Dans le chapitre précèdent : Steeve et Perla ont rendez-vous dans un parc pour fêter leur premier anniversaire de mariage. La soirée s'annonçait belle et romantique, mais une nouvelle va bouleverser leur jeune couple...

J'ai entre mes mains une feuille, avec écrit les résultats du dernier examen médical de Perla, et je n'y comprends rien. En observant les traits de son visage, je constate qu’elle, contrairement à moi, les a saisis, et cela n’annonce rien de bon.

La voir toute tremblante, avec les larmes aux yeux, me donne envie de l'assaillir de questions pour enfin comprendre ce qui ne va pas. Bien qu'à l'intérieur je n'en mène pas large, je préfère lui masquer mon angoisse et prendre une voix posée, en lui demandant de m'expliquer calmement ce que le docteur lui a dit. C’est le cœur battant à mille pulsations par seconde que j’attendis sa réponse.

En bafouillant, elle m'informa que les numéros que je lisais signifiaient qu’apparemment Perla souffrait de ce que l'on appelle « l’endométriose » :

– Endor... quoi ? Qu'est-ce que c'est ?

– Moi non plus je ne savais pas ce que c’était, il y a à peine deux heures. Apparemment, c’est une maladie des ovaires. Ce qui veut dire qu'en l'état actuel des choses, il va nous être très difficile que je tombe enceinte... Je suis supposée retourner voir le docteur pour discuter des différentes options qui s'offrent à nous. Selon lui, elles ne sont pas bien larges.

– Ce qui veut dire ?

– Bien que nous n’en ayons aucune garantie, j’ai le choix entre subir une petite intervention et voir si le problème se résorbe de lui-même, ou de se tourner directement vers la médecine assistée.

Un peu trop abasourdi par toutes ces informations qui me tombaient dessus, je ne parlais pas tout de suite. J'avais besoin de quelques minutes de récupération mentale pour trouver les mots justes. Perla avait dû se douter que j'étais un peu sonné, car, avec un sourire triste, elle me dit :

- Nous qui avions prévu une soirée romantique, on dirait bien que c’est râpé !

Ces paroles m’aidaient à me ressaisir, et, d'un coup, je retrouvais toutes les facultés qui me manquaient une seconde plus tôt :

- Ma chérie, arrête tes bêtises ! N'est-ce pas romantique justement que l'on soit là, l'un pour l'autre, à affronter ce qui nous concerne tous les deux ?

- Enfin... tu veux plutôt dire, ce qui me concerne, moi !

C'est en s'effondrant dans mes bras qu'elle me débitait ce que je qualifiais automatiquement « de pures âneries » !

– Shimon, je suis terriblement désolée. Tellement désolée…

- Désolée ? Mais désolée de quoi ?! Tu n'as pas à te sentir mal vis-à-vis de moi ou de qui que ce soit. Dès demain nous allons appeler le meilleur des docteurs, et à partir d'aujourd'hui, Bli Nédèr, je vais faire en sorte de me libérer du temps pour t'accompagner à chaque rendez-vous médical ! Tu n’as pas à affronter ça toute seule. Nous sommes ensemble maintenant ! Je te promets d’être présent et de tout mettre en œuvre pour que ça marche !

- Et si cela ne marche pas....?

- Bien sûr que cela va marcher ! Mais… je sens qu’il y a autre chose qui te tracasse, non ?!

- Je me disais que… si au bout de dix ans, on n’a toujours pas d'enfants, et que tu décides de me quitter, je le comprendrai ! Tu sais, c'est permis dans la Torah. Tu pourras te trouver une autre femme qui pourra, elle, te donner des tas d’enfants ! Tu le mérites Shimon ! Tu le mérites tellement ! Le mieux c’est que tu me quittes dès maintenant, voilà-tout !

Elle partit de plus belle dans de grandes larmes qui me déchiraient le cœur ! Comment peut-elle penser une chose pareille !? N’avait-elle pas compris à quel point je l’aimais ?

Sa souffrance et cette peur me touchaient au plus profond de mon âme. Je n’étais pas loin de craquer moi aussi. Je décidais qu’il fallait que je rassure Perla au maximum pour lui ôter cette idée de la tête !

- Ma douce, regarde-moi et sèche tes larmes ! Je connais cette loi qui permet d'envisager une éventuelle séparation, si… et seulement si, l'homme et la femme sont d’accord. Le but est de donner une chance d'avoir des enfants chacun de son côté. Je te signale que rien ne nous y oblige ! Enfant ou pas, sache que JAMAIS, je ne te quitterai ! Mets-toi bien ça dans la tête ! Tu vas m'avoir sur le dos jusqu'à tes cent vingt ans, et même jusqu’après la venue de Machia’h, Madame Perla Lellouche née Levy !

Ce qui la fit au moins rire !

- Ne t'en fais pas, nous allons étudier toutes les options qui s'offrent à nous, et avec l’aide d’Hachem et une bonne dose d'Emouna, nous l'aurons notre bébé. Mais je t’en prie, cesse de pleurer.

Mes mots flottaient toujours dans les airs quand Perla, qui avait pris un mouchoir de son sac, me demandait ce que nous allions dire aux gens qui nous harcelaient avec cette question :

- Shimon, je ne pense pas que j'arriverai à affronter encore le regard de mes collègues ou des gens. Cet air entendu et triste à la fois qu'ils me jettent à tour de rôle me rend constamment mal à l'aise. Et ta maman qui n'arrête pas de m'en parler chaque fois qu'elle nous rend visite ! Qu’est-ce que l’on va bien pouvoir leur dire ?

- Que ce ne sont pas leurs affaires ! Que nous sommes très heureux à deux pour le moment !

Nous restions silencieux un bon moment sur ce banc, témoin de cette nouvelle. Nos esprits perdus quelque part entre notre anniversaire de mariage et cette réalité à laquelle nous devions faire face. J'en avais même oublié mon cadeau et la réservation faite quelques jours plus tôt dans notre restaurant préféré.

Soudainement, j'eus une idée. Je descendis du banc pour me mettre en face de ma femme. Je sortis de ma poche la petite boîte rouge dans laquelle était enfermé son bracelet. C’est droit dans les yeux que je lui tendais son cadeau :

– Oh ! C’est trop gentil. Merci ! Vraiment, il ne fallait pas !

– J'avais prévu de te l’offrir au moment du désert, mais, au final, maintenant est le parfait « timing » ! Ma Perla, chaque fois que quelqu'un te posera la question au sujet d'agrandir la famille, tu regarderas ce bracelet et tu sauras que, peu importe où je suis, peu importe quand Hachem dans Sa miséricorde nous donnera notre futur bébé, je t’aimerai toute ma vie !

Sous le coup de l'émotion, mon épouse dénoua le nœud du paquet et découvrit mon cadeau. La joie avait remplacé la peur et la tristesse qui se lisaient sur son beau visage quelques minutes plus tôt :

- Waouh ! Il est magnifique ! Je ne sais pas comment tu as fait, mais juste merci, surtout pour tes mots.

- Allez, allons dîner, et fêtons dignement nos douze mois de bonheur !

Ce soir-là, à l’heure du Chéma’, une fois dans mon lit, je me demandais intérieurement si Hachem ne me faisait pas payer mes erreurs du passé à travers ce qu’il nous arrivait.

Je ne comprenais pas pourquoi une femme comme Perla devrait affronter tous ces soucis pour concevoir ce qu’elle désirait le plus au monde, alors que des tas de gens avaient des bébés tous les jours. Il y a même des femmes qui n’en veulent pas, mais qui pourtant tombent enceintes avec une facilité déconcertante.

Qu'est-ce que nous, nous avions fait...

Seul, je sentais l'aplomb, dont j'avais fait preuve, me quitter peu à peu. C'est par mon manque de réponses et de courage que, cette nuit, je n'avais pas pu fermer l'œil...

Le lendemain, avec ma tête des mauvais jours, j'allais trouver mon ami, Aviad, pour me confier. Bien évidemment, j'avais au préalable demandé la permission à l'élu de mon cœur. Je ne voulais pas qu'elle ait le sentiment que je trahis sa confiance. Elle m'avait donné sa bénédiction, car elle savait que parler à un ami soulage de biens des maux.

Aviad m'avait écouté jusqu'au bout. Tout de suite après, comme je l’espérais, il m'abreuva de paroles aussi réconfortantes qu’encourageantes, dont j'avais cruellement besoin. Il me raconta l'histoire fantastique de sa tante qui, pendant vingt ans, n'avait jamais pu enfanter, et qui, à l'aube de ses quarante ans, était tombée enceinte spontanément… de jumeaux !

– Juste comme ça !

Des heures durant nous en parlions chaque fois que j’en avais besoin. Ce fût gonflé à bloc que j'étais encore plus prêt à épauler ma Perla pour notre prochain rendez-vous médical qui était prévu une semaine plus tard.

Pendant plus de trente minutes, nous avions écouté le Docteur Sellam, qui nous expliquait en détails la maladie, ses conséquences, et les solutions pour y remédier. Tout le long de notre entretien, ce qui m'avait mis mes nerfs particulièrement à vifs, c'était le manque de conviction avec lequel ce "spécialiste" finissait ses phrases, qui m’agaçaient au plus haut point :

"C'est quasiment impossible ! Les chances pour y arriver sont extrêmement maigres, même après l'opération ! Il faudrait un miracle !"

Une avalanche de phrases plus pessimistes les unes que les autres qui étaient difficilement supportables à écouter !

En sortant de cet entretien, j'étais certain qu'après des paroles aussi accablantes, j’allais récupérer Perla à la petite cuillère, mais contre toute attente… ce fut le contraire !

Aussi étonnement que cela puisse paraître, j'avais une femme forte qui me regardait avec une détermination sans faille qui n'avait plus rien à voir avec la Perla que j'avais serré dans mes bras après l'annonce des résultats d'analyse !

C'est en serrant fort le bracelet que je lui avais offert qu'elle me dit :

- Shimon, rien n’est impossible, tu m’entends ! Si Moché Rabbénou a pu ouvrir la mer rouge en douze…

– En deux, non !?

– Ça dépend des commentaires, mais peu importe ! Être enceinte est de la gnognote à côté de ce que D.ieu a fait pour notre peuple ! Je vais me faire opérer, et tu vas voir mon mari chéri, nous aurons des tas d'enfants ! Tellement d’enfants qu’on devra déménager chaque année pour avoir la place pour toute notre future et grande famille !

Je suis prête à faire tout ce qu'il faut pour concevoir, et, si après avoir tout essayé, mais vraiment tout, cela ne marche pas, nous commencerons à réfléchir à l’adoption ! Nous allons de ce pas trouver un autre docteur, mais optimiste cette fois ! Nous irons voir le rabbin de mon père pour qu'il nous accorde sa Brakha immédiate, et tout ira bien !

C'est à ce moment que je compris. L'épreuve qu’Hachem nous avait envoyée n'avait rien à voir avec mes erreurs du passé ! C'était pour que je sois le témoin du puits de ressources, de forces, de courages, et de déterminations dont les femmes font preuve à longueur de vie ! Mais surtout, c’est grâce (oui, grâce !) à ces étapes pour atteindre notre but de construire notre propre famille, que, chaque jour qui passait, j'aimais encore plus ma femme…

La suite la semaine prochaine

Déborah Malka-Cohen