Les virus, on le sait, ont leur couleur spécifique. Lorsqu’il s’agit d’un virus sociétal, il reflète la société d’où il provient : il y eut ainsi, un virus brun, provenant des « chemises brunes » du nazisme, puis il y a eu un virus rouge, stalinien, à l’égard des Juifs en Union Soviétique. Hélas, un virus « vert » caractérise la haine islamique (dont le vert est la couleur) ou également l’antisémitisme écologiste (qui reflète les milieux islamo-gauchistes, ou bien souvent les tenants de l’écologie verte). Pourquoi faut-il que ce virus de haine – traduisons l’opposition aux « harédim » en Israël – reçoive cette teinte « bleu-blanc » ? En d’autres termes, pourquoi cette haine qui se manifeste de plus en plus dans le public israélien doit-elle infester l’être juif ? Cette sorte d’aversion peut-elle se concevoir dans une société, qui trouve la justification de son existence dans un passé commun, dans une histoire commune ? C’est plus que pénible de songer que le maire d’une ville, dans le centre du pays, ait pu même émettre (pendant l’épidémie) l’idée d’établir un mur pour séparer sa ville d’une ville voisine, dont la population est surtout religieuse, idée saugrenue évidemment repoussée par le Ministère de l’Intérieur. (Voir l’éditorial du journal Yatèd Nééman du 11 Avril 2011). Les juifs observant la Torah seraient-ils si dangereux ?! Et l’on pourrait malheureusement multiplier les exemples de discrimination à l’égard des juifs orthodoxes, qui se sont manifestés ces derniers temps.

Cependant, il faut « raison garder » et espérer qu’il ne s’agit que d’une hystérie passagère qui disparaîtra bien vite. Il faut pourtant analyser en profondeur ce phénomène qui risque, s’il continue à se propager, de gangrener la société israélienne. Une première explication provient d’un sentiment de panique devant l’inconnu. Pris au dépourvu par une maladie insaisissable, on s’en prend à ceux qui savent comment vivre une telle difficulté, en se référant à une Valeur Suprême. « Eux (les religieux), ils ont sinon une explication, du moins une consolation dans leurs difficultés ». Une telle pensée, bien souvent inconsciente chez les incroyants, révèle un sentiment de frustration, et peut nourrir un éloignement, sinon une certaine antipathie pour ceux qui se rattachent à l’Eternel. Un deuxième sentiment, implicite, bien qu’élaboré dans l’inconscient, explique l’existence du virus bleu-blanc. Notre génération veut créer un genre nouveau de juif, différent de nos ancêtres qui ont vécu, soumis, dans l’exil ! « Comment accepter ces gens qui continuent à vivre comme dans le passé ! Il s’agit aujourd’hui de nous débarrasser, et surtout de débarrasser nos enfants, de ces traditions caduques ». Ces réflexions qui étaient déjà à l’origine du mouvement nationaliste deviennent plus violentes, quand l’on considère que c’est le contraire qui s’est produit : la puissance spirituelle de la Torah ne cesse de s’affirmer. N’est-ce pas là donc une raison pour diffamer ceux qui continuent, avec fierté, à maintenir les traditions millénaires. Ces diverses frustrations expliquent, certes, les sentiments qui apparaissent davantage au grand jour, sous diverses formes.

Si l’on veut dépasser cet affrontement, il faut être conscient qu’il y a ici d’un point de vue psychologique, une sorte de conflit avec l’autorité parentale. Quand les premiers Pères de l’Eglise chrétienne ont voulu faire adopter leur religion par l’humanité, leur premier souci a été de déclarer que les lois de la Torah sont devenues caduques. Il fut alors plus facile pour eux de répandre leur religion. Pour que le peuple juif s’assimile aux nations, il faut se conduire comme tous les autres peuples. Tel est leur objectif. Le refus de s’assimiler au niveau individuel s’est étendu au niveau national : s’assimiler, être comme tous les autres peuples, et rejet, aversion envers ceux qui refusent ce processus. Selon l’expression de nos maîtres, le terme « Sinaï » (montagne où eut lieu la Révélation) accompagne la révélation, mais aussi la haine (« Sina » en hébreu) envers ceux qui refusent l’assimilation, et restent fidèles au message de la Révélation.

Il existe une vérité psychologique, selon laquelle on déteste – même inconsciemment – ce que l’on aurait voulu être, mais que l’on n’a pas réussi à réaliser. N’ayant pu obtenir cet objectif, on le transforme en objet détestable. Sans faire trop d’analyse, sans extrapoler, ne pourrait-on pas remarquer que c’est le vide, le néant ontologique qui ronge ceux qui se sentent dépourvus d’un abri, d’un refuge, que c’est ce vide qui dérange, et qui provoque l’aversion. Hypothèse ? évidence ? spéculation ? Ce serait peut-être une explication à ce qui apparaît bien souvent comme une haine de soi. Yaël Dayan, une fille de Moché Dayan, ministre de Ben Gourion, avait écrit, il y a une quarantaine d’années, un livre où l’on sentait la nostalgie sur ceux qui peuvent prier ! Ne serait-ce pas cette nostalgie, enfouie dans l’inconscient, qui serait à la source de ce rejet de l’Autre ? Ce pourrait peut-être permettre de comprendre ce virus incompréhensible ! Le comprendre, peut-être ! L’excuser, en aucun cas !

Pour conclure, il est évident que la seule justification du peuple juif à vivre sur sa terre, est de reconnaître que cette terre lui appartient comme un apanage, promis aux patriarches, ainsi qu’il est écrit dans le Chema : « … sur la terre que l’Eternel a juré à vos pères de leur donner ». Refuser, détester ceux qui continuent de porter le message de cette promesse, c’est perdre ses droits sur cette terre. Un Etat juif ne saurait avoir d’autre assise spirituelle justificatrice, que dans la relation du peuple juif à son histoire, à sa Loi et à son Créateur !