La Paracha de Bamidbar commence par un recensement du peuple juif : "Faites le relevé de toute la communauté des enfants d'Israël, selon leurs familles et leurs maisons paternelles, au moyen d'un recensement nominal de tous les mâles, comptés par tête."[1]

La raison simple de ce recensement était de compter ceux qui seraient appelés à faire la guerre. Mais à un niveau plus profond, nos Sages expliquent que le dénombrement du peuple juif a pour but de valoriser chaque individu. À travers ce compte, chacun va se dire : “si Hachem me compte, cela signifie que je compte aux yeux d’Hachem” et va donc réaliser combien il est chéri par D.ieu ! Comme le dit Rachi : “C’est l’amour qu’Il leur porte qui incite Hachem à les compter à chaque instant”.

De plus, chaque personne était comptée, quel que soit son degré d'observance, ses aptitudes ou compétences, son degré d'érudition ou son de niveau richesse. Hachem souhaitait montrer à chaque individu qu'il comptait autant que tous les autres, autant que ceux qui paraissaient les plus “importants”. En outre, en mettant l’accent sur l’identité propre de chacun, chaque personne s’est sentie “spéciale” et “unique” : ainsi, chacun a eu envie d’exprimer ce qu’il avait d’unique dans sa personnalité.

Très encourageant, n’est-ce pas ?! Sauf que… seuls les hommes ont été comptés ! Où sont les femmes ? Ne comptent-elles pas pour Hachem ? Cela signifie-t-il que nous sommes sans valeur ?

En fait, ce compte a été réalisé après la faute du veau d’or. Pour rappel, les hommes ont commis une faute capitale en fabriquant une idole seulement 40 jours après que D.ieu Se soit révélé à eux. Il en a fallu de peu pour que cette faute soit “irrattrapable” ! Mais, grâce aux supplications de Moché Rabbénou ainsi qu’à leur repentir sincère, Hachem leur a pardonné et la relation a été rétablie. Toutefois, comme nous pouvons l’imaginer, leur estime d’eux-mêmes s’est effondrée suite à cet épisode.

C’est pour cela qu’Hachem a souhaité encourager les hommes et les valoriser par ce compte. Il voulait également leur montrer que chacun comptait encore pour Lui de façon unique.

Mais, étant donné que les femmes n’ont pas fauté, leur relation avec Hachem n’a pas été entachée d’une quelconque manière : elles sont donc restées constamment fidèles et proches d’Hachem. Leur estime d’elles-mêmes, du point de vue spirituel, n’a pas été affectée par la faute du veau d’or. Elle s’est même renforcée puisqu’elles ont totalement refusé de se compromettre avec la fabrication du veau d’or, prouvant au reste du monde leur parfait niveau d’intégrité !

Jusqu’à aujourd’hui, la femme possède cette force intrinsèque et elle en est consciente. Va-t-elle s'en enorgueillir pour autant ? Non, au contraire, c’est ce qui va l’obliger à assumer une mission particulière dans sa vie, et particulièrement dans sa vie de famille.

De quelle mission parle-t-on ?

Dans notre Paracha, il est écrit que les Bné Israël campaient par tribu et que chacune des tribus arborait fièrement son drapeau. À ce sujet, Rachi[2] nous rappelle que l’homme subit les influences de son environnement dans le négatif comme dans le positif. La fréquentation de personnes ayant un comportement raffiné va amener les personnes de son entourage à les imiter et donc à s’élever. À l’inverse, les mauvais voisins, vont avoir tendance à montrer le mauvais exemple et à instaurer des valeurs morales indésirables, et vont ainsi tirer leur entourage par le bas. L’influence de nos fréquentations et de notre milieu ambiant est donc assez déterminante pour notre avenir spirituel.

Ainsi, la responsabilité de la femme juive est justement de se servir de sa force spirituelle afin de protéger ses proches des mauvaises influences extérieures et même de tous dangers physiques. C’est dans ce sens que la femme est qualifiée de “forteresse” par le Talmud. Autrement dit, si au royaume de Disney, c'est l'homme, tel un prince charmant sur son grand cheval blanc, qui vient au secours de sa bien-aimée, et bien, dans notre Torah, c'est bel et bien le contraire : c'est la femme qui vient protéger son époux et même toute sa famille !

Et la Torah abonde d’exemples à ce sujet ! Nous savons bien que Sarah, percevant le danger spirituel que représentait Ichmaël pour ses proches, a pris l'initiative de le renvoyer de son foyer, et, ce, avec l'approbation directe de D.ieu Lui-même. Ou bien encore, c'est la femme d'On ben Pélèt qui a fait preuve d’inventivité pour empêcher son époux de prendre part à une querelle qui l'aurait mené à sa perte.

C'est aussi grâce à cette assertivité que certaines femmes n'ont pas hésité à passer à l'action pour sauver leurs maris de dangers de mort imminente ! Ainsi, c’est Tsipora qui a sauvé son mari Moché d'une mort certaine en comprenant, grâce à son intuition hors du commun, qu'il avait failli à son devoir : au beau milieu du désert, Tsipora sortit son couteau pour faire elle-même la circoncision à son fils, ce qui calma le courroux d’Hachem, sauvant ainsi la vie de son mari. C'est aussi Ra’hav qui, par sa finesse et son intelligence, sauva son futur mari, Yéhochou’a, des mains des ennemis de Cana’an. Et Mikhal qui s'improvisa en fine stratège et qui sauva son mari, le roi David, des folies meurtrières de Chaoul !

C’est au sujet de toutes ces femmes qu’il est écrit : « L’intelligence des femmes édifie leur foyer. »[3]

Si Hachem ne nous a pas comptées, nous, les femmes, c’est en fait la preuve que nous comptons pour Lui de manière infinie, et ce encore jusqu’à aujourd’hui ! Ces encouragements sont certes valorisants, mais il faut se souvenir que si Hachem nous met tellement en valeur, c’est afin que nous soyons sûres de notre force spirituelle. C’est elle qui va nous permettre de protéger notre entourage et, à l’instar des Bné Israël dans le désert, d'arborer avec fierté le drapeau de la Torah au sein de nos foyers.


[1] Bamidbar (1,2)

[2] Bamidbar (3,29) (3,38)

[3] Proverbes (14,1)