Tout en laissant échapper un bâillement, David ouvrit les yeux et regarda sa montre. Il ressentait au plus profond de son être un sentiment de déprime qui affectait son âme autant que son corps. La conscience qu’il passait son temps à ne rien faire pénétra en lui et lui fit très mal. Parallèlement à ce puissant sentiment de déception de lui-même, il ressentait fortement l’attente de sa femme par rapport à lui. Il souffrait surtout de savoir qu’il la faisait souffrir par son inaction. Elle essayait de l’aider autant que possible, mais sans résultat. Il comprenait que lui seul était capable d’initier un changement, mais…

David rassemble des forces et sort du lit, sachant que sa femme s’apprête à rentrer du travail. Le minimum qu’il puisse faire, c’est de ne pas rester au lit à son retour d’une longue journée de travail éreintante. En chemin vers la cuisine, il remarque une brochure colorée qui l’attire. Tout en se préparant un café, il la feuillette et aperçoit un article sur le thème de l’exploitation du temps. Le sentiment de douleur qu’il avait ressenti plus tôt lui perce à nouveau le cœur. Ah… comme je gâche mon temps, quelle tournure ma vie prend-elle ? En gros : je n’ai pas de but ! L’article le frappa au talon d’Achille, de manière extrêmement puissante. Comme si cet article avait été rédigé pour lui. Ses yeux s’emplirent de larmes à la lecture des lignes suivantes :

« Il n’y a pas de plus grande perte que la perte de temps - le temps est la seule chose qu’on ne peut restituer, "parle peu et agis beaucoup", le temps est la seule ressource donnée à l’homme de manière équitable, à savoir que chacun reçoit exactement 24 heures par jour. Mais il existe des différences considérables entre les hommes sur leur manière d’exploiter le temps à leur disposition. Certains utilisent chaque minute de leur temps pour mener à bien la mission dont ils sont chargés sur terre, tandis que d’autres, à la fin de chaque journée, soupirent et déclarent : "Comme ma journée a filé, je n’ai rien fait…". De nombreuses personnes "se réveillent" à la cinquantaine, dans le meilleur des cas, et dans les cas moins bons, presque avant leur disparition de ce monde, et s’interrogent : "Qu’ai-je fait dans la vie ? Comment ai-je perdu un temps précieux pour des bêtises ?" »

« Incroyable ! C’est l’une de ces deux possibilités : soit l’auteur de l’article me connaît et m’adresse son article, soit il existe d’autres individus comme moi », pensa-t-il, puis il poursuivit la lecture :

« On raconte l’histoire d’un homme qui désirait ardemment s’enrichir, mais il n’avait malheureusement pas d’argent à sa disposition. Il tenta sa chance auprès du roi qui l’accueillit avec bienveillance et accepta de lui donner une somme de départ pour se lancer. L’homme quitta le roi de bonne humeur et se lança dans le commerce, mais il ne réussit pas et ses affaires périclitèrent. Un an plus tard, il retourna chez le roi pour lui demander de lui offrir une nouvelle chance. Le roi lui lança un regard sévère et lui dit : "Tu as perdu l’argent que je t’avais donné, comment oses-tu m’en demander davantage ?"

Nous demandons au Maître du monde de subvenir à tous nos besoins : la santé, la joie, la réussite, etc. Demandons-nous aussi de l’aide pour exploiter notre temps ? Sommes-nous conscients de la valeur du temps et du lien entre notre relation au temps et notre réussite ? Saisissons-nous que la réussite dans la vie, c’est de réaliser la finalité de notre présence sur terre ?

La vie juive tourne autour du concept du temps, et de là, nous pouvons comprendre le lien inséparable entre la relation de l’homme au temps et sa réussite. Le Juif doit respecter les limites de temps, comme les prières récitées à temps, l’allumage des bougies de Chabbath et des fêtes à temps, comme l’affirme ce cantique : "Homme, pourquoi te soucier de l’argent et non des jours (du temps), car le temps ne vient pas à ton secours, et les jours ne reviennent pas !"

Le Rav Ovadia Yossef relate une parabole : un Juif voulait vivre dans une certaine ville et il s’y rendit pour se faire une impression. À l’entrée de la ville, il aperçut un cimetière et décida d’y entrer. À sa grande surprise, il aperçut que l’inscription sur toutes les Matsévot (pierres tombales) indiquait que les défunts étaient morts jeunes : un enfant de 3 ans, de 2 ans, etc. L’homme, choqué, réfléchit : que se passe-t-il dans cette ville ? Il rechercha la synagogue, y entra et vit des personnes âgées, il leur demanda de lui expliquer ce qu’il avait vu. Les anciens lui répondirent : "Chacun des résidents de notre ville possède un carnet dans lequel il inscrit « oui » s’il a accompli quelque chose d’important, et « non » s’il a perdu son temps. À sa mort, la ‘Hévra Kadicha compte le nombre de « oui » et c’est l’âge inscrit sur la pierre tombale." »

Un sentiment de joie et d’espoir envahit le cœur de David. Il ressentit qu’une force plus grande et plus puissante que lui le comprenait et le conduisait vers une avancée capitale. Un sentiment de renouveau pénétra en lui et lui insuffla la volonté. « J’ai désormais compris, il me manque de la volonté, pensa-t-il. Mais comment puis-je savoir quel est mon but dans la vie ? », se dit-il, puis, il reprit la lecture :

« Comment savoir quel est notre but dans la vie ? Nous en avons une allusion dans le terme Takhlit (finalité) : nous remarquons qu’il est composé de la lettre Tav au début, puis Tav à la fin, et au centre "Kéli" (outil), pour nous apprendre que nous devoir voir le but dès le départ, dans chacun de nos actes, tout en mettant à profit les outils que nous avons reçus.

Si c’est bien le cas, comment agir pour réaliser nos objectifs afin de voir la bénédiction et la réussite dans notre vie ? Voici quelques étapes pratiques :

1. Réflexion sur notre objectif : de quels outils le Créateur nous a-t-Il dotés ? La force de notre parole, la créativité, un sens artistique ? Une tendance à faire du ‘Hessed ? La faculté de comprendre intuitivement autrui ? Un amour des enfants ? Des adultes ? Ou, au contraire, une préférence pour travailler devant des ordinateurs ou des machines ? Etc.

2. Vision de la fin : Si aujourd’hui était notre dernier jour sur terre, qu’aimerions-nous voir achevé ? Avons-nous créé quelque chose ? Réalisé notre but ? Si c’était le dernier jour de notre vie, gâcherions-nous notre temps à nous plaindre, ou, au contraire, voudrions-nous nous concentrer sur les choses essentielles ?

3. Quelles sont les valeurs importantes pour nous dans la vie ? Question très importante. Pour accéder aux valeurs authentiques qui nous importent, posons-nous la question : quel message aimerais-je communiquer au monde ? Comment voudrais-je qu’on se souvienne de moi ?

4. Identification de blocages/de conflits : à quelle figure vous identifiez-vous ? J’ai l’habitude de poser cette question et la réponse m’apprend beaucoup sur la personne en face de moi. Parfois, mon interlocuteur me répond que son héros est un personnage du monde sportif, des affaires ou une star quelconque, contrairement à un homme qui admire un personnage spirituel. La réponse dévoile si l’homme est concentré sur des objectifs matériels ou spirituels. Chacune des réponses est acceptable, l’essentiel étant que l’homme ne soit pas dans un système de croyances contradictoires. À savoir que, d’un côté, l’homme estime et déclare à son entourage qu’il est spirituel, que l’argent ne l’intéresse pas etc., et, d’un autre côté, la personne qu’il admire est un homme qui a réussi sur le plan financier.

De plus, si on demande à un homme enfoncé dans le monde de la matière à quel point il lui est important d’y mêler de la spiritualité, et qu’il répond : beaucoup, cette ambition ne se traduit pas dans la réalité. L’un des points importants est d’identifier les conflits qui sont le résultat des écarts entre les croyances que l’homme entretient simultanément.

Un homme déclare : "Il est très important de déterminer le but de notre existence." Si on lui demande combien d’efforts il investit pour trouver son but et qu’il répond : "zéro", ceci exprime un conflit que l’homme vit sans en être conscient. Les torts qu’il subit sont une perte de force et d’énergie. Cela ressemble à un homme assis dans une voiture qui appuie à la fois sur l’accélérateur et sur le frein. Il a besoin d’énergie (d’essence) et il consume son temps en vain.

Je demande ensuite : quel est la qualité ou le bon point que tu vois dans ce personnage ?

Par exemple, l’homme voit comme but de sa vie l’exploitation de ses talents dans le domaine de la musique. Il découvre qu’il admire les musiciens, aime beaucoup la musique et rêve d’entrer dans cette profession. D’un autre côté, il pense que chanter ou jouer d’un instrument de musique constitue une perte de temps. Il est évident qu’il se bloque et, en conséquence, il ne parvient pas à réaliser ses objectifs.

Répartition des objectifs sur la durée : après avoir reçu des informations en fonction des réponses, une image des objectifs privilégiés se profile. Planifions à présent les tâches en suivant l’échelle de priorités et un calendrier.

Facteurs qui font perdre du temps : il est conseillé de réduire le temps consacré à surfer sur Internet, au téléphone et à la lecture de messages !

Gestion de la journée : il est très important d’organiser une gestion de la journée et d’affecter une durée à chaque tâche, de laisser du temps pour les imprévus, et de créer un système de rappel pour les choses importantes. Ce qu’on n’a pas réussi dans une journée, on le transfère au jour suivant.

Temps optimal : remarquez à quel moment de la journée vous êtes au mieux de votre forme. Il vaut la peine d’effectuer les tâches importantes qui nécessitent de la concentration dans ces moments-là. »

David esquissa un sourire malicieux et pensa : « J’ai vraiment une femme valeureuse. Elle a placé cette brochure ici, mine de rien… elle est intelligente ! »

À l’arrivée de son épouse, il avait déjà pris la ferme résolution de suivre une nouvelle voie.

Ahouva Téhila Nissan