Tout le monde connaît, en français, l’expression « l’habit ne fait pas le moine » pour exprimer l’idée qu’il ne faut pas juger les personnages d’après leur apparence vestimentaire. Dans la langue sacrée – loin de faire des comparaisons – les éléments extérieurs de l’habit sont, assurément, essentiels. 

C’est l’Éternel Lui-même Qui, après la faute d’Adam Harichon, a donné des habits à Adam et ‘Hava, selon le texte : « Et l’Éternel D.ieu fit pour l’homme et pour sa femme des tuniques de peau, et les en vêtit » (Béréchit 3,21). 

Yossef Hatsadik, le fils de Ya'akov Avinou, a vécu cinq variations de ses habits : belle tunique spéciale donnée par son père, puis trempée dans le sang par ses frères, habit retenu par la femme de Potiphar, vêtement de prisonnier qu’il a dû changer avant de se présenter devant Pharaon, et enfin, robe magistrat qui convenait à un vice-roi (Béréchit 41, 42). L’habit, chez Yossef, reflète sa situation personnelle.

Ainsi, le but du vêtement est de refléter la personnalité. C’est ce que doivent représenter les vêtements sacerdotaux des Cohanim : symboliser les écarts de conduite des enfants d’Israël, et obtenir le pardon pour ces fautes. Les huit vêtements du Cohen Gadol devaient correspondre aux trois dimensions de l’homme : dimension personnelle (l’orgueil d’abord avec la tiare, l’insolence avec la plaque d’or sur le front), dimension horizontale, sociale (débauche, avec les caleçons de lin, meurtre avec la tunique), et verticale, à l’égard du Tout-Puissant (pensées hérétiques avec l’écharpe, idolâtrie avec le Éphod - le tablier sacerdotal - et iniquité avec le pectoral, où étaient mentionnées les douze tribus).

Assurément, aujourd’hui, le Temple n’est plus qu’un souvenir, mais il demeure indiscutablement un espoir, et les vêtements retrouveront leur utilisation. Mais ce qui importe, à notre époque, c’est de comprendre le message de la Torah à travers ces symboles concrets. Aujourd’hui, d’ailleurs, les Tsitsiot, pour les hommes, la pureté du foyer juif, pour les femmes, sont déjà un élément de sainteté qui ne cesse de maintenir le peuple d’Israël depuis des générations, et cela caractérise l’identité et la spécificité du peuple juif. Il faut, cependant, aussi dépasser cette dimension pour inscrire ce sujet dans la relation de la créature avec le Créateur. Le vêtement, ainsi peut-on résumer, recouvre le corps, et le corps recouvre la « Néchama », ce qui veut dire, en d’autres termes, que le corps est chargé de couvrir la spiritualité. Cela explique ce qui a été exprimé précédemment, à savoir que c’est le Tout-Puissant qui a donné des vêtements à Adam Harichon. Les huit vêtements, ayant donc pour but de faire pardonner les fautes, représentent ainsi le but de la rencontre entre le fini, le créé, et l’Infini, en donnant au fini le sceau de la spiritualité, à l’image de la Brit-Mila (Circoncision) qui doit donner le cachet de la sainteté à la matière, le huitième jour. 

Cependant, n’oublions pas que c’est la ruse du serpent qui a causé la désobéissance d’Adam et 'Hava. La ruse a pour but de refuser l’injonction du Créateur. C’est ce que les Sages appellent « la souillure du serpent », que la Révélation au Sinaï avait effacée, que la faute du veau d’or a ramenée. Les 'Hazal expliquent en effet que, après la faute du veau d’or, la souillure du serpent avait, à nouveau, « sali » les enfants d’Israël. Cela explique d’ailleurs le rôle expiatoire des vêtements sacerdotaux, évoqué précédemment. Cependant, tâchons de voir encore plus profondément : dans ce problème de l’habit, c’est la dignité de l’être humain qui est ici l’enjeu et, en conséquence, la prise de conscience du spirituel dans le concret. L’animal est un être vivant – comme l’homme. Il se nourrit, se reproduit, meurt comme l’homme, mais il ne se couvre pas d’un vêtement, car se couvrir est une nécessité seulement liée à l’homme, qui pense et doit donner un sens à l’existence. De la sorte, la rencontre entre le métaphysique et l’éthique se traduit dans l’habit qui doit couvrir, d’abord, le symbole de la reproduction. 

Ainsi, l’habit obtenu par la ruse du serpent, vecteur de la pensée chez l’homme (l’hébreu utilise le même mot – « Aroum » – pour exprimer la ruse et la nudité), l’habit donc, octroyé après et malgré la faute par l’Auteur du créé, doit représenter dans la Création la présence de la Transcendance. Ainsi, c’est par leurs relations avec la culture vestimentaire que l’on pourra juger le degré de civilisation d’une société. L’azur sera, pour la Torah, le symbole de la rencontre du fini avec l’Infini, comme le disent les ‘Hazal : « Le fil d’azur, qui doit accompagner les Tsitsit, rappelle l’infini de la mer, et la mer évoque l’infini du ciel, et symbolise la couleur du Trône divin » (Talmud Babli – Traité Mena’hot). Le symbole de l’azur traduit le mieux l’espace infini, c’est-à-dire la Transcendance. Ainsi peut-on comprendre le but de l’habit : c’est de reconnaître Qui continue à réaliser le verset de Téhillim, inscrit dans le dixième des Treize Articles de Foi de Maïmonide : « Il crée leur cœur et suit toutes leurs actions ». L’Éternel protège l’humanité, sait les secrets de chaque individu, et l’habit de l’homme doit témoigner la vérité de ce message ! Sachons reconnaître le Maître du monde dans Sa création !