Au-delà des événements tragiques qui se déroulent actuellement en Ukraine, un problème secondaire apparemment mérite la réflexion : la fuite des Juifs d’Ukraine, subite, inattendue, nous impose de réfléchir à cette nouvelle migration d’une communauté juive. Il est clair que les Juifs ne sont pas les seuls à fuir, car le problème qui se pose actuellement dans cet affrontement, ne concerne nullement le peuple juif, ni même l’Etat d’Israël. Cependant, une importante communauté juive vit en Ukraine, de nombreux Israéliens s’y trouvent, et les Juifs, comme de nombreux habitants, cherchent à fuir, même si, sur leur chemin, des bombes russes affluent. L'Ukraine, on le sait, est aussi le lieu où ont vécu de nombreuses générations de Juifs, avec des rabbins renommés. Par exemple la ville d’Ouman, en Ukraine – où est enterré le célèbre Rabbin Na'hman de Breslev – est devenue un lieu de pèlerinage, visité annuellement par des 'Hassidim du monde entier.

En réalité, le problème qui nous occupe, par-delà la guerre russo-ukrainienne, c’est cette permanence de l’exil, de la migration d’une communauté bien intégrée dans un pays. Certes, il ne s’agit pas uniquement des communautés juives, puisque l’on rapporte qu’il y a déjà plus de 3 millions d’Ukrainiens sur les routes de l’exil en Europe. Cela est, en soi, déjà une première constatation de la catastrophe actuelle en Europe. Cependant, pour ceux qui se sentent proches du peuple d’Israël, il importe de réfléchir à cette situation. Les Juifs se trouvent en Ukraine – comme dans les divers pays d’Europe orientale – depuis plusieurs siècles, et cet exode nouveau s’inscrit dans un pan de l’histoire juive. Où vont-ils ? Une majorité a été accueillie en Israël, qui a ouvert ses portes aux réfugiés. A ce stade, deux problèmes différents méritent d’être soulevés. Bien souvent, les familles sont religieuses ou du moins envoient leurs enfants en Ukraine dans des écoles juives religieuses ; et en Israël, les services d’immigration envoient automatiquement ces enfants dans des écoles non religieuses. Les journaux orthodoxes soulignent qu’il s’agit du problème posé, il y a plus de cinquante ans, quand les enfants venus du Maroc, d’Irak et d’autres pays orientaux, ont été, bien souvent malgré eux, dirigés dans des institutions laïques, et ont, de ce fait, perdu leurs liens avec la tradition, alors que dans leur pays d’origine, ils étaient éduqués de façon religieuse. C’est une première conséquence de la situation actuelle qui mérite notre attention et exige une vigilance particulière. Un deuxième problème est posé par l’afflux de couples mixtes, dans lesquels l’un des membres n’est pas juif selon la Halakha. Ici aussi, il convient d’être vigilant, pour éviter des problèmes bien souvent inextricables.

En tout cas, cette situation d’exode de populations qui se croyaient bien établies nous interroge. L’histoire d’Israël – trimillénaire – est riche de péripéties. Il importe d’avoir toujours conscience que l’Histoire progresse dans un sens voulu par la Providence. Cette direction peut être ressentie comme négative, et être à la source de diverses catastrophes. Si nous n’oublions jamais l’existence active d’une Transcendance qui se situe au-delà du temps, il nous sera plus facile de comprendre, non les faits, mais les conséquences. Qui aurait pensé que deux peuples civilisés comme la Russie et l’Ukraine seraient séparés par de telles difficultés, au point d’arriver à des menaces de guerre nucléaire. On peut parvenir à envoyer des vaisseaux spatiaux, mais ne pas s’entendre avec des voisins ! L’odyssée actuelle des réfugiés européens rejoint aujourd’hui celle des migrants d’Afrique ou d’Asie. La Torah nous enseigne de découvrir Qui dirige réellement l’univers. Devant l’Éternel, les voies sont stables, mais au niveau du monde d’ici-bas, les apparences reçoivent toutes sortes de définitions, plus trompeuses les unes que les autres. Pour la récitation quotidienne du « Chéma », deux attitudes sont proposées : « assis dans ta maison » ou « en marchant sur ton chemin ». Deux situations : la VOIE ou la DEMEURE, telle est la direction du fidèle. Exode, migration, nous sommes sur la voie qui doit nous mener à la venue du Machia’h. Quelque difficile que soit notre travail, sachons que, en chemin ou à la maison, il nous faut préparer cette fin ultime : peut-être que de cette guerre peut germer une meilleure entente. Cela doit être notre foi, notre confiance en D.ieu. Surmontons les obstacles et préparons-nous à le recevoir !