La puissance destructrice qu'une punition peut provoquer, lorsqu'elle est utilisée au mauvais moment ou à trop forte dose, exige de chaque parent d'être extrêmement vigilant. Même quand il apparait inévitable qu'il faille punir un enfant, l'adulte devra le faire après beaucoup de longanimité et de réflexion afin de décider quelle peine donner et quand le faire. Il doit autant que possible ne pas franchir la ligne qui distingue la punition comme moyen éducatif de la punition comme procédé purement vengeur et destructeur.

Les choses ne sont certainement pas simples. Chaque situation diffère de la précédente, au point qu'il est difficile, voire impossible de donner un mode d'emploi précis indiquant comment, quand et sur quoi punir. Pour autant, si l'on relève le gant et qu'on s'efforce d'étudier les principes de précaution adéquats, on pourra, avec l'aide du Ciel, réduire les risques de commettre de trop grosses erreurs.

Nos enfants ne sont pas nos ennemis

Charge à nous de nous souvenir et d'être conscient que la punition n'est qu'un moyen visant à fixer des limites pour nous aider à l'éducation des enfants. Il doit être clair que la sanction ne doit pas être utilisée à titre de représailles. Même lorsque notre enfant nous fait sortir de nos gonds, rien ne justifie de donner une punition de façon réactive et agressive. Tout d'abord, l'interdiction de la Torah de vengeance joue aussi dans la relation parent-enfant. En outre, il faut comprendre qu'une punition utilisée comme une vengeance sera peut-être dissuasive, mais qu'elle réduira également la valeur du parent vengeur aux yeux de l'enfant.

Les parents sont tenus de garder leur sang-froid en toute occasion en ce qui concerne l'éducation de leurs enfants, et en particulier lorsqu'il s'agit de punitions. Il est interdit, et d'ailleurs impossible, d'éduquer les enfants sous l'emprise de l'exaspération, de la colère ou de l'emportement, toutes ces réactions émotionnelles qui viennent « du ventre » et non du cerveau. Nos réponses doivent être le fruit d'une mûre réflexion, afin de savoir à l'avance quels seront les points forts de la réponse apportée et les résultats que nous en attendons.

Gardons toujours en tête le proverbe « La colère est mauvaise conseillère », que tous les plus Grands ont toujours respecté, à l'instar de Moché Rabbénou (Parachat Matot). Les erreurs qui proviennent de la colère dans le cadre de l'éducation des enfants sont nombreuses et leurs conséquences négatives démesurées. Si jusqu'à un certain stade, les parents sont plus forts que l'enfant et peuvent se permettre de le corriger, personne ne garantit la façon dont vont tourner les choses lorsque l'enfant aura grandi et découvert que ses forces lui permettent de répliquer violemment.

Outre ce doute concernant la capacité de réplique de l'enfant, posons-nous la question suivante : est-ce que des coups portés au titre de la vengeance, sous l'emprise de la colère, de l'emportement ou de la frustration, vont amener l'enfant à comprendre où est le droit chemin ? Permettront-ils d'éloigner intelligemment l'enfant de ses errements et autres bêtises ?

La réponse est très simple, et je ne peux que la crier noir sur blanc : « Non et non ! » Une punition donnée sous le coup de l'émotion augure tout simplement d'un futur rapport de force que vous, en tant que parent, aurait initié, et dans lequel l'enfant va s'inscrire tôt ou tard ! A ce niveau, vous perdez toute autorité sur votre enfant, et vous stigmatisez comme un ennemi dont il faut éliminer toute capacité d'action. Même si dans un premier temps, l'enfant se sent vaincu parce qu'il est plus faible que vous, plus tard sa réaction vous « reviendra en pleine figure » et il emmagasinera des idées de vengeance qui pourraient bien se réaliser dans les faits plus tard. Un enfant n'est pas un cheval que l'on dresse, et que l'on corrige à coups de fouet.

Par conséquent, et dans la mesure où une sanction place des limites que l'enfant évitera d'outrepasser à l'avenir, l'intimation d'une punition doit être ciblée, proportionnée et orientée sur des faits particuliers que nous voulons voir disparaitre, plutôt qu'être une agression aveugle contre la personnalité de l'enfant. Prenons l'exemple d'un enfant qui chipe un morceau de gâteau alors que sa mère vient de lui interdire de le faire. Nous pouvons supposer que l'enfant se remettra sans trop de mal si sa mère lui donne une tape sur la main, le menace d'une sanction s'il recommence, ou même le prive de bonbons et autres douceurs pendant un jour ou deux, car cela lui fera concrètement reconsidérer le fait d'écouter ses parents. Même si à ses yeux, rien n'aurait dû l'empêcher de prendre du gâteau, il comprendra que la peine est justifiée, car il a outrepassé un interdit.

La situation sera bien différente si la maman trouve ici l'occasion de provoquer un conflit plus global en s'attaquant à la personnalité de l'enfant : « Sale gosse… Tu es vraiment un sauvage… Je vais t'apprendre moi à voler de la nourriture… Tu vas voir ce que tu vas prendre…» Ce genre de propos et de positionnement sera interprété par l'enfant comme une attaque contre sa personne et non comme une punition pour un acte donné. C'est une dangereuse déclaration de guerre, qui peut même altérer, voire anéantir ce qui a été construit minutieusement entre les deux êtres !

Souvenons-nous que peu importe ce que l'enfant a fait, même s'il est de notre devoir d'être critique et de l'empêcher de commettre des erreurs, nous devons en tout cas épargner l'enfant lui-même et ne pas lui porter atteinte de façon personnelle. Faisons la guerre à ses « sottises », mais en aucune manière à l'enfant « sot ». L'enfant doit rester notre fils (fille) accepté(e) et apprécié(e) pour toujours, même si certaines de ses actions ne sont pas dignes de lui (d'elle). Par conséquent, il est très important de ne pas amplifier la punition et de ne pas « faire les gros yeux » plus que nécessaire. Au contraire, à nous de lui montrer notre meilleur visage après qu'il aura effectué sa punition et à nous de reprendre notre conduite habituelle envers lui, empreinte d'amour et d'affection. Sachons bien que seul le parent qui punit son enfant avec raison et réflexion, et non au gré d'une explosion émotionnelle débridée pourra reprendre avec lui une relation saine comme si de rien n'y était. Lorsque la punition est bien ciblée, l'enfant ne se sent pas réprimé et il n'y aura pas nécessité de se réconcilier avec lui avec des paroles ou des friandises. En outre, nous nous évitons d'éventuelles excuses ou justifications, qui pourraient amener l'enfant à penser que nous avons peut-être commis une erreur en le punissant.

Le fait d'être vigilant à ne pas violenter la personnalité de l'enfant nous évite de tomber dans des situations inconfortables desquelles il est difficile de sortir. On connait le célèbre proverbe populaire qui dit qu'on sait toujours quand commence une guerre, mais jamais quand et comment elle finit. Toute situation tendue entre des parents et des enfants peut être ainsi qualifiée de « guerre », en cela que ça peut très mal se terminer. En voici un exemple :

Un jour s'est présenté à moi un Juif d'âge moyen, pour demander mon avis au sujet de sa relation avec son fils de 14 ans qui se détériorait. J'ai rapidement découvert la raison de leurs difficultés pendant notre échange : il s'est avéré que lorsque cet homme était enfant, son père le battait systématiquement dès qu'il faisait un écart de langage. Après qu'il ait entendu la gravité de ce genre de réaction dans le cadre éducatif, lui-même décida d'adopter un autre mode de punition avec son propre fils : chaque fois que son enfant était insolent, il cessait de lui parler jusqu'à ce que l'enfant vienne s'excuser et fasse montre d'une volonté de réconciliation. Cela a duré pendant plusieurs années, et l'enfant s'est apparemment habitué à ce scénario systématique du père.

Mais un beau jour il y eut un couac. Alors que le père attendait des excuses, cette fois son ado a refusé, pensant que son écart de langage dérisoire ne justifiait pas une telle exclusion. Sûr de son bon droit, l'adolescent a décidé que cette fois il ne cèderait pas à son père, et il engagea un bras de fer en refusant de revenir vers lui.

Cela faisait déjà trois mois que ces deux-là ne se parlaient plus. Or le père réalisa soudain que leur lien ne lui manquait pas autant qu'il l'aurait pensé.

Même après que j'ai conseillé quoi faire au père pour briser le cercle vicieux de cette dispute, sa relation avec son fils est restée froide et mécanique encore très longtemps. Comme il est facile de se tromper et difficile de réparer...

Seule raison valable de punir : cibler un but précis

En vertu du principe que la punition doit servir un but, nous devons prendre des mesures visant à ce que l'enfant comprenne notre cible. Il n'y a pas de meilleure façon de permettre à un enfant de comprendre quelque chose que de lui expliquer. Oui, tout simplement le lui expliquer.

L'efficacité de la punition sera multipliée par dix fois lorsque l'enfant comprendra la raison pour laquelle il l'a reçue. Par exemple, si nous imposons une sanction à un enfant après avoir appris qu'il a pris un gâteau sans autorisation, au lieu de le punir « parce qu'il s'est mal comporté », on lui dira précisément : « Tu as été puni parce que tu as pris du gâteau après que je t'ai dit de ne pas en prendre sans permission. »

Beaucoup de parents qui ont été vigilants sur ce point ont été surpris de découvrir comment les enfants sont aptes à comprendre, même les plus petits d'entre eux, la logique qui préside à leur punition. D'ailleurs certains enfants ne pleurent même plus (pour la plupart, les pleurs ne sont pas une expression de leur peine, mais plutôt une réaction au choc et à leur impuissance, ou au contraire une tentative de faire pression sur les parents).

Je ne veux pas dire par là que les parents doivent s'assurer de l'accord de leur l'enfant sur le fait de savoir s'il mérite une punition et laquelle. Toute punition telle qu'elle est doit atteindre la personne qui y est condamnée. Nous devons nous contenter de l'explication évoquée plus haut, dans l'espoir que l'enfant va comprendre que nous suivons une logique absolue dans cette affaire, et que nous ne fonctionnons pas en raison d'une crise et d'un excès de colère.

Cela permettra que votre enfant ne soit pas en colère, afin qu'il ne se rebelle pas. Quand sa peine sera apaisée, il pourra finalement nous comprendre.

Important : il n'y a pas de raison d'expliquer deux fois de suite la raison d'une punition, ni de s'exprimer selon un vocabulaire d'excuses ou de justifications du type : « Nous ne voulions pas… C'est par erreur que…» Car sinon l'enfant pourrait tenter de prendre avantage sur nous dans ce moment de faiblesse, et essayer ensuite d'obtenir d'autres concessions de notre part.

Une bonne punition

Il est très important que la sévérité de la sanction soit proportionnée à la faute pour lesquelles nous punissons. Quand un enfant voit que s'il fait quelque chose de très négatif, il reste impuni, ou quasi, et que quand il commet une petite malfaisance il essuie une sanction sévère, il apprend que la différence ne réside pas dans ce qu'il fait effectivement, mais dans l'humeur de ses parents. Dès lors, l'enfant arrive à cette conclusion que la punition est en fait un jeu de hasard, sur lequel il prendra des paris sur les conséquences de ses actions, et il essaiera de tirer sur la corde dans l'espoir qu'elle ne se déchire pas et que rien ne se passe. Une punition imposée à un tel enfant ne sera jamais comprise correctement. Toute sanction, même si elle est décidée en raison de ses mauvaises actions, serait interprétée par l'enfant comme quelque chose de liée à ses parents, et non à lui et à ses propres actions.

Ces sanctions ne sont pas pédagogiques, mais au contraire enseignent aux enfants qu'ils peuvent négocier avec les parents qui fonctionnent selon des crises et des caprices. Il faut voir comme ces derniers peuvent être parfois énervés, ou au contraire inertes quand ils sont détendus. On peut appeler cela comme on veut, mais cela ne s'appelle pas de l'éducation. ...