Question de Katia L.

Bonjour Rav Scemama,

J'ai fait Téchouva il y a déjà 5 ans. J'ai grandi dans un milieu où on ne savait pas et on n'appliquait pas grand-chose du judaïsme. Grâce à D.ieu, petit à petit, je me suis rapprochée et on peut dire aujourd'hui que je suis pratiquante. Il y a bien sûr encore des détails qu'il m'est difficile d’accomplir, mais je suis sur la voie d'y parvenir, et je pense être assez épanouie dans ma Téchouva.

Mais quand arrive le mois d'Eloul et les fêtes de Tichri qui suivent, là, rien ne va plus : je rentre dans un gros stress et un état de tristesse m'envahit rien qu'à la pensée de tout ce qu'on exige de nous pendant ces jours.

Roch Hachana est le jour du jugement où tout ce qui va nous arriver dans l'année à venir est fixé ; il faut donc s’introspecter afin de déceler ce qu'il faut réparer dans notre vie, et bien sûr faire Téchouva.

Viennent après les 10 jours de pénitence avec, à l'apogée, le jour de Kippour, où il faut tout "nettoyer" pour obtenir le pardon définitif. Heureusement que suivent après les fêtes joyeuses de Souccot, mais il faut auparavant traverser cette période, à mes yeux, pénible, et qui ne m'apporte absolument rien dans ma Téchouva.

Je m'explique : ce que je me sens capable d'accomplir, je le fais et je continue à progresser comme je l'ai rapporté plus haut. Que puis-je encore ajouter à ce qui me semble être mon maximum ?

Au niveau du regret de mes fautes passées, je me pose la question : suis-je responsable si mes parents m'ont placée à la cantine scolaire - évidemment Taref -, si je ne savais pas ce qu'était le Chabbath, ou si, adolescente, je suis sortie en boite, sans déceler chez mes parents un froncement de sourcils ?

Je suis sincère lorsque je vous dis que je n'avais à l'époque aucune raison de supposer que je fautais. Quand je réalise les efforts que j'ai fournis pour aller à contre-courant par rapport à mon entourage et ma propre famille, je me demande ce qu'on peut encore attendre de moi dans ces Jours Redoutables.

Le plus étonnant est que mes anciennes copines juives qui venaient d'un milieu plus traditionaliste que le mien sont restées au même niveau et passent agréablement ces jours de fête en famille, sans aucune remise en question.

J'espère que vous me comprenez. Merci de m'accorder un peu de votre temps pour m'aider à mieux vivre cette période importante du calendrier juif.

Réponse du Rav Scemama : 

Bonjour Katia,

Tout d'abord, félicitations pour tous les efforts que vous avez fournis pour vous rapprocher de la Torah, ainsi que pour votre sincérité.

Nos Sages rapportent que : "Le Sceau de D.ieu, c'est la Vérité"(Chabbath 55a). Ce qui veut dire que celui qui marche dans la vérité est assuré d'être sur le chemin qui mène à son Créateur.

Abordons maintenant votre problème :

1) Il ne faut pas toujours chercher à faire encore mieux ce qu'on estime accomplir correctement. À force de jouer les perfectionnistes, on risque de fatiguer notre être, et au lieu de progresser, on risque de reculer. Le Yétser Hara’ (mauvais penchant) nous attaque en nous demandant de redoubler d'efforts dans des domaines où cela n'est pas nécessaire pour nous épuiser nerveusement et spirituellement.

2) Vous n'avez pas à avoir mauvaise conscience sur votre passé.

Votre statut est comme celui de la plupart des Ba’alé Téchouva d'aujourd'hui, celui du Tinok Chénichba, c'est-à-dire celui d'un enfant capturé par des idolâtres et qui a grandi dans un milieu étranger au judaïsme (cf. Guide de la Téchouva. Edit. Torah-Box, p.17).

Sur ces 2 points, vos sentiments sont justes, et le message classique de Moussar (morale juive) des Jours Redoutables, qui cherche à réveiller notre conscience à la veille des fêtes, ne vous concerne pas vraiment.

3) La conscience est une force que l'Éternel a placée dans chaque être humain, afin de l'aider à se repentir quand il trébuche dans le mal. C'est pourquoi, nos Sages nous rapportent que les impies sont remplis de regrets, car ils sont restés bloqués au niveau de ce sentiment, sans réaliser de changement positif.

Par contre, le Tsadik peut trébucher, mais va se servir de sa conscience pour vite se rattraper et se relever.

Si cette conscience est réveillée inutilement ou de façon démesurée, il va se créer dans l'être un sentiment de malaise d'ordre psychique. C'est pourquoi, il faut absolument un certain contrôle sur ce sentiment, et dans un cas semblable au vôtre, où vous faites de gros efforts pour suivre le chemin de la Torah, mettre cette conscience en sourdine.

4) Cette période de l'année qui commence par le mois d'Eloul et se poursuit jusqu' à Yom Kippour ne doit pas amener de la tristesse.

Au contraire, on voit dans les écrits de nos Sages combien ils attendaient ce moment pour s'élever et se rapprocher de D.ieu. Le message développé par certains orateurs pour créer un réveil chez les "endormis" ne doit pas cacher la richesse de ces jours de fêtes et d’élévation, par lesquels on peut parvenir à une perception beaucoup plus nette de l'intervention de D.ieu dans la création.

Ce sont des jours de réconciliation entre D.ieu et Ses créatures et, pour reprendre l'allégorie du Rabbi de Ladi - le Ba’al Hatanya - (Likouté Torot, Parachat Réé), D.ieu est comme un Roi qui sort de Son palais pour aller à la rencontre de Ses concitoyens dans les champs et écoute leurs demandes avec un visage bienveillant. Tous se préparent à l’accueillir et profitent de cette opportunité unique où, sans prise de rendez-vous, sans besoin d'attente et de recommandation, Il nous rencontre et nous écoute.

C'est pourquoi, la tendance de nos jours est de plus en plus marquée par la volonté de vivre ces jours de manière exaltante. Ainsi, des bus remplis arrivent de tout Israël pour participer aux Séli’hot avant le lever du jour au Kotel. La Yéchiva "Or Ha’haïm" du Rav Réouven Elbaz accueille des dizaines de milliers de Juifs, de toutes tendances et de tous niveaux de pratique, pour lire les Séli’hot et écouter les paroles du Rav, au milieu de la nuit, et ce, pendant 40 jours. 

À la synagogue Yéchouroun de Jérusalem (Ré’hov Keren Hayessod) se retrouve chaque année aux Séli’hot, rite Ashkénaze, une foule de Juifs qui tiennent à vivre cet événement, rempli d'émotions et de joie et chantent ensemble longuement avec cœur et émotion.

Ces événements sont rapportés par les radios religieuses israéliennes et permettent ainsi à tous ceux qui n'ont pu se déplacer de participer à ces moments de délectation spirituelle.

La ville de Ouman en Ukraine, où est enterré le grand Tsadik, Rav Na’hman, est un lieu de rencontre et de prière collective pour Roch Hachana, et attire chaque année de plus en plus de participants (plus de 30 000 personnes). Ils en reviennent les "batteries" remplies pour l'année.

Il faut s'inspirer de ces personnes qui ont compris combien de force on peut puiser des Jours Redoutables, en les vivant positivement. 

D'ailleurs, j'ai lu récemment que le Rav David Braverman - conférencier et auteur d'une rubrique dans le journal religieux Yated Nééman - avait questionné le Rav Steinman à savoir sur quel point se focaliser lors des cours qu'il donne dans le pays au mois d'Eloul. Le Rav avait répondu : "Mets l'accent sur l'espoir, car nos générations sont faibles pour aborder le sujet de la Crainte du Jugement, et les auditeurs, au lieu de se renforcer, risquent de s'éloigner".

À nous aussi de porter notre regard sur l'espoir : l'espoir d'une nouvelle année de délivrance, de réalisation de nos desseins, et de voir la vérité percer dans un monde de mensonges.

Chana Tova