Découvrez la course-poursuite palpitante de Sophie en quête de son héritage, au cœur d'une enquête qui lui fera découvrir la beauté du judaïsme. Suspens, humour et sentiments... à suivre chaque mercredi !

Dans l’épisode précédent  : A Jérusalem, Sophie s’est rapprochée de Yoël, mais quand elle apprend la raison de son divorce, elle change d’avis et renonce. En partance pour l'Allemagne, elle se concentre sur l’adresse de la galerie à Munich et la recherche des tableaux de son grand-père. Et si tout était lié... ?

Depuis son arrivée en Allemagne, Sophie n’avait pas cherché à joindre Yoël. Lui, gentil comme à son habitude lui avait envoyé un message pour prendre de ses nouvelles, mais elle n’arrivait pas à lui répondre. Elle aurait aimé lui raconter sa découverte de la ville historique de Munich, la gentillesse du couple ‘Habad qui l’accueillait tous les jours au moment du repas. Mais leur discussion avant son voyage l’avait bloquée. Qui aurait pu comprendre le désordre intérieur qui régnait en elle ?

Chaque soir, depuis son arrivée, c’était la même lutte : elle bataillait entre son envie de l’appeler et sa peur de garder le contact. Il avait déjà divorcé parce que sa femme, des années après avoir fait Téchouva, avait tout rejeté, et lui, par la même occasion. 

Et elle, qui découvrait à peine son judaïsme à 40 ans passés, se donnait l’impression d’être comme un enfant qui apprend à marcher. Elle se sentait si instable et bouleversée par tous les récents changements dans sa vie, qu’elle ne pouvait envisager une relation, avec un homme plus religieux qu’elle. 

Mais chaque nuit c’était le même débat qui prenait place dans sa tête et l’insomnie revenait la hanter.

La journée elle essayait de faire avancer son enquête concernant la galerie Shüller, mais ses recherches se révélaient plus difficiles que prévues : la galerie avait changé plusieurs fois de propriétaires ces 50 dernières années et elle peinait à retrouver les marchands qui avaient travaillé là-bas du temps de la vente du tableau de son grand-père.

De nouveau, elle avait la sensation d’être dans une impasse dans tous les domaines !

Heureusement que les appels à la Rabbanite Margalite et à sa fille Léa, restées à Jérusalem, lui remontaient le moral. 

L’autre bonne nouvelle était sa rencontre inopinée dans l’avion avec Yullia Schon, une journaliste allemande qui connaissait bien la ville de Munich et le milieu artistique.

Elle lui avait fait découvrir Hofbräuhaus le fameux quartier bavarois, ainsi que le Alte Pinakothek, une des plus vieilles galeries d’art datant de 1836. 

Yullia était très amicale et la contactait presque tous les jours pour l’inviter à sortir. Sophie lui avait raconté au détour d’un café qu’elle cherchait les tableaux de son grand-père qui avaient sans doute transité par la galerie Shüller. En apprenant la raison de sa présence en ville, Yullia lui proposa de faire appel à ses contacts dans le milieu artistique pour aider Sophie dans ses recherches.

En attendant, elle visitait la ville. Un jour, elle eut  l’idée de se rendre à Ohel Jakob, la grande synagogue de  la ville, construite en 2007 et qui portait le même nom que la synagogue détruite pendant la Nuit de Cristal en 1938.

C’était un lieu superbe, dont le mur du Eikhal fait de bois et de cèdre du Liban, était dirigé vers Jérusalem.

Quant aux vitraux, on pouvait y lire des extraits de Téhilim peints en lettres d’or.

Sophie se perdait dans la contemplation de ce lieu. 

En sortant de la synagogue, elle vit un vieux mendiant qui jouait du violon et chantait un chant en hébreu. Elle fut attirée par cette musique et ces paroles alors qu’elle ne les comprenait pas. Elle resta là, hypnotisée pendant de longues minutes, puis s’en alla bouleversée.

Le soir, elle appela la Rabbanite Margalite et lui parla de ce curieux moment musical. La Rabbanite transmis alors le téléphone à son mari, qui saurait peut-être reconnaître la chanson. 

Sophie ne parlant pas hébreu avait eu du mal à retenir les mots, alors elle bredouilla ce dont elle se souvenait : “Véafilou Bé-ta-ra-ra..?”

“Véafilu Bé Astara !! Ché Bé Tor Astara…”

- C’est exactement cette chanson ! 

- C’est bien plus qu’une chanson, se mit à rire le Rav. C’est un enseignement de Rabbi Na’hman de Breslev.

- Là j’ai été particulièrement touchée, sans même comprendre. 

- Je vais vous traduire les paroles et je pense que vous comprendrez mieux : “Et même dans l’obscurité (des difficultés), au coeur même de l’obscurité, même là-bas, se trouve Hachem, béni soit Son nom”.

Le Rav poursuivit la traduction du refrain : “Même dans les épreuves que tu traverses, JE (Hachem) me tiens (près de toi)”.

Comprenez-vous ma chère Dvora ? Rabbi Na’hman s’adressait toujours à notre Néchama, à notre âme, voilà pourquoi ses paroles vous touchent, sans même comprendre le sens des mots !”

Sophie raccrocha. Elle avait cette étrange intuition qu’elle venait de recevoir plus qu’une traduction, comme si on lui avait transmis un message...

Le lendemain matin, Sophie reçut un mail de Yoël. Il n’abordait pas du tout le fait qu’elle n’avait pas donné de nouvelles, au contraire il lui communiquait le contact d’un ancien marchand d’art retraité qui avait travaillé dans la galerie Shüller jusque dans les années 60.j. Sûrement que la Rabbanite avait dû dire à Yoël toutes les difficultés qu’elle avait à retrouver des témoins. 

Elle appela le vieux monsieur qui accepta avec enthousiasme la visite de cette inconnue.

Arrivée chez l’ancien marchand, elle comprit vite la raison de son hospitalité : c’était un vieil homme qui vivait seul et devait manquer cruellement de compagnie. Heureusement pour elle, il parlait bien anglais et ne se fit pas prier pour lui raconter toute son histoire !

Il était très bavard et ne faisait pas l’économie de détails, mais Sophie ne le coupait pas, elle réalisait qu’en étant assise face à ce vieil homme, elle faisait une grande Mitsva, juste en étant présente à l’écouter, elle lui donnait de l’attention et le sortait, ne serait-ce qu’un moment, de sa solitude.

Ce vieux monsieur avait une mémoire d’éléphant et s’était mis à lui raconter chaque année de sa vie (il devait bien avoir dans les 80 ans), donc elle se cala confortablement dans les coussins du canapé, visiblement elle allait passer la journée à la même place. 

Après quelques heures, il aborda le sujet de la galerie. Certainement en raison de la culpabilité allemande, il ne mentionna qu’à demi-mot la guerre. 

Mais il fut plus libre de parler de Hildebrand Gurlitt, le grand marchand d’art nazi. Sophie appris que cet homme s’était servi de la galerie Shüller pour faire son recel d’oeuvres spoliées en toute impunité, géré par son fils Thomas, le propriétaire, qui n’ignorait pas que les toiles qu’ils vendaient avaient été arrachées à des familles déportées, tuées ou encore gazées.

L’homme ne se retenait plus et racontait tout ce qu’il savait sans complexe : l’existence du réseau de trafic de tableaux, qui s’était monté depuis 1938 et le repérage systématique des artistes Juifs, cible de prédilection de Gurlitt et sa bande. 

“Plus ils étaient orthodoxes, plus ils étaient naïfs”, c’est ce que le propriétaire de la galerie avait dit à cet homme des années après la fin de la guerre. Aucune culpabilité, aucun remord. La haine gratuite n’avait pas de fin pensa Sophie.

Elle finit par interrompre le monsieur, pris dans son monologue et lui demanda s'il avait vu les toiles de Shmulik Grinbaum dans la galerie.

Il réfléchit quelques minutes, puis le visage de l’homme s’éclaira : 

“Oui ! Je m’en souviens, il y avait quelques tableaux qui représentaient tous des scènes de la vie juive.

- Donc les tableaux étaient présents dans la galerie quand vous travailliez là-bas, après la guerre ?

- Oui, mais ils ne sont pas restés longtemps. Du jour au lendemain M. Gurlitt a tout retiré et je ne les ai jamais revus. C’est étrange, maintenant que j’y pense, ça s’est passé au même moment où on avait estimé la cote des tableaux de Grinbaum.”

Le lendemain à son hôtel, Sophie décida de noter tous les éléments nouveaux de l’enquête : 

Oui Gurlitt était à la tête d’un réseau nazi qui faisait du trafic de toiles sur le dos des victimes juives. Oui Gurlitt avait pour complice le propriétaire de la galerie Shüller qui revendait les toiles volées. Oui il existait plusieurs tableaux de son grand-père qui avait été mis en vente et retirés par Gurlitt lui-même. 

Mais...pourquoi ce Thomas Gurlitt avait donc vendu le tableau à la galerie de Paris, si en parallèle il avait retiré de la vente toutes les autres toiles ?

Ce dernier point n’avait pas de sens.

Mais au même moment, un coup donné à la porte de sa chambre interrompit Sophie dans ses réflexions. 

Elle alla ouvrir  et Yulia se tenait tout sourire devant elle. Aujourd’hui, Sophie n’était pas disposée à visiter un lieu touristique de la ville, mais contre toute attente, Yulia lui dit  : 

“Devine quoi ! J’ai parlé avec mes amis marchands d’art et ils ont vu les tableaux de ton grand-père. Tiens, voici l’adresse de la maison où ils les ont vus”.

Incroyable ! Elle était si proche du but, elle le savait ! Il n’y avait plus une minute à perdre. Elle se dépêcha de louer une voiture et un GPS, l’entrepôt étant situé dans la forêt à l’extérieur de la ville. 

Yulia déclina l’invitation à l’accompagner, elle était attendue en centre-ville pour une interview dans la journée. 

Poussée par l’adrénaline, Sophie se précipita hors de l’hôtel pour aller chercher la voiture. Son portable vibra, c’était Yoël qui l’appelait. Elle n’avait pas le temps de répondre mais se promit de le rappeler le soir. 

Elle roula près d’une heure avant d’arriver à l’adresse indiquée, où un petit entrepôt de briques se dressait au milieu d’une clairière. L’endroit semblait désert et aucune voiture n’était stationnée devant. Elle se gara et alla regarder à travers les fenêtres. Elle vit des dizaines de toiles stockées dans une pièce. Chose étonnante, la porte d’entrée de l’entrepôt était entrouverte. Sophie décida de pousser la porte pour en avoir le coeur net, parce qu’une toile avait attiré son attention. Elle se dirigea vers les tableaux et saisit une toile sur laquelle était représentée une ‘Houpa avec des ‘Hassidim qui dansaient devant. Elle reconnaissait ce style si unique, si sacré. Elle retourna la toile et lut “S. Grinbaum 1935 4/12”.

C’était un tableau de son grand-père ! Sophie avait réussi ! 

Au même moment, la porte derrière elle se ferma dans un grincement, elle se retourna prise par surprise, le tableau toujours dans ses mains. 

Devant elle se tenait un homme, un inconnu, qui la pointait avec un fusil.

Elle fut glacée d’effroi ! Qu’est-ce qui se passait ? Qui était cet homme ? Elle sentit la peur envahir ses os et figer son corps. De toutes ses forces, elle rassembla son courage et lui dit : 

“Ne faites pas ça ! Reposez ça immédiatement avant de faire quelque chose d’irréparable, que vous pourriez regretter toute votre vie !

- Et qui va m’en empêcher ? Vous ? Voyons, voyons, Frölein, ne dites pas de bêtises, personne ne sait que vous êtes ici. Et je ne voudrais pas qu’on puisse remonter jusqu’à moi de nouveau, comme vous l’avez fait. J’ai trop à perdre. C’est pour ça que tout doit disparaître, tout !”

Dans cette pièce encombrée et semi-obscure, il faisait moite tout à coup et Sophie peinait à respirer. Il fallait qu’elle réfléchisse et vite. Elle pouvait maintenant sentir une minuscule goutte de sueur rouler le long de sa nuque. Elle était pétrifiée par la peur, mais il ne fallait surtout rien montrer. “Ne pense pas au pire, concentre-toi sur comment lui échapper”, Sophie essayait de se raisonner, pour ne pas céder à la panique. Face à elle, son agresseur restait immobile, une lueur de haine animait ses yeux d’un bleu presque transparent. Comment atteindre la porte ? Elle était persuadée qu’elle avait été entre temps soigneusement verrouillée, même si elle était entrée par là, quelques minutes plus tôt. Un rapide coup d’œil vers la lucarne… celle-ci était trop étroite pour qu’elle puisse s’échapper. Le temps pressait, il fallait qu’elle trouve une solution. Si seulement elle avait prévenu quelqu’un qu’elle se rendait dans cette maison ! Elle n’avait pas fait tout ce chemin pour arriver si près du but. Sauf que, pour la première fois de sa vie, elle se sentait prise au piège. Et ce n’était pas qu’une impression !

A ce moment précis la porte derrière l'homme s'ouvrit... et Sophie fut alors prise de stupeur en découvrant qui entrait à présent dans la pièce....

La suite la semaine prochaine...