Nous attendons tous impatiemment la venue du Machia'h. Soit. Mais après ? Que se passera-t-il ? De nombreuses questions de Halakha se poseront alors. Pour certaines d'entre elles, nos décisionnaires n'ont pas attendu de siéger au Sanhédrin pour y répondre.

Quelles bénédictions récitera-t-on quand viendra le Machia’h ? Devra-t-on apporter les sacrifices des fautes commises pendant l’exil ? Continuera-t-on à prier la 'Amida ?  Vous ne vous êtes jamais posé la question ? Avouez pourtant que c’est intéressant.

Quelles bénédictions récitera-t-on ?

Logiquement, si pour une jolie veste on se doit de réciter la bénédiction “Chéé’héyanou” (“Qui nous a fait vivre, qui nous a établis et qui nous a fait parvenir à cet instant”), alors on peut légitimement penser que lors de l’événement le plus extraordinaire que l’humanité n’aura jamais vécu, on récitera aussi cette bénédiction.

Mais pas seulement. Les décisionnaires[1] tranchent : nous devrons également réciter la bénédiction « ‘Hakham Harazim » que l’on doit réciter lorsque l’on voit plus de 600 000 Juifs réunis au même endroit.

Qui plus est, le Machia’h étant un roi d’Israël, nous devrons réciter la bénédiction “Ché ‘Halak Mikévodo Liréav” : Béni sois-tu...qui donne de sa gloire à ceux qui le craignent.

Et enfin, puisqu’accessoirement le Machia’h sera le plus grand Talmid ‘hakham (Sage) de tous les temps, il est normal que l’on récite la bénédiction sur les Sages : « Ché ‘Halak Mi ‘Hokhmato Liréav »: Béni sois-tu ... qui donne de Sa sagesse à ceux qui le craignent.

Enfin, le Rav ‘Hayim Falaggi dans son « Lev ‘Hayim »[2] écrit: « nous réciterons la bénédiction “Gaal Israël”, “qui délivre Israël”, telle qu’elle est écrite à la fin de la Haggada ».

Donc, pour résumer:

ברוך אתה ה' אלוקינו מלך העולם שהחינו וקימנו והגיענו לזמן הזה

ברוך אתה ה' אלוקינו מלך העולם גאל ישראל

ברוך אתה ה' אלוקינו מלך העולם שחלק מכבודו ליראיו

ברוך אתה ה' אלוקינו מלך העולם שחלק מחכמתו ליראיו

ברוך אתה ה' אלוקינו מלך העולם חכם הרזים

Devra-t-on apporter des sacrifices pour les fautes commises pendant l’exil ?

Le Chla Hakadoch écrit[3] : s’il arrive que quelqu'un commette une faute qui, si elle est commise par inadvertance, est passible de sacrifice de « 'Hatat », il notera cela sur un petit carnet pour s'en souvenir car peut être méritera-t-il de voir la construction du Temple et pourra alors apporter les sacrifices. Et il donne l'exemple de Rabbi Ichmaël ben Elicha qui tenait un tel carnet[4].

Le Chout (responsa) « Yad Eliyaou », à la question « peut être que tout ceci n'est valable que pour des êtres d'exception ?», répond comme le Chla : « il s’agit d’une loi vraie, et c'est ainsi que chacun doit se comporter. »

Cependant, le Rav 'Hayim Falaggi[5] pense que tenir un tel carnet n'est qu'une mesure de piété et pas du tout une obligation. Mais ça n'est pas pour autant que l'on ne devra pas apporter des sacrifices pour les fautes commises avant la construction du Temple. Simplement, on n'a pas besoin de noter. En effet, nos Sages enseignent que le Machia'h « jugera » par son odorat[6], il « sentira » les fautes et saura dire exactement à chacun quel sacrifice apporter.

Le Rabbi de Loubavitch[7] explique, quant à lui, que bien que le pardon et l'effacement de la faute ne s’obtiennent à priori que par le sacrifice, malgré tout, aujourd'hui que nous sommes dans l'impossibilité d'en apporter,  une Téchouva complète sera suffisante.

Et concernant les propos du Chla hakadoch[8], le Rabbi s’étonne et remarque que l'on a jamais vu aucun de nos Sages agir de la sorte et pour Rabbi Ichmaël, il faut savoir qu'à son époque les romains avaient permis la reconstruction du Temple. Il semblerait que Rabbi Ichmaël tint ce carnet avant l'annulation de cette permission...

Comment priera-t-on après la venue du Machia'h ?

Observez les prières quotidiennes. Elles sont remplies de références à la Délivrance future. Quand celle-ci aura lieu, que fera-t-on ? D'autre part, la vie idéale de la Guéoula fera que l'on n’aura plus besoin de prier pour la santé ou la subsistance.

La question se pose avec d'autant plus de force qu'il est enseigné dans la Guémara[9] que si certains Sages pensent que les trois prières ont été instituées par les Patriarches d'autres, par contre, pensent qu'elles l'ont été en regard des sacrifices quotidiens. Le Rambam[10] tranche selon ce dernier avis.

Nous sommes donc en droit de poser la question : si les prières journalières ont été instituées en regard des sacrifices journaliers, continuera-t-on à prier après la venue du Machia'h  et le retour du service du Temple ?

En fait, le 'Hida explique[11] les prières ont été instituées « en regard » (כנגד) des sacrifices et pas « à la place » (במקום). La fonction première de la téfila, c'est servir D.ieu, se rapprocher de Lui. Ceci ne peut disparaître à l'avènement de la Guéoula. On pourrait même rajouter que c'est justement à ce moment là, lorsque notre esprit sera pur que nous pourrons vraiment prier comme jamais.

Le 'Hida étaye ses propos en ramenant une Guémara[12] qui prouve sans équivoque que les Tanaïm  (Sages de la Michna) priaient les trois Téfilot alors que le Temple était encore debout.

Mais il reste tout de même le problème du texte de la prière. Le Midrach[13] nous enseigne : “Toutes les prières seront annulées à la fin des temps, mais pas celles de la reconnaissance et des remerciements (הודאה).” Le Aboudraham[14] explique que nous n'auront pas besoin de prier pour les choses du monde car l'abondance sera de mise. Nous n'aurons qu'à remercier le Tout-Puissant.

Pour résumer donc, la prière après la Guéoula, oui, sans aucun doute. Mais vous pourrez mettre votre Sidour habituel à la Guéniza. Il est très vraisemblable que le Sanhédrin fraîchement reconstitué nous concocte rapidement une toute nouvelle version de la prière, une prière « Guéoulatique » de louanges et de remerciements à D.ieu qui nous aura tiré de ce sombre et terrible Exil. 


[1] Minh’at Chlomo du Rav Chlomo Zalman Auerbach Chapitre 91 paragraphe 27.

[2] Seconde partie paragraphe 42.

[3] Traité Yoma « ‘Amoud Hatéchouva » page 71a.

[4] Traité Chabbath 12b.

[5]  Lev 'Haïm, Ora'h 'Haïm paragraphe 30.

[6]  Voir notre texte Qui est le Machia'h, le Messie attendu ?

[7]  Likoutey Si'hot 18 parachat Massey-Bein Hamétsarim.

[8]  Ibid note 50 et 51.

[9]  Traité 26b.

[10] Lois sur la Téfila chapitre 1 loi 5.

[11]  Ma'hzik Brakha paragraphe 48.

[12]  Traité Souka 53a.

[13]   Vaykra Rabba Parachat Tsav 9. Yalkout Chimoni Téhilim 854.

[14]   Sidour à la fin de la Prière des jours ouvrables (שער ב') au nom du Radak.