Bien que je n’aie pas suivi de formation formelle à l’école rabbinique, dans ma carrière relativement courte, j’ai apparu au tribunal pour d’autres personnes au moins une dizaine de fois. Souvent, c’était pour une affaire de divorce, mais j’ai été appelé comme témoin pour des affaires de drogue, de litiges financiers et même pour une fausse accusation de viol. 

Il convient de relever que les occasions où on m’a demandé de venir au tribunal étaient souvent à cette période de l’année, au mois d’Eloul.

Alors que j’étais dans la salle du tribunal à nouveau juste cette semaine, j’ai remarqué les nombreuses comparaisons que nous pouvons établir pour les grandes dates d’apparition au tribunal qui nous attendent très bientôt à Roch Hachana (le Nouvel An Juif) et Yom Kippour (le Jour du Pardon) et les leçons que nous pouvons en tirer.

1) Le destin

La tension, l’anxiété et l’incertitude dans la salle d’audience sont palpables. Toutes les parties, y compris les conseillers juridiques les plus compétents, savent qu’elles peuvent avancer les arguments les plus persuasifs et fournir les preuves les plus éclatantes, mais au final le juge - et seul le juge - tranchera comme il l’entend. En dépit de tous leurs efforts et implorations, le sort des plaignants se trouve uniquement entre les mains du juge.

Nous pouvons beaucoup apprendre en observant le tempérament, la conduite et le caractère de ceux qui apparaissent devant un juge humain. Alors que nous nous tenons devant le Tout-Puissant, comment pouvons-nous mieux ressentir et reconnaître que notre sort est livré entre Ses mains ?

2) Le décorum

Le décorum dans une salle d’audience est impeccable. Toutes les parties portent des tenues formelles, pour se présenter avec le sérieux requis devant un magistrat. Il est formellement défendu de parler, de manger, de faire sonner son téléphone portable, d’emmener des enfants bruyants, ou tout autre élément qui pourrait troubler les procédures ou compromettre le prestige de la salle du tribunal.

Quel est le décorum dans le tribunal de D.ieu ? Créons-nous une atmosphère tout aussi intolérante aux distractions et aux conversations frivoles ? Notre tenue et notre conduite reflètent-elles le sérieux et la majesté du forum que nous représentons et la raison de notre présence ?

3) Préparation

Aucun avocat ou client n’entre dans la salle d’audience sans préparation. La stratégie est réfléchie, les témoins sont préparés et les arguments de début et de fin sont transcrits et répétés. De nombreuses heures sont consacrées à la préparation avant d’apparaître devant le juge dans le but d’arriver à un résultat favorable.

La Guémara dans Brakhot nous relate que les anciens Juifs pieux passaient une heure de méditation pour se préparer à la prière. A quoi se résument nos préparations ? Consacrons-nous quelques instants pour nous assurer d’avoir l’esprit clair et nos pensées concentrées avant de nous présenter devant le Juge des juges.

4) Prêter serment

Je trouve qu’il est intéressant de relever qu’avant le témoignage d’un témoin, la cour lui demande de jurer au nom de D.ieu qu’il/elle dira la vérité. Implicitement, cette déclaration reconnaît l’existence de D.ieu et les conséquences de déshonorer Son Nom en manquant de fidélité à la vérité. Le tribunal assume que la crainte de D.ieu empêchera tout témoin de violer son serment.

La Loi juive nous oblige aussi à prêter serment dans certaines circonstances. La Guémara explique qu’évoquer le Nom de D.ieu élève automatiquement le sérieux avec lequel le témoin considère ses propos.

Nos mots importent, en particulier dans une salle d’audience, et les employer avec précision, de manière appropriée et avec intégrité, en appelle à notre crédibilité en tant que peuple. Disons-nous toujours ce que nous pensons et pensons-nous ce que nous disons ? Sommes-nous honnêtes, véridiques et précis lorsque nous reportons des expériences aux autres ? La crainte de D.ieu nous incite-t-elle à être honnêtes avec D.ieu et nous-mêmes ?

5) Enregistrement

Chaque salle de tribunal a soit un sténographe, soit un enregistreur qui capture chaque mot prononcé. Les avocats, les témoins et les plaignants doivent soigneusement choisir leurs mots, car, une fois prononcés, ils sont consignés pour la postérité.

La Michna dans Avot nous enseigne à prendre conscience de Qui se trouve au-dessus de nous et reconnaître qu’un œil nous observe constamment, une oreille nous écoute constamment, « Vékhol Ma’assékha Béséfer Nikhtavim » - et toutes nos actions sont enregistrées pour toujours.

Vivons-nous avec la connaissance et la conscience que nos paroles et nos actes sont importants, qu’ils sont pris en compte dans l’enregistrement de notre vie, même lorsque personne n’est autour pour le voir ?

6) Outrage au tribunal

Une partie des procédures que j’ai observées cette semaine a été l’accusation d’une partie soupçonnée d’outrage au tribunal pour n’avoir pas suivi un ordre du tribunal.

Le juge se tourna vers la partie accusée et déclara :

Comprenez-vous que lorsque j’émets une décision, si l’autre partie peut fournir des preuves que vous m’avez désobéi en connaissance de cause, je prouverai que vous êtes coupable d’outrage au tribunal et il y aura de graves conséquences ? Je peux vous jeter en prison, et vous y resterez jusqu’à ce que vous obéissiez à mon jugement.

Honorons-nous et obéissons-nous aux décisions du Juge des juges ? Reconnaissons-nous que nos choix ont des conséquences et que nous sommes redevables de nos actes ? Sommes-nous coupables d’outrage au tribunal de D.ieu ?

Les comparaisons peuvent se poursuivre, mais ce que j’essaie de communiquer est évident dans cette saison solennelle de l’année juive. S’asseoir dans une salle de tribunal au mois d’Elloul, est, je pense, l’une des meilleures sources d’inspiration et de motivation pour se préparer aux Jours solennels pour qu’ils soient réellement des jours imposants de prière, d’introspection, de réflexion et d’amélioration.

Rav Efraïm Goldberg