Cet instant, qui a eu lieu au beau milieu du jour le plus difficile de sa vie, Mor Maman ne l’oubliera jamais. Ce fut le jour où sa mère, une femme en parfaite santé jusque-là, son point d’ancrage, ne la reconnut plus. « Maman, maman », appela Mor. Et sa mère, assise en face d’elle, tout à fait consciente, lui demanda sur un ton troublé, à glacer le sang : « Qui es-tu ? Qui es-tu ? ». En ces instants, elle pensa que le ciel lui tombait sur la tête, et ne voulut qu’une chose : être engloutie sous terre. Aujourd’hui, Mor sait que cet événement l’a énormément renforcée et aguerrie, et surtout, cela a été un élément déterminant dans le processus de Téchouva qu’elle a entamé par la suite.

« Ma mère, relate Mor, est tombée un jour lors d’un entraînement en salle de sport. Jusqu’à aujourd’hui, nous ne savons pas vraiment ce qui s’est passé. Elle est tombée en arrière, sur la tête, et l’atteinte la plus significative de la chute a été la perte de mémoire. Jusqu’à ce jour-là, j’étais très gâtée. Mais après cet événement, tout cela a dû cesser, et je suis devenue la maman à la maison.

J’ai cinq frères, mais à cette époque, nous n’étions plus que deux enfants à la maison. Et c’est moi qui ai tout pris en charge. La première période a été très difficile, car ma mère avait perdu toute sa mémoire. Avant la chute, elle était cadre supérieur du centre commercial Azriéli, une femme très forte, et soudain, dans bien des domaines, elle est redevenue comme une petite fille. Nous étions totalement sous le choc. »

Quelques heures après la chute, relate Mor, elle se rendit avec son frère pour retrouver sa mère à l’hôpital, ne croyant pas encore à la scène qui allait se dérouler sous leurs yeux. « Arrivée à l’hôpital, je suis entrée dans sa chambre et me suis assise à côté d’elle. Elle était réveillée, je lui demandai alors : "Maman, que s’est-il passé ? Comment tu vas ?". Et elle me répondit alors : "Qui es-tu ?" C’était une situation extrêmement effrayante et étrange. C’est notre mère. Nous ne comprenions pas comment cela pouvait se produire. Nous lui demandions par exemple ce qu’elle voulait manger, et elle ne savait pas quoi répondre. Elle n’avait plus aucun souvenir des aliments existant dans le monde. Elle savait seulement qu’elle avait faim. »

Ça a l’air effectivement difficile. Malgré tout, quelles sont les choses positives que tu en as retirées ?

« On dit que l’oubli est un grand cadeau de D.ieu. Car si nous nous souvenions de tout, il serait très difficile de vivre. Beaucoup de choses nous font très mal, et avec le temps, on les oublie. Et c’est un vrai ‘Hessed de D.ieu. Avec maman aussi, j’ai appris une grande leçon. Elle pouvait choisir l’abîme ouvert devant elle, et y tomber. Mais elle a choisi la vie. Et ce choix a eu beaucoup d’influence sur moi. Toute cette histoire m’a construite, m’a fait mûrir. A l’époque où elle est tombée, je n’étais pas très connectée à D.ieu. Mais aujourd’hui, je sais à quel point Il était avec moi. Jusqu’à aujourd’hui, il y a certaines choses dont je n’ai jamais parlé à personne, même à mes amies les plus proches.

Aujourd’hui, grâce à D.ieu, maman sait tout faire, comme une femme ordinaire, à part travailler. Elle ne se souvient plus de rien avant la chute, mais elle a tout appris à nouveau, à cuisiner, à marcher, et qui nous sommes. Elle voulut reprendre son travail, mais ses employeurs ne voulaient plus d’elle. Par ailleurs, de manière incroyable, dès qu’elle s’est réveillée, elle a commencé à chanter le Tikoun Haklali. Depuis lors, nous sommes très liés à Rabbi Na’hman de Breslev. »

100 000 shékels en 5 heures

Mor n’a que 21 ans aujourd’hui, mais elle s’exprime et se conduit comme une femme bien plus mûre. Il s’avère que la réussite n’a pas été son apanage depuis les débuts de son parcours. « Une grande partie de ma vie, jusqu’au lycée, j’ai pesé 30 kilos de trop. J’étais une enfant puis une adolescente grosse. C’était négatif tant d’un point de vue social que médical. Les enfants, comme tout le monde le sait, peuvent être très cruels. Je suis passée par un processus de rejet de la société, et en conséquence, j’ai développé un manque de confiance en moi qui provenait de mon apparence. J’ai toujours été forte, depuis les premiers souvenirs que j’ai de moi-même. Puis, pendant les grandes vacances entre la cinquième et la quatrième, j’ai suivi un régime sérieux. Tout a changé. Soudain, mon entourage s’est beaucoup plus intéressé à moi. Je n’ai pas investi seulement dans l’aspect extérieur, bien que ce fût très tentant. J’ai pensé qu’être jolie, c’est bien et agréable, mais ce n’est vraiment pas tout. Et ce n’est pas le plus important. Je me suis constamment rappelée que l’essentiel, c’est la beauté intérieure. »

Après avoir remporté le concours de Miss Israël, Mor voyagea plusieurs fois dans des communautés à l’étranger pour des séries de conférences. « Dans mes dernières conférences, j’ai également commencé à évoquer la foi en D.ieu. C’est incroyable de voir comment la foi en D.ieu fait le lien entre tout le monde. Si tu rencontres une femme qui était une reine de beauté, et aujourd’hui, elle a fait Téchouva, c’est réjouissant et cela met le doigt sur ce qui est juste et authentique. Je répète principalement que tout dépend des lunettes que nous choisissons de porter. Si nous choisissons de bonnes lunettes, nous sentons que D.ieu est bon et fait le bien, et alors, naturellement, nous en déduisons que tout est pour le bien.

Immédiatement à l’issue de mon service militaire, je suis devenue partenaire d’une société de cosmétiques aux États-Unis. Je n’en avais parlé à personne, mais à présent je m’attèle aux préparatifs de la création d’une nouvelle société de vêtements classes et pudiques. Peu à peu, cela devient de plus en plus demandé. Hier, j’ai appelé le Rav Yigal Cohen, grâce auquel je me suis renforcée en Torah, et je lui ai demandé de m’aider à trouver un nom à cette société. Il m’a répondu qu’il se ferait un plaisir de m’aider, surtout que je confère des mérites au public en vendant des habits à prix modérés, des tenues véritablement pudiques. »

C’est vraiment exceptionnel. Il faut d’énormes fonds pour créer de telles sociétés. Les jeunes filles de ton âge sont généralement serveuses ou ont des emplois précaires.

« C’est vrai, mais j’ai travaillé durement pour cet argent, et grâce à D.ieu j’ai bien gagné ma vie. De plus, la réputation que j’ai dans l’industrie m’ouvre des portes. Il est bien plus facile, grâce à ma victoire, de faire connaître mes produits. Et surtout, grâce à D.ieu, j’ai beaucoup d’aide Divine. C’est peut-être parce que mes intentions sont réellement bonnes. Je veux créer des habits particulièrement Tsniout (pudiques), à la fois beaux et de bonne qualité. Je voudrais montrer qu’il ne faut pas beaucoup de couches pour être vêtue avec décence. »

Aujourd’hui, après la Téchouva, Mor relate qu’elle se consacre encore à sa carrière de mannequin, mais de manière bien différente des années précédentes. « Je travaille encore un peu. Uniquement lorsque cela me convient et que c’est 100 % Tsniout, sans compromis. Avant, j’appartenais à une grande agence, et les propositions affluaient, mais désormais, je suis ma propre agence. Et il y a énormément d’épreuves. On me propose encore 100 000 shékels pour une demi-journée de travail, pour me faire photographier dans des habits non pudiques. Je refuse, et je sais que que D.ieu m'enverra la Parnassa que je dois gagner par d'autres moyens. »

La publicité et l’attention du public ne te manquent pas ?

« Actuellement, je travaille avec l’organisme Atara, qui s’occupe de jeunes filles venues de familles religieuses, mais qui ont eu des vies difficiles, et sont désormais sans abri. La plupart de ces filles s’habillent de manière impudique, pour attirer le regard et obtenir de l’attention. Et c’est précisément sur ce point que je travaille avec elles. Je leur explique que l’homme qui les aimera devra surtout aimer leur âme. Autrement, c’est une attention bon marché. Si je suis pudique, tout le monde me respectera beaucoup plus. Et c’est l’attention que les femmes doivent s’attendre à recevoir. »

« Je ne savais même pas que proférer des propos médisants est interdit »

Au final, le processus de la Téchouva est l’élément le plus important dans sa vie actuellement. « Notre maison était traditionnaliste, nous récitions le Kiddouch, mais sans observer le Chabbath. Malgré tout, une partie de mes frères sont revenus à leurs sources. Pour moi, tout a commencé parce que je visionnais des cours de Torah qui arrivaient de manière impromptue sur les réseaux. Et j’ai ressenti que ces propos me parlaient beaucoup, quelque chose de très profond en moi y était attiré. Soudain, j’ai ressenti que je possédais tout, mais qu’en réalité, je n’avais rien. J’ai voyagé, j’ai vu des choses, j’ai créé, mais j’en ai eu assez. J’ai ressenti que c’était authentique. »

Qu’as-tu fait ensuite ?

« J’ai commencé ce processus seule, en écoutant des cours. Concrètement, je me suis d’abord purifiée. Je me suis peu à peu débarrassée de traits comme la médisance. Dans mon monde antérieur, je ne savais même pas que c’était interdit. C’était la routine. On parlait d’untel et d’unetelle. Peu à peu, j’ai compris à quel point mon bonheur dépendait de la matière. Aujourd’hui, je sais que cela ne ressemble en rien au bonheur. Au bout d’un certain temps, je me suis engagée à respecter les lois de la pudeur vestimentaire. Par exemple, me débarrasser des pantalons. Aujourd’hui, je peux affirmer que c’est vraiment chouette. »

Outre l’aspect agréable évoqué par Mor, elle a vécu, comme de nombreux Ba’alé Téchouva, des difficultés complexes. « L’une des choses qui m’a été le plus difficile, c’est que beaucoup de domaines complexes pour moi avançaient à un rythme lent. Et j’avais du mal à m’y mettre. La première fois que j’ai rencontré le Rav Yigal Cohen, je lui ai demandé pourquoi tant de choses étaient si difficiles dans le processus de la Téchouva. Il m’a répondu que la Téchouva est semblable à une corde, il n’est pas facile d’y grimper. Et Hachem veut tester notre volonté et notre dévouement. Mais contrairement à une montée en corde, si on continue à faire des efforts, cela devient de plus en plus facile.

De plus, ma difficulté a consisté en ce que je croyais que j’allais faire Téchouva, et qu’en échange, D.ieu allait m’ouvrir toutes les portes. Je pensais qu’Il était obligé de me donner sur le champ un mari, un emploi, la santé, tout ! Mais ça ne fonctionne pas ainsi. Cela n’est pas qu’Il ne renforce pas et ne donne pas. Il le fait. Et je sens D.ieu avec moi, main dans la main. Mais les choses ne sont pas interdépendantes de manière si évidente. Une bonne partie du salaire ne se traduit pas dans le matériel, et pas forcément dans ce monde-ci. »

Quelle place occupent dans ta vie l’étude et la connaissance du monde de la Torah et de la Halakha ?

« Une place très importante. Il a toujours été important pour moi de comprendre. Tout ce que j’ai emporté avec moi provenait d’une volonté de comprendre. J’ai de suite saisi des Mitsvot comme le Chabbath et l’interdit de médisance, et je n’ai pas eu de difficulté avec elles. Avec la Tsniout, je n’ai pas compris pourquoi je m’y engageais. Et lorsque j’ai commencé à comprendre, cela a été plus facile.

Et aujourd’hui, grâce à ce mérite, je me sens comme une fille pure du Saint béni soit-Il. Et de bons sentiments en découlent. Il va de soi que les premiers jours, j’étais perturbée, et je me disais : "Ouah, qu’est-ce que j’ai fait !", mais j’ai rapidement mis les bonnes lunettes, et j’ai commencé à croire que ce qui est pudique est beau, honorable et positif. Car c’est la vérité. Verriez-vous la Reine d’Angleterre en short ? Non. Chaque femme doit se considérer comme la Reine d’Angleterre. Car elle est réellement une fille de Roi.

Aujourd’hui, je me sens responsable, car beaucoup de gens m’écoutent. Bien entendu, je n’ai pas de moyen de fuir mon passé. J’ai effacé ce que je pouvais, mais on ne peut maîtriser tout. Et grâce à l’influence que j’exerce, j’essaie de faire des choses positives. Il y a beaucoup de jeunes filles qui ont décidé de se vêtir de manière pudique et de respecter le Chabbath grâce à des projets où je me suis investie, grâce à D.ieu. Je ne le leur demande pas explicitement, mais elles intègrent le message de la manière dont je me conduis. Par ailleurs, ne croyez pas que je n’ai plus de questions. Mais j’adresse une prière à D.ieu pour qu’Il continue à éclairer ma voie. Qu’Il continue à M’accorder Sa confiance. Que je me marie prochainement et aie des enfants. Que je puisse profiter de ma part. Et que je réussisse à influencer de nombreuses personnes à agir en bien. »

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