Découvrez la course-poursuite palpitante de Sophie en quête de son héritage, au cœur d'une enquête qui lui fera découvrir la beauté du judaïsme. Suspens, humour et sentiments... à suivre chaque mercredi !

Dans l’épisode précédent  : Toujours à Paris, Sophie refuse la proposition de Chiddoukh de Yoël et continue son enquête. Elle apprend qu’une journaliste du nom de Florange était présente quand sa tante a acheté le tableau, mais impossible de la retrouver depuis. Seule sans sa fille, restée à Jérusalem, Sophie décide de respecter le Chabbath et prend une grande décision...

Sophie connaissait les dizaines de raisons pour lesquelles elle avait décliné l’idée d’un Chiddoukh avec Yoël, ce qu’elle ne comprenait pas, c’était pourquoi elle appréciait autant garder le contact avec lui ? Peut-être que c’était rassurant de ne pas se sentir seule dans cette enquête, elle qui n’avait jamais su retrouver ses affaires qu’elle perdait dans sa propre maison ! 

Quand ils finirent de parler des journalistes, Sophie eut envie de se confier et lui dit : “Yoël, Chabbath dernier j’ai repensé à notre dernière conversation et je m’étais trompée…

- Trompée ? A quel propos ?

- Quand nous avons discuté, vous m’avez dit être persuadé que je reviendrai en Israël. 

- Oui et vous m’avez dit que vous n’en avez pas envie, que ce n’était pas envisageable.

- Eh bien, je réalise que j’ai envie de revenir, je ne sais pas quand ni combien de temps, mais je crois que je suis tombée amoureuse de ce pays et de ses habitants.” 

Sophie se mordit la langue et pensa que ce n’était pas super intelligent de dire “tomber amoureuse” à quelqu’un qu’on venait de rejeter ! Comment se sortir de cette bourde… en faisant comme si de rien était ?!

“Je voulais savoir Yoël, comment vous êtes-vous décidé à quitter Paris pour Jérusalem ? Non pas que je sois prête à faire la 'Aliya, mais j’aurais aimée en savoir plus. 

- Eh bien, disons que pour moi c’était un long processus. J’ai hésité plusieurs fois, j’ai fait plusieurs voyages en Israël avant. J’ai rencontré également mon ex-femme qui vivait déjà ici, donc ça a activé mon désir d’'Aliya. Mais vous savez, chaque cas est différent.  

- Ah d’accord. 

- Par contre, je suis en train de penser. Un couple m’a beaucoup aidé dans mes démarches et m’a accompagné, M et Mme Uzan. Ils dirigent une association à Paris justement qui aide les Français à réussir leur 'Aliya. Pourquoi ne pas contacter Mme Uzan, puisque vous êtes déjà sur place ?

- Oui en effet !” (Elle avait l’impression de passer son temps à faire des nouvelles rencontres dernièrement, plus en 3 mois que sur les 40 dernières années !)

Le lendemain, Sophie tenta de joindre l’ancien journaliste du magazine ArtPress, mais sa femme lui apprit que celui-ci était à l’étranger pour les prochains jours et la rappellerait à son retour. 

Qu’allait-elle faire de son temps libre ? Elle savait qu’elle devait envisager de retrouver un travail rapidement, ses économies n’allaient pas l’aider encore longtemps, mais elle se sentait incapable d’entamer des recherches, elle avait l’impression d’avoir laissé sa tête en Israël.

Tiens, si elle profitait pour contacter la femme de l’association dont Yoël lui avait parlé (encore lui ! Décidément, il occupait une place importante dans sa vie en ce moment...) ?

Rendez-vous pris avec Myriam Uzan pour le lendemain et Sophie passa le reste de sa journée à lister les questions qui se bousculaient au sujet de la vie en Israël.

Elle ne savait pas réellement à quoi s’attendre en entrant dans l’immeuble de l’association, ni ce qu’elle allait y trouver, mais Sophie ne s’attendait certainement pas à entrer dans un bureau qui aurait survécu à un tremblement de terre ! 

C’est à peine si on pouvait poser un pied par terre ! Les cartons s’empilaient, des tiroirs de bureaux grands ouverts d’où dépassaient des piles de papiers et des gens qui passaient dans les couloirs, absorbés dans leurs documents, inconscients de l’état avancé du désordre autour d’eux. 

Si ce n’était pas Yoël qui avait recommandé cette association à Sophie, elle aurait fait demi-tour immédiatement ! N’ayant nul part où s’assoir, elle resta debout près de l’entrée, jusqu’à ce que quelqu’un la remarque. Puis Myriam Uzan sortit de son bureau et vint à sa rencontre et la salua en s’excusant :

“Je suis désolée, nous n’avons plus d’assistante depuis déjà près de 2 mois et c’est devenu invivable ! Nous avons tellement de choses à gérer.”

Myriam Uzan était une femme fort sympathique. Très souriante, elle mettait tout de suite ses interlocuteurs à l’aise. Elle portait une robe longue et un grand foulard lui entourait la tête, Sophie se demandait intérieurement comment elle avait opté pour une telle tenue par une si chaude journée d’été.

Les deux femmes discutèrent de la 'Aliya. Sophie raconta son aventure et sa drôle d’enquête qui lui avait fait visiter le pays et sa fille restée à Jérusalem pour étudier dans un séminaire tout l’été. Ensuite, elle posa toutes les questions qu’elle avait listées, auxquelles Myriam répondit avec beaucoup de patience et d’explications, afin que Sophie ait un maximum d’informations si un jour elle souhaitait entamer des démarches pour la 'Aliya

Puis Myriam lui parla de son association et de tous les projets qu’ils géraient son mari et elle. Ils ne s’occupaient pas uniquement d’aider les Juifs de France à réussir leur 'Aliya, mais s’occupaient aussi des plus démunis ainsi que des activités culturelles de la communauté. 

En l’écoutant, Sophie était impressionnée de toutes les actions mises en place et de la passion qui animait cette femme. Elle avait l’impression de découvrir une communauté qu’elle ne connaissait pas. 

Quand Myriam se lamenta une nouvelle fois du volume de travail et de l’absence d’une assistante, Sophie se risqua à un acte d’audace (ce qui lui était totalement étranger) et s’entendit dire : “Si vous cherchez à embaucher une assistante, je suis intéressée, je travaillais comme assistante dans mon précédent travail”.

Après tout, qu’avait-elle à perdre ? N’avait-elle pas lu dans son livre que tout vient d’Hachem ? Alors au pire, elle essuierait un refus et ce ne serait pas la fin du monde.

Contre toute attente, Myriam fut emballée par l’idée et lui proposa un réel entretien d’embauche pour le lendemain. Le jour suivant, Myriam Uzan portait une jupe longue à volant, un gilet et un béret qui recouvrait toute sa tête. Elle était encore couverte en plein temps estival.

Lors de cette nouvelle rencontre, Sophie dût répondre à quelques questions relatives au travail et à ses expériences, mais Myriam lui posa également quelques questions plus personnelles, car disait-elle, “une association, c’est véritablement une vie collective, c’est important de faire connaissance avant”. Les questions de Myriam n’étaient ni intrusives, ni gênantes, donc Sophie répondit le plus naturellement du monde. 

Quand ce fut son tour, Sophie voulut en savoir plus sur les projets en cours, ce à quoi Myriam répondit qu’en ce moment ils travaillaient à l’organisation de leur voyage annuel du souvenir en Pologne, ce qui bien sûr ne manqua pas d’interpeller Sophie au plus haut point ! 

Puis l’honnêteté de Sophie la poussa à confier à Myriam qu’elle ne savait plus où elle en était : si elle devait rester à Paris qui ne lui correspondait plus ou si elle devait tenter la 'Aliya alors que de vraies difficultés l’attendraient sans doute en Israël. 

Myriam la contempla quelques instants et lui dit : “Je comprends tout à fait où vous vous situez actuellement. Ne vous inquiétez pas, même si vous ne travaillez pour l’association que quelques semaines, ce sera déjà une aide précieuse pour nous”. 

Sophie à moitié rassurée, ajouta : “ Et pour couronner le tout, je commence à peine à pratiquer le judaïsme”.

Le sourire de Myriam s’élargit, et elle lui dit : “Vous n’êtes pas la seule. Nous avons tous emprunté ce chemin un jour et je sais combien il est complexe, parfois décourageant, mais ô combien magnifique. Voyez-vous, mon mari et moi avons fait Téchouva il y a plus de 25 ans.

- Téchou... ?

- Téchouva : c’est comme ça qu’on décrit le fait de choisir une vie où on applique les enseignements et les lois de la Torah, mais en réalité ce mot signifie ‘retour à soi’.”

Sophie écarquilla les yeux ! Elle avait déjà entendu ça quelque part… oui ! Le jour de l’enterrement de sa tante, le rabbin qui avait fait la prière lui avait dit (en la voyant pleurer pendant le Kaddich) : “Il est temps de revenir à vous”.

“Mais qu’est-ce que cela signifie ‘revenir à soi’, concrètement ?

- Eh bien la Torah nous enseigne que nous avons tous dans notre âme une étincelle divine et c’est elle qui nous demande d’appliquer les enseignements d’Hachem, même ceux qui sont durs, même ceux qu’on ne comprend pas.

- C’est à dire ?

- Par exemple Sophie, nous sommes en plein mois de juillet, il fait un peu plus de 30 degrés et vous me voyez porter une jupe longue et ma tête est couverte.”

Sophie se demandait si Myriam avait réussi à lire dans ses pensées !

“En fait, je respecte les lois de la Tsni’out, de la pudeur. Le concept de Tsni’out est loin d’être aisé à comprendre, et encore plus à mettre en œuvre. Il est truffé de détails et de nuances, et vaut la peine d’être étudié de façon constante. Mais en gros, cela symbolise la pudeur. Les femmes cherchent à ce que l’extérieur soit un reflet parfait de l’intérieur. Nous souhaitons que, de par nos actes et façons d’être, la Néchama (notre âme juive) transparaisse d’abord.

- Pour ne pas que les hommes s’attardent sur le physique des femmes ?

- Non, pas uniquement. La pudeur est avant tout une démonstration du respect de soi. Elle cherche à valoriser la personne pour ce qu’elle est, et non pour son aspect physique.

- Donc pour vous, ce n’est pas une contrainte de s’habiller comme ça et de couvrir ses cheveux ?

- Disons que c’est un choix qui émane d’une conviction. A partir du moment où on est convaincue de faire ce qui est bien, les désagréments comme la chaleur de l’été, on n’y fait même pas attention. C’est comme mettre des chaussures pour marcher dans la rue, alors qu’on a chaud au pied ! On est convaincue que c’est mieux pour nous de porter des chaussures, donc on ne fait pas attention au fait qu’on puisse avoir un peu chaud dans nos bottines !”

Sophie éclata de rire. Elle n’aurait jamais imaginé un pareil exemple ! Mais il fallait reconnaître que Myriam avait su trouver un exemple imparable !

En fin d’entretien, Myriam lui dit : “Sophie, je pense que nous aurons besoin de votre aide, d’apprendre de votre expérience et je pense que vous aussi pourrez apprendre de nous. Je crois que vous allez vous plaire dans notre association”.

Quelle semaine ! Rien ne s’enchaînait comme prévu, mais quelle bonne nouvelle ! Au moment où elle commençait à s’inquiéter pour ses économies, elle décrochait un poste ! Elle avait hâte de commencer à travailler dans l’association, mais surtout de passer du temps avec Myriam. Celle-ci la fascinait et sa discussion sur la Tsni’out l’avait laissée très pensive.

Le soir, alors que Sophie racontait son entretien à sa fille Léa au téléphone, elle reçut un double-appel. L’espace d’un instant, elle se mit à espérer que ce soit Yoël, mais le numéro affiché venait de France.

Elle prit l’appel, c’était Pierre Frémaux, l’ancien journaliste du magazine spécialisé ArtPress. Sophie lui expliqua l’objet de son appel et lui demanda s’il se souvenait d’une journaliste nommée Florange qui avait travaillé pour le magazine dans les années 80.

Ce nom n’évoquait rien au vieux journaliste et les craintes de Sophie se révélèrent fondées : son enquête était dans l’impasse. 

De l’autre côté du téléphone, le vieux monsieur répétait en boucle : “Florange, Florange, Florange…”, comme un vieux tic.

Elle s’apprêtait à le remercier pour son temps et à raccrocher, quand il s’écria : “Ingrid Florange ! Ça y est ! Mais oui. Elle venait d’Hongrie ou de je ne sais où, elle avait un accent, peut-être hollandais ? Bref, elle était toute jeune, je me souviens maintenant.

- C’était une journaliste spécialisée en art ?

- Mais c’est ça le plus étrange. Elle avait été embauchée comme pigiste, mais du jour au lendemain elle a disparu ! Et quand le directeur de la rédaction a fait quelques recherches, il s’est aperçu qu’elle n’avait en réalité jamais eu de diplôme de journalisme ! 

- Mais alors qui était cette femme ?”

La suite la semaine prochaine...