Une fin d’après midi, j’étais dans la ligne de train numéro 1 de Broadway, qui va de Penn Station à Van Cortland Park, qui est le terminus.

A trois stations du terminus, tous les passagers de mon wagon descendent. Je me retrouve seul.

La porte d’un autre wagon s’ouvre. Un grand gaillard d’environ 30 ans, notoirement saoul, fait irruption. Je me trouve à l’autre extrémité de la rame.

Il s’écrie : « Eh, tu as une allumette ? »

Je lui réponds que je ne fume pas.

Il dit : « Alors j’imagine que tu n’as pas d’allumettes ».

Il titube dans ma direction. Je me sens un peu fébrile. Il est plus costaud que moi, et je suis d’un naturel inquiet.

Il s’approche de moi, à environ 10 centimètres de mon oreille, et murmure : « Tsédaka. Tu sais ce que c’est la Tsédaka ? »

A la fois surpris et amusé, je réponds « Oui ».

Il attend. Je fais une pause. Puis je prends un dollar de ma poche et je le lui donne.

Il commence à s'éloigner en titubant.

Sans savoir ce qui me prend, je l'interpelle : « Eh, je t’ai donné quelque chose. A toi de me donner quelque chose maintenant ».

Il me jette un regard, sans comprendre. Je répète : « Donne-moi quelque chose ».

Je m’écrie : « Je t’ai donné ma Tsédaka. Donne-moi ta bénédiction ».

Il a l'air perplexe.

Je continue : « J’ai un enfant qui vient juste d’être opéré deux fois du genou. Tu me bénis ? ».

Il s’arrête. Me regarde droit dans les yeux, réfléchissant à ce qu’il pourrait bien dire. « J’imagine que tu ne crois pas en Jésus, hein ? »

Je secoue la tête. "Non".

« Je te donne la bénédiction que ton fils soit en bonne santé », dit-il.

Puis, il fait un pas en direction de la sortie et s’arrête. Il pose sa main sur la barre du métro, se retourne et dit : « Et je te donne aussi la bénédiction que, quoi qu’il arrive à ton fils, D.ieu te donnera la force de te débrouiller avec ça ».

Wouah, je suis submergé d’émotion.

Je lui ai donné un dollar de ma poche. Il m’a donné une bénédiction du fond de son cœur.

Le train s’est arrêté. Nous nous sommes salués mutuellement. « Au revoir l’ami, merci ». « Au revoir l’ami, passe une bonne journée ».

Sur le moment, je n'ai pas su ce qui m’a poussé à lui demander une bénédiction.

Avec le recul, je le comprends comme suit :

Demander quelque chose, une cigarette ou de l'argent, doit être une expérience très dégradante et humiliante.

Il m'avait offert la chance de donner, de lui donner. Même si j'avais hésité et ne lui avais pas donné de bon cœur ou avec un sourire, après lui avoir donné quelque chose, je me sentais vraiment bien.

J'ai voulu lui offrir, à lui aussi, la chance de donner quelque chose et de se sentir satisfait de lui-même.

Finalement, il m'a donné tant, un moment de Nétsa'h, d'éternité, un moment que je n'oublierai jamais.

Nos âmes sont programmées pour donner. Voilà comment le Créateur nous a créés. Parfois, l'action la plus gentille que nous puissions faire est de recevoir, pour permettre à quelqu'un d'autre de nous donner. Voilà comment le Créateur nous a créés.