Cet article pourrait prendre la forme d’une sorte de bilan de notre communauté depuis l’arrivée des juifs d’Afrique du nord en France. Cette communauté est arrivée en France il y a 50 ans environ ce qui représente trois générations. S’interroger sur la jeunesse d’aujourd’hui c’est se demander ce qu’est devenue cette communauté après trois générations.

A première vue cette communauté est florissante les restaurants cashers ne cessent de se développer, il y en a Paris plus qu’a Tel Aviv et peut être même qu’a Jérusalem. Les boucheries et les supermarchés cashers se développent dans tous les quartiers de la capitale. Le nombre des synagogues est également important. Les manifestations juives réunissent une quantité de personnes relativement importantes, etc..

Au delà de cet aspect positif on pourrait faire une autre analyse moins encourageante qui devrait nous faire réfléchir sur le destin des enfants de cette troisième génération.

Un bref retour sur la première Génération de jeunes qui en arrivant en France il y a 50 ans avait le souci de s’intégrer dans le pays d’accueil, de réussir leurs études ou leurs professions. Elle avait au delà de cette réussite le souci de maintenir et de recréer les structures juives nécessaires à son épanouissement. La rencontre avec d’autres communautés que la sienne avait permis le brassage de culture et l’échange avec d’autres façons de percevoir et de pratiquer son judaïsme. Cette génération à créé les écoles juives, les lieux d’études, les synagogues dont elle avait besoin même si dans certains pays comme la Tunisie et l’Algérie cette conception de l’école privée juive n’était pas dans les habitudes de cette population.

Cette génération, en dehors de ceux qui se sont écartés délibérément du judaïsme dés le départ, était motivée de maintenir et de développer ce Judaïsme qu’il ressentait comme source d’identification indispensable à leur être. Les maîtres de cette époque que l’on pourrait qualifier certainement de grands intellectuels nous ont apporté une parole enrichissante sur un judaïsme à la fois authentique, moderne et nouveau pour beaucoup d’entre nous. Ils nous ont donné cet élan nécessaire pour encore plus d’approfondissement et de recherche des lumières de notre Torah. Même si la réussite professionnelle et matérielle n’était pas négligée elle n’était pas notre priorité.

La génération suivante née en France a eu moins de difficulté pour son intégration. Elle a profité de structures créées par leurs parents pour continuer à vivre leur Judaïsme sans se poser les questions des parents sur leur identité. Cependant subissant plus fortement l’influence du monde extérieure, cette génération a donné une place beaucoup plus importante à la réussite matérielle. Cette réussite devait s’exposer par divers attributs socialement reconnus comme les grosses voitures les lieux et les adresses de la réussite comme Neuilly, Paris 16ème, les tenues vestimentaires de marques etc..

Les enfants sont devenus porteurs des symboles de cette réussite. Rien n’est trop beau pour eux, tout doit leur être permis : du portable le plus cher, au vélo dernier cri, en passant par tous les outils informatiques aussi chers les uns que les autres, les vêtements de la dernière mode etc…

Dans ce cheminement cette génération a quitté les lieux d’origine des parents où ont été créé les institutions du Judaïsme nécessaires pour leur développement et pour leur pratique pour aller dans des lieux de vie où ces structures même si elles existent sont beaucoup mois développées.

Par ailleurs dans ces quartiers la culture et les habitudes de ces populations de riches bourgeois séduisent et influencent fortement et très négativement les jeunes juifs qui se laissent entraîner aux mêmes pratiques que les jeunes de ces quartiers : boites de nuits, soirées d’alcoolisation massive des l’âge de 14 ans, utilisation importante de toutes les drogues (le lycée Janson de Sailly dans le 16 arrondissement est le lycée de Paris où circule le plus de drogue). Il faut également évoquer la vie sexuelle débridée de cette jeunesse au contact des jeunes de ces quartiers. Certes ces comportements existent partout sur le territoire français, mais alors que l’on arrive plus ou moins à se protéger dans une communauté structurée il est plus difficile de le faire dans des lieux où le regard de l’adulte accompagne les comportements du jeune. Cela me fait penser à ce jeune qui en quittant Sarcelles à éprouvé un sentiment de liberté « je pouvais faire ce que je voulais, il n’y avait personne derrière moi pour me dire ce que j’avais à faire » même si à Sarcelles personne ne lui faisait de réflexion, mais il sentait cette présence surmoïque.

Aujourd’hui beaucoup de jeunes vont mal sans que les parents prennent la dimension de ce mal être de leurs enfants. La réussite matérielle des parents fait écran à tout le reste. Combien de parents diront « Docteur je leur ai tout donné je ne comprends pas pourquoi il se comporte de cette manière » Justement c’est peut être là le problème.

Au-delà de la souffrance psychique il y a la perte d’intérêt pour la pratique religieuse qui devient accessoire. Être comme tout le monde est l’objectif principal de ces jeunes surtout lorsqu’aucun maître n’est capable d’apporter une parole forte et authentique capable de séduire à nouveau cette jeunesse.

Il est dommage qu’il n’existe pas de réflexions communes du rabbinat français face à cette évolution. Le taux de mariage mixte en France est très inquiétant, l’assimilation est galopante. Les restaurants ne sont pas suffisants pour donner des réponses à cette jeunesse dont certains s’interrogent malgré tout. La solution de l’alya est certainement une réponse contre l’assimilation.

Les Rabbins français doivent parler et agir. Les grands maîtres du Peuple d’Israël pensaient avant tout aux autres ne se préoccupant que très peu de leur confort matériel. Ils ont su donner l’exemple il suffit de lire la vie des grands Rabbanim d’Israel.

En conclusion, il nous faut nous rendre à l’évidence que la situation du Judaïsme en France ne se porte pas bien.

Etre Juif c’est une lutte permanente avec ce qui nous entoure et avec nous-même. Ce combat pour l’instant n’est pas entièrement perdu il existe quelques îlots de résistance. Faut-il en prendre conscience et essayer de sauver ce qui peut l’être encore. C’est la jeunesse qui porte cet avenir à nous d’être à la hauteur de cette transmission. La transmission est à la base de nos valeurs, nos grands maîtres du Talmud ont donné leur vie pour que cette transmission se fasse dans le respect total de l’enseignement d’Hachem transmis par notre maître Moché Rabbenou.
 

Dr Alain HADDAD - Pédopsychiatre, psychiatre, psychanalyste