On peut considérer que l’humanité se divise en deux catégories : les croyants et ceux qui ne le sont pas. Mais même parmi ceux qui croient en Son existence, nombreux sont ceux qui estiment que D.ieu S’est retiré des affaires de ce monde. Ils L’imaginent “allongé” sur un divan, somnolant, jetant de temps en temps un coup d’œil rapide sur ce qu’il se passe ici-bas, intervenant parfois ponctuellement mais jamais de manière constante. Il est vrai qu’il y a bien longtemps, Il a créé le monde, observé la conduite de l’homme et jugé lorsque cela était nécessaire. Il n’a d’ailleurs pas hésité à engloutir Ses créatures à l’époque de Noé ou à diviser les peuples lors de la construction de la tour de Babel. Il a aussi sauvé Avraham de la fournaise ardente et bouleversé les lois de la nature lors de la sortie d’Égypte.

Mais tout cela remonte à une époque ancienne, où Il Se révélait aux prophètes pour leur faire connaître Ses desseins. Chez les Hébreux, on pouvait alors savoir si D.ieu était satisfait de Son peuple en observant les pluies tomber en leur temps. À l’inverse, une sécheresse ou une invasion étrangère étaient perçues comme des signes de Son mécontentement. Aujourd’hui, cette relation de cause à effet semble s’être estompée, et il devient difficile de discerner ce que l’Éternel attend de l’homme. Certains en viennent alors à penser que, peut-être par déception ou pour toute autre raison, D.ieu aurait décidé de Se détourner du monde, voire même de Son peuple.

Une telle perception peut avoir des conséquences désastreuses. La Torah établit en effet un lien direct entre bénédiction – et malédiction – et notre soumission à D.ieu. Mais si l’on suppose que l’Éternel S’est retiré du monde et qu’Il n’agit plus selon le pacte énoncé dans la Torah, certains se sentiront libres d’agir selon leur propre jugement. C’est ainsi que, sous le règne d’A’hachvéroch, des Juifs participèrent au festin qu’il offrit, malgré l’immoralité qui y régnait, considérant qu’il était essentiel de respecter les volontés du souverain sous lequel ils vivaient. Tout au long de l’Histoire, le peuple d’Israël se retrouvera dans des situations similaires et, parfois, s’égarera en pensant que, si (‘Has Véchalom) D.ieu ne Se manifeste plus, alors il leur revient de prendre en main leur destin.

Mais Mordékhaï et Esther avaient une tout autre compréhension de l’attitude de D.ieu en Galout (exil). L’une des malédictions mentionnées dans la Torah stipule que si les Bné Israël s’éloignent de Lui, alors D.ieu cachera Sa face. Il n’est pas dit qu’Il S’éloignera, mais qu’Il deviendra difficile à percevoir. En vérité, “Il ne S’endort ni ne sommeille, le Gardien d’Israël” (Psaumes 121, 4). Ainsi, face au décret de Haman visant à anéantir tous les Hébreux, Mordékhaï et Esther comprennent qu’un acte d’accusation pèse forcément sur eux dans le Ciel. Leur participation au festin, neuf ans plus tôt, leur apparaît comme une faute évidente. Seule une Téchouva collective peut les sauver, et trois jours de prière et de jeûne sont alors décrétés.

C’est ainsi que la situation se renverse : les Juifs prennent le dessus sur leurs ennemis, et Haman, ainsi que ses dix fils mécréants, sont pendus. Les miracles successifs relatés dans la Méguila prouvent sans équivoque que non seulement D.ieu ne S’est pas retiré, mais qu’Il demeure omniprésent. Ce message, célébré chaque année, nous accompagne tout au long de notre long exil, nous éclairant à travers la Émouna face aux événements qui se succèdent continuellement.

Pourim Saméa’h !