seuil du mauvais goût. Ce n’est pas non plus uniquement le récit de plaies extraordinaires, de prodiges miraculeux, « d’une main forte et d’un bras étendu », le sang, les grenouilles et l’ouverture de la Mer rouge. Bien que tous ces événements aient bien eu lieu et ont témoigné de la toute-puissance de D.ieu, ce n’est pas l’essentiel de l’histoire. La fête de Pessa’h est le récit d’une promesse Divine, énoncée des centaines d’années plus tôt et qui s’est réalisée mot pour mot.
 

Un programme rédigé de nombreuses années plus tôt

La fête de Pessa’h est l’histoire d’un programme précis, dans tous ses détails. Il y est fait mention de la descente de Ya’acov Avinou en Égypte, accompagné de toute sa famille. Il y est question de l’esclavage et des tortures, des décrets de Pharaon, des travaux éreintants du peuple juif, et, oui, la Guéoula y est également mentionnée, ainsi que les 10 plaies, et même le montant du trésor que les Juifs emporteront en quittant l’Égypte.
 

Ni plus, ni moins, les événements se sont déroulés exactement comme dans le programme

Les projets d’esclavage et les futures sanctions de Pharaon n’ont rien donné, de même pour les rêves de liberté et les projets d’évasion des Bné Israël. Ce qui a été consigné par écrit seulement s’est passé. Ce qui a été promis à l’avance s’est déroulé dans la réalité et dans les moindres détails. Pharaon les a asservis pendant la période prévue par la promesse ancienne faite à Avraham, et l’esclavage a pris fin précisément lorsque la période en question s’est écoulée et le moment de la libération, arrivé. Le peuple d’Israël a eu le privilège d’être libéré en raison de la promesse, les plaies n’ont eu lieu que parce qu’il a été écrit : « Mais à la fin, Je jugerai la nation qui les a asservis » et les Juifs se sont enrichis uniquement grâce aux paroles « Ils sortiront avec de grandes richesses », pas une minute plus tôt, ni plus tard. Ni plus, ni moins. Ce qui a été écrit est exactement ce qui s’est produit.
 

Tout est décidé d’avance

Venons-en à nous. À l’histoire de notre vie. Peu importe notre situation, notre statut social, notre situation financière, notre profession, notre lieu d’habitation, tout a été promis, planifié, et fixé à l’avance. Un nombre varié de « promesses faites à l’avance » figurent dans la Torah. Il y a ce qui a été fixé pour l’homme à sa naissance, ce qui a été fixé à Roch Hachana, et ce qui est fixé au jour le jour. Mais une chose est claire : rien ne changera, ce qui est écrit se produira exactement tel quel. Ni plus, ni moins.
 

Rien ne sert de « jouer », tout est écrit à l’avance

Nous observons les nombreux efforts et les innombrables heures consacrées à améliorer et optimiser notre travail, notre argent, notre santé, notre vie de couple, bref, dans tout, et il nous est difficile de penser que tout, je répète, tout, est un grand mensonge. « Le décret est véridique, tandis que le zèle est mensonger », écrit le célèbre Ramban. Quels que soient nos efforts ou investissements, tout est écrit à l’avance. Il faut faire des efforts, car des miracles n’ont pas lieu tous les jours, mais il est important de retenir ceci : notre zèle n’en est pas responsable, ni nos efforts ou nos projets, nous sommes de simples « pions », tout a été écrit d’avance. Aussi bien les malheurs que la délivrance. Tous deux jouent un rôle défini et précis. À méditer…

Joyeuse fête de la liberté !

Rav Moché Witman