Question de E. L.

Bonjour Rav Scemama,

Je lis votre rubrique sur le site de Torah-Box et apprécie beaucoup vos réponses. 

C'est pourquoi, je me tourne vers vous pour vous soumettre mon problème.

J'ai 48 ans et me suis mariée il y a 25 ans. Nos enfants ont déjà quitté la maison et nous vivons mon mari et moi pratiquement seuls, habitués l'un à l'autre dans cette vie commune. Nous nous sommes aimés dans notre jeunesse, mais le temps faisant son œuvre, notre relation, bien que très correcte, est devenue assez plate.

Dernièrement, j'ai rencontré dans le cadre de mon travail, un monsieur plus ou moins de mon âge qui s'avère être un Juif pratiquant comme moi-même. Cette rencontre a provoqué un coup de foudre. Je ne peux vous expliquer comment ce sentiment s'est allumé, car vraiment, ce jour-là, je m'étais habillée très simplement et je n'étais pas du tout apprêtée. Mais les faits sont là. Depuis, nous correspondons régulièrement par téléphone, surtout par texto.

Évidemment, il n'y a absolument aucun contact physique entre nous et, comme je l'ai mentionné, il est pratiquant et marié, comme moi.

Par ailleurs, je n'ai aucune intention de divorcer pour me marier avec lui, et je pense que ce monsieur, lui aussi, tient à son foyer.

Bien sûr, je me pose des questions sur le bien-fondé de cette relation et me demande si elle n'est pas malsaine, bien qu'on ne fasse rien de péché.

D'un autre côté, doit-on annuler des sentiments que l'on n’a pas cherché à provoquer, mais qui se sont créés par la main du Destin, et qui enjolivent le quotidien ?

J'attends votre réponse et vous remercie d'avance.

Réponse du Rav Daniel Scemama

Bonjour Madame,

Vous avez bien fait de m'écrire, car il est important de traiter ce problème le plus rapidement possible.

Un sentiment qui se crée entre un homme et une femme, quelle que soit leur situation familiale et leur âge, n'est pas toujours contrôlable. Je m'explique. Il y a dans la nature humaine des attractions fortes qui peuvent surgir même si on ne les a pas cherchées, comme dans votre cas.

On sait combien ces sentiments peuvent engendrer de désastres, détruire des couples, et mener à la faute.

La Torah prohibe de façon claire et très sévère toute relation extraconjugale.

On pourrait dès lors se demander comment gérer une situation problématique, qui nous "tomberait" dessus, sans prévenir.

Voici 3 marches à suivre concrètes pour éviter de gravissimes erreurs :

1. Tout d'abord, il faut anticiper le problème, et faire tout ce qui est dans nos moyens pour éviter de se trouver dans ce genre de situation. On évitera toute discussion entre hommes et femmes mariés sans la présence du conjoint, à plus forte raison des plaisanteries ou des paroles légères.

Nous sommes conscients qu'à notre époque, cela est difficile à réaliser, surtout dans le cadre de nos activités professionnelles, mais malgré tout, tout doit être fait dans ce sens. C'est pourquoi, même avant de s'engager dans un travail, on commencera à vérifier quelle ambiance règne dans le bureau ou le lieu de travail en question. Les autres détails comme le salaire, les horaires et le lieu géographique, seront secondaires par rapport à l'ambiance dans laquelle on va se trouver.

De même, on prendra certaines précautions (par exemple, en se faisant accompagner) avant de se rendre chez un médecin, avocat, enseignant, etc.

Inutile de préciser que la loi juive interdit formellement l'isolement avec un(e) étranger(ère). Voir lois de Yi’houd (isolement).

2. Si, après avoir respecté ces barrières, un sentiment se crée involontairement, il ne faut surtout pas l'entretenir, mais, au contraire, l'éteindre immédiatement, en s'éloignant de cette personne et en n'ayant plus à faire à elle, même au prix de la perte de son travail ou autre.

Il s'agit d'une épreuve envoyée par le Destin et la Torah exige d'être ferme et courageux.

Dans votre cas, Madame, vous devez cesser de suite cette correspondance, changer de téléphone et jeter votre ancienne puce.

Si vous n'agissez pas ainsi, vous risquez de tomber dans la faute - gravissime et sévèrement punie par la Torah - et de commettre un acte désastreux et irréparable.

3. Nous avons le devoir d'entretenir notre couple.

Il est évident dans votre cas que si votre couple était "en bonne santé", cette rencontre ne vous aurait pas perturbée, ou du moins vous n'auriez pas continué à entretenir cette relation. C'est sur un manque, un vide qu'est venue se greffer cette relation indésirable.

Même pour un couple dont l'union commence bien (amour, entente, respect, appréciation...), il est important de faire en sorte que ces sentiments ne se perdent pas.

Le fait que la Torah interdise les rapports conjugaux pendant certaines périodes, ravive l'attrait de l'homme et de la femme, l'un pour l'autre, et ces périodes de séparation sont un bienfait pour entretenir la fraîcheur de leur union (cf. Nidda 31b au nom de Rabbi Méir).

Mais cela n'est pas suffisant, surtout à notre époque marquée par l'esprit du "jetable" et les vents impétueux de la frivolité.

Tous les conseillers matrimoniaux suggèrent, même à des jeunes couples, de trouver des moments d'intimité, de vivre ensemble des expériences qui vont resserrer leurs attaches : des week-ends sans enfants dans un cadre agréable, des sorties au restaurant, du shopping, des échanges de cadeaux accompagnés de petits mots, que chacun va garder dans sa poche pour les relire encore une fois...

De plus, à chacun de se trouver du temps pour réfléchir, voire même écrire dans un cahier personnel, et prendre conscience des qualités de son conjoint, combien la vie serait pénible seul(e), et les difficultés que l'on aurait rencontrées sans l'apport de l'autre pour élever les enfants etc.

Inutile de préciser que toute occasion d'exprimer verbalement sa gratitude envers son conjoint est d'une importance capitale.

Nous avons ici survolé quelques domaines à travailler, mais le principe général est de tout faire pour que notre couple ne fasse qu'un.

Il n'est jamais trop tard pour y remédier et il ne faut surtout pas désespérer.

Car si D.ieu a permis à deux êtres de rentrer ensemble sous la ‘Houppa, c'est qu'il y a entre eux un lien profond qui va faire fusionner ces deux destins en un seul. Et même si la flamme qui résidait dans leur cœur semble éteinte à tout jamais, ce n'est qu'une apparence. Un léger souffle peut ranimer des braises et raviver à nouveau les sentiments.

En conclusion, nous ajouterons qu'il faut beaucoup prier pour le Chalom Bayit (paix au sein du couple) et implorer D.ieu de nous éviter les épreuves qui peuvent le détruire.

Je vous souhaite beaucoup de Hatsla'ha (réussite), de courage et de fermeté dans cette épreuve.