Vendredi matin, Lag Ba’omer 5781. Je me réveille, tout semble a priori normal. En prenant mon téléphone, je vois plusieurs appels en absence. Je comprends que quelque chose ne va pas. Des appels de gens qui n’ont pas l’habitude de m’appeler. Que se passe-t-il ?

Alors que je rappelle l’un d’eux, mon mari rentre. Il a passé la nuit à Méron, comme tous les Lag Ba’omer. La personne au téléphone me demande si tout va bien, je lui dis que oui, mais ne comprends pas sa question. Elle me dit alors : "Tu n’es pas au courant ?"

Non. Je ne suis pas au courant. Et alors que j’entends le récit de cette nuit d’horreur, je refuse de réellement y croire. Mon mari est là, oui. Il est revenu sain et sauf. Mais d’autres femmes n’ont pas eu cette chance, et leur mari ou leur enfant ne rentrera jamais.

Une tragédie tout simplement inqualifiable.

Une longue et terrible nuit vient de passer. En un instant, la joie s’est transformée en deuil. Des dizaines de juifs ont récité leur dernier Chéma’ avec des milliers d’autres lors de la récitation de la Kabbalat ‘Ol Malkhout Chamayim (acceptation du joug Divin) devant le tombeau de Rabbi Chimon. Et quelques instants plus tard, ils n’étaient plus.

Très vite, les réseaux sociaux s’enflamment… Certains aident, d’autres détruisent.

Tellement de choses sont dites, tellement de choses sont écrites, mais une chose est sûre, c’est que le moment n’est pas à la recherche d’un coupable. La possibilité que nous donne la technologie de trouver un coupable nous amène au mauvais endroit.

Hachem était à Méron. C’est Hachem qui a fait venir là-bas chaque personne qui devait y être. C’est Lui qui a décrété qui pourrait respirer et qui n’y arriverait pas. Tout s’est passé selon Son programme, une Midat Hadin (attribut de rigueur) que nous, êtres humains, ne pouvons pas comprendre.

Rabbi Yérou’ham de Mir racontait qu’il y a quelques années, à côté d’un fleuve se trouvant près de la ville de Mir en Europe, un taxi est tombé et tous ses passagers moururent. Rabbi Yérou’ham dit à ses élèves que, d’un point de vue de Emouna (foi en D.ieu), on ne dit pas que "tous ceux qui étaient dans la voiture se noyèrent", mais que "Hachem a réuni sept personnes qui devaient quitter ce monde en se noyant, dans une même voiture".

Tel est le regard qu’Hachem attend de nous : ne pas réfléchir à la partie technique de l’événement, ne pas se préoccuper du "comment", mais lever nos yeux vers Lui, car Lui Seul fait vivre et fait mourir.

Mais comment y arriver ? Comment ne pas être brisé après une telle tragédie ? Comment garder foi et espoir ?

Lorsqu’un endeuillé sort du cimetière après l’enterrement d’un proche, il est de coutume de lui donner un aliment rond, un œuf ou des lentilles. Pourquoi une telle coutume ?

L’endeuillé, en perdant un proche, se sent horriblement mal, il a l’impression que le ciel lui est tombé sur la tête, qu’il n’a plus d’avenir, que sa vie est finie. Lorsqu’une personne assiste à l’enterrement d’un proche et rentre chez elle, il est pratiquement impossible de lui parler. On lui parle donc en allusion. En lui apportant un aliment rond, elle est assise et se dit : "Pourquoi m’apporte-t-on un tel aliment ?", et alors, elle se rappelle qu’on amène des aliments ronds à un endeuillé pour lui allusionner que "la roue tourne". C’est vrai que maintenant, quelqu’un est décédé et que la douleur est énorme, mais sache que le monde est comme une roue qui tourne, des gens naissent, d’autres meurent, certains moments sont difficiles, mais des moments de joie viendront.

La Emouna est la seule chose qui peut nous faire tenir dans ces moments si difficiles, car notre esprit ne peut pas comprendre une telle tragédie.

Cependant, notre devoir a tous est de nous remettre en question.

Le premier Beth Hamikdach a été détruit à cause des trois péchés capitaux (meurtre, idolâtrie, et adultère) et fut reconstruit 70 ans plus tard. Ce deuxième Beth Hamikdach a, quant à lui, été détruit à cause de la haine gratuite… et n’est toujours pas reconstruit, depuis plus de 2000 ans.

Ceci vient nous apprendre que la haine gratuite est encore plus grave que les trois péchés capitaux, et que, pour avoir le mérite de voir la reconstruction de notre troisième Temple, il faut redoubler d’amour gratuit.

Partager la peine de l’autre, sans le juger, ni poser de question, est sûrement l’une des bases de l’amour gratuit. Chercher un coupable dans des moments pareils est tout simplement inconcevable.

Ne cherchons pas de coupable, ni à Méron, ni ailleurs. Aimons-nous les uns les autres sans condition, acceptons l’autre tel qu’il est, sans le juger.

Mon mari était à Méron, mais des milliers d’autres juifs y étaient aussi, des dizaines y sont malheureusement restés, et le peuple entier s’est endeuillé… Il n’y a qu’une foi pure et entière en D.ieu qui saura panser nos blessures.

« C’est lui qui guérit les cœurs brisés et panse leurs douloureuses blessures. » (Téhilim 147, 3)

Pour l’élévation des 45 âmes pures, parties dans la Sim’ha d’une Mitsva.