Chimchon, fils de Manoa’h, juge de la tribu de Dan, a exercé la fonction de juge pendant 20 ans. Marié à des femmes non-juives, il s’est engagé dans des conflits avec des non-Juifs et en a tué un grand nombre. Il a trébuché avec Dahlia qui a découvert que le secret de sa force résidait dans ses cheveux. Des Plichtim (Philistins) coupèrent ses cheveux et l’aveuglèrent - son dernier acte a été de détruire un bâtiment, tuant des milliers de Plichtim, qui eurent peur de lui au point que pendant les 20 années suivantes, ils ne firent aucun mal aux Juifs.

Chimchon Haguibor est peut-être l’un des caractères les plus énigmatiques du Tanakh. Réputé pour sa force surhumaine, il conduisit le peuple juif contre les Philistins en épousant des femmes philistines, puis en inventant des excuses pour tuer de nombreux hommes philistins. Il est si remarquable que Yaakov Avinou, dans ses bénédictions à la fin de sa vie, fait allusion à son potentiel de devenir le Machia’h.[1] Les Prophètes le décrivent comme un homme doué de prophétie et dans le même temps, ils le critiquent de s’être laissé entraîner par ses yeux. Dans le but de développer une perception cohérente de Chimchon, il vaut la peine de commencer par le récit de sa naissance et de le comparer à une autre histoire de la Torah qui lui ressemble de façon frappante ; celle de la révélation des anges à Avraham Avinou et Sarah Imanou, leur annonçant la naissance d’un garçon.

Dans ce récit biblique, les protagonistes, Avraham et Sarah, avaient été stériles pendant de longues années. Hachem avait envoyé un ange pour leur révéler qu’ils auraient de manière miraculeuse un fils dans l’année suivante. Nos Sages expliquent que Sarah était incapable, sur le plan physique, de porter des enfants, mais au moment de la promesse de l’ange, son infertilité fut éliminée. Et comme promis, ils eurent un fils, qui devint le vertueux Its’hak Avinou.[2] Dans le Livre de Choftim (Juges), nous faisons connaissance avec Manoa’h et son épouse. Ils ne pouvaient pas non plus avoir d’enfants ; de plus, le Prophète souligne que tout comme Sarah, la femme de Manoa’h était infertile.[3] On leur promit de même qu’ils auraient un fils ; cette prophétie se réalisa et ils mirent au monde le vertueux Chimchon.

Les similitudes entre les deux récits semblent faire allusion à un lien plus profond entre ces deux grands hommes. Tous deux sont décrits comme possédant le trait de caractère de Guévoura, que l’on traduit généralement par la force, mais la description de nos Sages de ce terme ne désigne pas simplement une force physique, mais plutôt une force spirituelle.

La relation d’Its’hak au trait de Guévoura se trouve dans le fait qu’il correspond à la seconde bénédiction du Chémona Essré, décrivant la Guévoura de Hachem. La Guévoura d’Its’hak a été manifeste dans l’extraordinaire force intérieure qu’il a démontrée tout au long de sa vie. Sa force a été sa faculté à conquérir toute propension négative qu’il ait pu avoir et à annuler ses propres désirs et besoins égoïstes. Ce trait résulte du fait que plus que les autres Avot, Its’hak s’est protégé du monde extérieur dans le but d’éviter les influences négatives. Rav Dessler explique qu’Avraham et Yaakov ont répandu la parole de Hachem à un stade bien antérieur de leur vie qu’Its’hak. Its’hak s’en est abstenu, de peur de trébucher, et il commença uniquement à se lancer lorsqu’il fut certain de n’en pas être affecté.

Chimchon représentait également le trait de Guévoura, mais de façon différente. Il était un Nazir, à qui il était strictement interdit de boire du vin ou de couper ses cheveux.[4] Le Nazir incarne l’idée du contrôle de soi sur les désirs du corps. Alors que la Guévoura d’Its’hak le plaçait à l’abri de toutes les influences possibles, la Guévoura de Chimchon devait s’exercer dans des circonstances extrêmement négatives. Son but était de combattre les Philistins en s’infiltrant dans leur société et trouver ainsi des excuses pour les détruire. Indubitablement, Hachem voulait que Chimchon atteigne cet objectif en épousant des femmes non-juives, comme il est dit : « Or, ses parents ne savaient pas que cela venait de Dieu, et qu’il cherchait une occasion de nuire aux Philistins, qui dominaient alors sur Israël. »[5] Il avait été nécessaire de combattre les Philistins de cette manière, car le peuple juif avait été assujetti pendant si longtemps qu’ils leur étaient devenues soumis et Chimchon n’était pas certain de pouvoir les combattre avec une armée. De plus, comme il avait épousé des femmes philistines, il pouvait prétendre que ses luttes contre les hommes philistins étaient menées à titre personnel, et non liées à la rébellion des Juifs contre leurs dirigeants.

Néanmoins, les Prophètes affirment que Chimchon avait déclaré que l’une des femmes non-juives qu’il voulait épouser « trouvait grâce à mes yeux. » Nos Sages déterminent, en s’appuyant sur ce verset, que Chimchon avait trébuché avec ses yeux, et a été puni mesure pour mesure, lorsqu’on lui ôta l’usage de la vue.[6] Il semblerait, en surface qu’à un certain niveau, le Yétser Hara de la luxure ait influencé Chimchon.

Rav Eliyahou Dessler souligne que ce n’était pas le cas. En effet, Chimchon se trouvait à un tel niveau de pureté qu’il savait que s’il éprouvait du désir pour une certaine femme, cela signifiait que Hachem voulait qu’il épouse cette femme dans le but de réaliser son objectif : combattre les Philistins. Rav Dessler explique que son erreur a été d’avoir ressenti une infime quantité d’arrogance du fait de se trouver à un tel niveau. En conséquence, ses actions ont perdu leur pureté totale et cela a débouché sur son incapacité à devenir le Machia’h.[7]

Nous avons vu qu’il existe deux modèles de Guévoura : l’un consiste à se protéger contre les influences négatives et le second est d’en être entouré, mais sans se laisser influencer par elles. Its’hak Avinou s’est largement concentré sur le premier modèle, et Chimchon a choisi le second. Pour la majeure partie de sa vie, il a totalement réussi dans ses épreuves, et comme l’explique Rav Dessler, son seul manquement n’a pas été réellement dans le Yétser Hara de la convoitise.

Dans nos propres vies, il est vital de nous protéger, ainsi que notre famille, des myriades d’influences négatives du monde extérieur, mais dans le monde moderne, il est impossible de totalement s’en protéger. Il est donc impératif de nous renforcer, et lorsque nous sommes exposés à des influences extérieures, nous devons nous évertuer à maintenir la pureté de nos intentions, de sorte à ne pas être attirés vers le bas par des désirs primaires qui sévissent dans la société d’aujourd’hui. Chimchon, en dépit de ses manquements infimes, nous offre un exemple de maintien d’une pureté spirituelle tout en vivant entouré d’influences négatives.


[1] Béréchit, 49:16, et Rachi sv. Comme l’une des tribus d’Israël.

[2] Béréchit, 18:9-15.

[3] Choftim, 13:3.  Voir Radak ici.

[4] Un Nazir ordinaire a aussi l’interdiction d’être exposé à des cadavres, mais la Nézirout de Chimchon était exceptionnelle en ce que cet aspect de la Nézirout ne s’appliquait pas à lui.

[5] Choftim, 14:4. Il est bien entendu interdit d’épouser des non-Juifs/non-Juives. Cette mesure urgente était un exemple de Horaat Hachaa, où il est permis pour un prophète de transgresser temporairement une loi dans un but spécifique. Exemple : lorsqu’Eliyahou a offert un sacrifice privé sur le mont Carmel dans le but de prouver la véracité de la Torah et la fausseté du culte idolâtre. Il était interdit de faire une offrande privée à l’époque du Temple, mais Eliyahou a reçu une autorisation exceptionnelle. 

[6] Sota, 9b.

[7] Mikhtav Mééliahou, 2ème partie, p.269.