En janvier 2015, nos frères et sœurs à Paris ont été pris au piège dans un supermarché Cachère. Occupés à leurs nobles préparatifs de Chabbath, ils se sont retrouvés piégés sous le viseur d'un terroriste islamique. A travers tout le monde juif, les cœurs se sont mis à battre à l'unisson alors qu'Ichmaël venait une fois encore de fourbir ses armes.

Il est manifeste que la guerre terroriste n'est pas seulement menée contre les Juifs, la France ou les caricaturistes, mais bien contre l'ensemble du monde civilisé. Pourtant, les gouvernements occidentaux et les sociétés ne parviennent pas à percevoir l'évidence. Les Juifs de France ont émigré en masse depuis plusieurs années déjà, mais tous ne sont pas en mesure de quitter leur pays. Il y a toujours des considérations familiales et financières à prendre en compte. Toutefois, les Juifs à travers l'Europe sont sur le qui-vive et ont un œil sur la porte de sortie.

Aujourd'hui, les Musulmans radicaux prennent le dessus en France, arrondissement par arrondissement, dans les mêmes rues où les Nazis raflaient les Juifs pour les déporter vers les camps de la mort. Quartier après quartier, les djihadistes sont en marche à travers l'Europe, semant la peur et la terreur dans tous les pays.

La Grande Synagogue de Paris, érigée en 1874, a été témoin de nombreux événements, qu'ils aient été heureux ou tragiques. Alfred Dreyfus, victime d'un siècle antisémite oublié, s'est marié dans cette synagogue. Les déportations orchestrées par les Nazis ont eu lieu en face de ce noble bâtiment. Lors de ce triste Chabbath de janvier, ses portes sont restées fermées sur ordre des autorités publiques. Le lendemain y a été organisée une rencontre spectaculaire des dirigeants du monde entier en protestation contre les attaques récentes et pour asseoir des promesses qu'il faudra tenir.

Les terroristes ont désormais réalisé qu'une petite attaque de grande envergure leur permet de causer le même traumatisme sur la société qu'une opération complexe exigeant une planification sophistiquée. L'hospitalité française a été détournée et sa faiblesse exploitée. Les djihadistes applaudissent leur sauvagerie comme une victoire.

Avec une relativement modeste opération militaire opérée en deux endroits par seulement trois personnes, ils ont pu capter l'attention du monde entier et inscrire la peur dans le cœur des hommes et des femmes partout sur la planète. Plus besoin de détourner des avions, de faire exploser des bâtiments, de tirer des roquettes, ou de solliciter des légions pour effectuer des opérations !

Des attaques terroristes menées par une, deux ou trois personnes sont faciles à concevoir et ont montré qu'elles atteignaient le même résultat médiatique que les attentats de plus grande ampleur.

Ainsi a-t-il suffi de quelques individus pour paralyser le monde entier et concentrer toute son attention. Le jeudi, ils ont tué douze journalistes et un officier de police. Le vendredi, des dizaines d'otages ont été retenus dans un supermarché Cachère. Quatre Juifs sont morts dans cette attaque, pour être simplement passés dans ce magasin Cachère pour leurs préparations de Chabbath.

Les Juifs du monde entier ont entendu les nouvelles le vendredi matin. Alors qu'ils se préparaient pour la journée qui est "Mé’eine ‘Olam Haba", ils ont été confrontés à la pire réalité du "'Olam Hazé". La dichotomie du bien et du mal, du temporel et de l'éternel, du 'Olam Hazé et 'Olam Haba, a été clairement mise en lumière.

Une lourde inquiétude pèse désormais en France et dans le monde ; les gens réalisent que certains d'entre eux, nés et élevés sur le même sol, les méprisent, méprisent leur culture, et sont prêts à tuer et à mourir pour atteindre leurs objectifs. Abattement et appréhension s'installent tandis que des millions de personnes réalisent la fragilité des libertés que nous tenions tous pour acquises. Des millions de personnes sont d'ailleurs descendues dans les rues pour exprimer leur tristesse face à la tragédie et leur préoccupation pour l'avenir. Devant la force du nombre, il y a un certain réconfort à savoir qu'enfin, et à défaut d'autre chose, le peuple français et le monde reconnaissent enfin la situation précaire dans laquelle est plongé le monde.

Il n'empêche que des quartiers entiers en France sont désormais des têtes de ponts dans le respect de la charia. Les Juifs ne se sentent pas en sécurité, et les actions du gouvernement n'ont à ce jour pas ramené la confiance de cette communauté "assiégée".

La France abrite la plus grande communauté juive en Europe, laquelle représente la troisième plus grande concentration de Juifs dans le monde. Ce n'est pourtant qu'en 2014 que la société nationale des chemins de fers a signé un accord visant à dédommager les victimes de l'Holocauste vivant aux Etats-Unis et en Israël.

De même, ce n'est qu'en 1995 que la France a officiellement reconnu son rôle d'assistance des Nazis dans la déportation de centaines de milliers de Juifs. Quand le Président français Jacques Chirac a déclaré que son pays avait ainsi participé au génocide, il a enfin conclu des décades de controverses juridiques et de charges émotionnelles.

La communauté juive française est composée de descendants de survivants de l'Holocauste et de réfugiés de pays arabes ayant recouvré leur indépendance ou persécutant leurs Juifs. Tous sont au fait de la précarité du peuple juif en Gola (NdT : exil).

Ce sentiment n'a pu être que renforcé lorsque les autorités françaises ont fermé les magasins juifs lors de ce triste vendredi de janvier, et ont demandé à ce que les synagogues restent fermées le Chabbath car elles ne pouvaient garantir la sécurité de leurs ressortissants juifs.

Mais il ne s'agit pas nécessairement d'un problème franco-français. C'est un problème global. La gloire et la tragédie se mêlent dans le destin des Juifs en Europe. Dans les périodes fastes, les gens ont tendance à oublier combien le sang juif a coulé sur la terre européenne durant ce dernier millénaire d'exil.

Peu importe les différentes formes ou prétextes de persécutions, la couleur des drapeaux portés par les tueurs ou les slogans qu'ils scandent, le résultat a toujours été similaire. Les Juifs ont été chassés de leurs maisons, et ont fui la mort et la destruction en s'échappant vers une nouvelle terre étrangère. Le déracinement n'est jamais facile et on lui paie toujours un lourd tribut.

Les dirigeants occidentaux ont espéré que la guerre contre le radicalisme islamique pourrait être réglée par de belles paroles et quelques gestes de bonne volonté. Ils ont pensé pouvoir faire triompher leur idéologie libérale en faisant des compromis sur divers fronts avec des djihadistes. Ils ont négocié avec l'Iran, ont fait des concessions aux Talibans, persuadés qu'en chouchoutant les radicaux et en les entourant de leurs bons soins, ils obtiendraient la paix. Ils n'ont pas pris suffisamment au sérieux la montée des islamistes radicaux et ont continué de traiter le sujet comme une simple question de sécurité publique, alors que l'enjeu est en fait existentiel.

Ils forcent Israël à accepter des compromis avec des terroristes qui ne veulent que la destruction de l'Etat hébreu, pensant naïvement que l'on peut trouver des arrangements avec des personnes qui tuent et meurent au nom de la haine. Les terroristes en prennent bonne note et sont encouragés par leur montée en puissance.

Le sang juif a coulé des millions de fois, et chacune d'entre elles nous répètent le message que nous sommes toujours en exil. Chaque fois, nous nous relevons et continuons d'avancer. Nous trouvons la force intérieure pour persévérer et poursuivre notre marche vers la ligne d'arrivée, la tête haute et notre espérance intacte.

Trois mots simples ont captivé la France et le monde après l'attaque de la publication du journal satirique Charlie Hebdo : « Je suis Charlie ». Des millions de personnes dans le monde ont défilé sous des banderoles arborant ces trois mots. Dans des moments comme ceux-ci, nous devons réaliser que « Je suis juif », ou « Nous sommes tous juifs ». Nous devons ressentir la douleur des Juifs partout où ils se trouvent et où ils souffrent. Nous devons essayer d'imaginer leur crainte et leur peur (NDLR : l'auteur du texte est américain).

Lorsque nous marchons tranquillement vers la synagogue le Chabbath, ayons une pensée pour ceux qui doivent se dissimuler afin de ne pas attirer l'attention sur eux ou sur leur religion. Lorsque nous faisons nos courses, nous devons penser à ceux qui risquent leur vie lorsqu'ils vont faire leurs achats pour Chabbath. Aucun Juif n'est seul. Aucun Juif ne doit se sentir seul.

Je suis juif. Nous sommes juifs, unis de par le monde. Pour le meilleur et pour le pire, nous sommes un. Faisons en sorte que rien ni personne ne puisse nous diviser. Il est primordial que nous ressentions la solidarité avec les autres. Nous devons chercher à nous rapprocher de l'autre et à le consoler. Nous devrons accueillir à bras ouverts ceux qui cherchent du réconfort. Personne ne doit se sentir abandonné, à la dérive ou isolé.

De nombreux Juifs ne se sentent pas en sécurité. Beaucoup sont extrêmement inquiets et perturbés. Beaucoup ont eu le souffle coupé. Où aller pour être en sécurité ? Où peut-on reprendre notre souffle ?

Examinons la Paracha Chemot, et souvenons-nous du premier exil juif. Une famille composée de soixante-dix personnes est arrivée dans un pays étranger en raison d'une famine dans son pays d'origine, Erets Israël. Ils étaient dirigés à l'époque par leur grand-père, Ya'acov, et ses douze fils. Mais les choses ont mal tourné ; à mesure que la famille a grandi, ils sont devenus l'objet d'une haine croissante. Finalement, ils ont été assujettis comme esclaves par le roi et son peuple.

Ces esclaves savaient qui ils étaient, d'où ils venaient, et comment ils étaient arrivés dans ce pays. Ils connaissaient parfaitement les promesses que D.ieu avaient faites à leurs ancêtres Avraham, Its'hak et Ya'acov.

Ils ont certainement été encouragés par le fait que D.ieu avait prédit à leurs ancêtres que leurs petits-enfants seraient tourmentés par une puissance étrangère et qu'ils en seraient libérés. Ils savaient qui était Moché Rabbénou. Ils connaissaient son "pédigrée". Ils savaient qu'il avait grandi dans le palais de Pharaon.

Les personnes emprisonnées s'accrochent en général à toute lueur d'espoir. Ils écoutent les rumeurs et les histoires qui leur apportent un quelconque espoir et les aident à penser que leur liberté est proche. C'est pourquoi, lorsque nous étudions la Paracha Chemot, nous pouvons légitimement nous demander pourquoi les Bné Israël n'ont pas écouté Moché lorsqu'il leur est apparu et qu'il leur a dit que leur salut tant attendu était à portée de main, en exprimant les quatre verbes déclinant la Délivrance, la Guéoula. En effet, le verset précise (Chemot 6, 9) : "... et ils n'ont pas écouté Moché".

Pourquoi ces pauvres gens opprimés n'ont-ils pas saisi cette opportunité ?

Non seulement cela, mais dans la Paracha Chemot, le verset (5, 29-31) rapporte que Moché et Aharon ont réuni les Anciens du peuple, leur ont dit ce qu'Hachem avait dit à Moché et ont réalisé des miracles pour prouver l'authenticité de leur mission. Le verset dit que le "peuple a cru et entendu qu’Hachem s'était souvenu d'eux et de leur situation, et qu'ils se prosternèrent" en acceptation.

Quelle différence entre ce moment et aujourd'hui ?

Un verset de la Paracha Vaéra (6, 9) explique la raison pour laquelle ils n'écoutèrent pas la prophétie de Moché : c'est parce qu'ils étaient "Mikotsère Roua'h Oumé'avoda Kacha". Rachi explique que les peuples asservis étaient comme une personne en détresse qui souffre d'essoufflement. En d'autres termes, ils n'écoutaient pas Moché en raison de leur situation tragique et de leur travail épuisant.

Le Ramban explique que leur incapacité à accepter les paroles de Moché n'était pas due au fait qu'ils ne croyaient pas Hachem et Son prophète, mais plutôt parce qu'ils étaient plongés dans d'atroces souffrances - Kotsère Roua'h - et qu'ils craignaient que Pharaon ne les tue. "Oumé'avoda Kacha" se réfère au fait que leurs superviseurs les tourmentaient et ne les laissaient pas prêter attention à ce qui leur était dit. Ils n'avaient tout simplement pas le luxe d'un moment serein pour pouvoir écouter.

Aussi claires et objectives que soient ces explications, nous nous demandons toujours à quoi pouvaient penser les gens quand ils se traînaient vers leurs tentes chaque soir, éreintés. Tranquillité d'esprit ou pas, ne sont-ils pas passés à côté de quelque chose de crucial ? Ne se sont-ils pas interrogés sur Moché et sur ses prédictions ? Quand ils s'allongeaient sur leurs paillasses, ne pensaient-ils pas que peut-être il y avait quelque chose de vrai dans sa prophétie ?

Rav Gamliel Rabinowitz rapporte le Kotsère Roua'h et la 'Avoda Kacha aux éléments qui composent l'homme. Il y a trois Madrégot (niveaux spirituels) communément appelés Néfech, Roua'h et Néchama. Le niveau le plus bas est le Néfech, qui se réfère aux attributs physiques de l'homme et à sa capacité à effectuer un travail physique. Le Roua'h est sa capacité à parler, laquelle le distingue de l'animal, comme nous l'enseigne le Targoum Onkelos. La plus haute forme de Roua'h consiste à prononcer des mots de Torah et de Téfila. La Néchama est le niveau le plus élevé de l'homme, car il se réfère à sa spiritualité.

Peut-être pouvons-nous ici comprendre le verset qui explique pourquoi les Bné Israël n'ont pas été interpelés par la prophétie de Moché. Leur 'Avoda Kacha, leur exténuant travail physique, a causé une véritable incapacité à entendre en les privant de l'attribut de Roua'h.

Leur espérance était éteinte. Et sans espérance, il n'y a pas de possibilité de vie.

Quand l'espérance meurt, le corps devient insensible. Sans espérance, il n'y a ni vivacité, ni attente.

Une personne qui est plongée dans l'apathie, la dépression et le désespoir ne peut être touchée par quiconque sans que son espérance ne soit d'abord restaurée.

Le Roua'h est indispensable à qui veut entendre les mots des Ta'hanounim, à qui veut comprendre ce que les prophètes disent, à qui veut bien accepter d'être délivré.

Comme le dit Rachi, une personne à bout de souffle ne peut percevoir des mots de réconfort. Or cet état d'essoufflement est dû à une carence de Torah et de Téfila.

C'est ainsi que l'on peut comprendre cette phrase de nos Sages : "Ein Lékha Bné 'Horin Ela Mi Ché'ossek Batorah" – "Il n'est d'homme libre que celui qui s'adonne à la Torah". Celui qui emploie son temps à étudier la Torah devient réceptif à la liberté véritable, à l'enrichissement et au bonheur. Celui qui étudie la Torah est béni dans tous ses choix. Dans la mesure où une personne soumet son Néfech à sa Néchama, il est en mesure de gagner le bonheur et le plaisir.

La Michna enseigne : "Kol Halomède Torah Lichma Zokhé Lédevarim Arbé" – "Quiconque apprend la Torah de façon désintéressée mérite de nombreuses récompenses". L'une de ces récompenses est que "le monde entier vaudra la peine à ses yeux". La compréhension littérale de la Michna est que le monde entier valait la peine d'être créé juste pour lui.

Et les commentateurs de gloser sur cette récompense. Quel genre de récompense est-ce pour cette personne que le monde entier ait été créé pour elle ? Pour répondre à cette question, ils rappellent que la Michna emploie l'adjectif "Kéday", c'est-à-dire que le monde soit "valable" aux yeux de cette personne. En fait, cette personne va pouvoir profiter de chaque expérience. Elle va vivre chaque instant à son maximum et tirer la satisfaction optimale de chaque rencontre, parce que la Torah élève et développe la personne au point que chaque instant de sa vie vaut la peine d'être pris en considération et célébré.

Rav Nathan Muller, l'une des lumières du monde du 'Hinoukh, est le très apprécié directeur de la Yéchiva Torah Emeth à Brooklyn. Lorsqu'il était Ba’hour à la Yéchiva de Mir à Jérusalem, il avait chaque veille de Chabbath une 'Havrouta qu'il chérissait avec son Roch Yéchiva, Rav Nathan Tsvi Finkel.

Une veille de Parachat Va'éra, il a montré à son Rav l'explication du Or Ha'haïm Hakadoch sur l'idée susmentionnée. Le Or Ha'haïm Hakadoch écrit que les Bné Israël ne disposaient pas des outils nécessaires pour s'élever au-dessus de leur détresse, car ils n'avaient pas encore reçu la Torah. Il poursuit en affirmant que la Torah "développe le cœur d'une personne", c'est-à-dire développe la personne en lui permettant d'avoir place en son cœur pour autre chose que la souffrance intense et l'angoisse.

Le Roch Yéchiva, qui savait ce que signifie pour la Torah d'élever l'homme au-dessus de la douleur, a apprécié l'idée et a remercié son élève.

Les années ont passé. Rav Muller s'est marié et a déménagé à Lakewood, où il est devenu un Rav réputé. Neuf ans après cette fameuse veille de Chabbath, le Rav Nathan Tsvi était en visite à Lakewood et Rav Muller était désireux de lui présenter ses élèves. Il reçut un rendez-vous pour un vendredi après-midi ; on était veille de Chabbath, Parachat Va'éra. Rav Nathan Tsvi a d'abord conversé avec les Ba’hourim, puis il a eu une conversation privée avec son élève, Rav Muller.

Celui-ci se souvint avec nostalgie de cette 'Havrouta datant de neuf ans déjà.

Rav Nathan Tsvi l'interrompit soudain : "Tu crois me rappeler l'enseignement du Or Ha'haïm Hakadoch ? Tu crois que je l'ai oublié ?"

Le Kotsère Roua'h est provoqué par le fait de ne pas apprendre la Torah. Élever son Roua'h à son niveau le plus haut par l'apprentissage de la Torah ne vient pas seulement ajouter de la puissance à la parole, mais améliore aussi tous les aspects de la vie. Comme le dit le roi David : "Torat Hachem Témima Méchivate Néfech" – "La Torah restaure le Néfech de la personne, ainsi que son énergie et sa joie".

L'année dernière, le Rav Haïm Kanievsky était en Chiva' suite au décès d'une de ses filles bien-aimées. À la conclusion de la semaine de deuil, il a rejoint la famille sur la tombe de la défunte, comme le veut la tradition. L'éminent photographe israélien Chouki Lehrer a fait preuve d'ingéniosité et d'imagination pour être près de la tombe, car il était déterminé à prendre une photo du Rav Haïm.

Il explique : "Je savais que Rav 'Haïm avait été privé de son rythme habituel de Torah pendant la semaine des Chiva'. J'avais compris qu'il serait assoiffé de Guémara. Je savais que dès que la Chiva' prendrait fin, il se replongerait dans le Limoud. Je me doutais que l'un de ses petits-enfants apporterait une Guémara au cimetière pour la remettre à Rav 'Haïm alors qu'il en sortirait. Je voulais une photo de ce moment spécial. Or c'est exactement comme cela que tout s'est passé. Rav Haïm a pris en main le traité de Guémara déjà ouvert, et son visage s'est illuminé. Il s'est immédiatement replongé dans le monde où il est le plus heureux."

Si cette histoire souligne l'inventivité et l'adresse d'un photographe, il en ressort surtout le plus beau témoignage possible de la capacité de la Torah à adoucir le Néfech, à élargir le raisonnement, à dynamiser le Roua'h et à permettre à l'homme de transcender la souffrance.

Rav Its'hak Hutner évoque le terme choisi par David Hamélèkh pour qualifier son plaisir dans la Torah : Cha'achouaï (littéralement "mon jouet"). Un enfant en train de jouer avec son jouet préféré attire des sourires et rayonne de grâce, parce qu'à ce moment précis, il est vraiment lui-même. Il n'est pas engagé dans une quête qui le conduit ailleurs. Il ne cherche pas à gagner de l'argent, des points ou du pouvoir. Il ne fait qu'exprimer un désir essentiel. Il n'y a rien de cynique ou de calculé dans son action ; c'est pourquoi les passants lui sourient. La vue d'un petit garçon guidant son camion de pompiers le long de la chaussée ou d'une petite fille mettant sa poupée au lit nous touche, car nous reconnaissons la pureté de leurs actions.

La Torah est notre Cha'achoua. Elle est l'endroit où nous nous retrouvons réellement. C'est vers elle que nous allons pour entrer en contact avec la véritable existence, et c'est là où nous retrouvons notre espérance.

Les armes sont toujours pointées vers nous. La haine et la colère ont toujours été dirigées contre nous, comme elles le sont aujourd'hui. Tout au long des âges, nous avons été victimes de gens dépités, colériques. Pourtant, nous avons enduré tout cela. Comment avons-nous résisté ? Quel est le secret qui nous permet de rester forts, confiants et victorieux malgré tant d'ennemis et de Kalachnikovs pointées vers nous ? La Paracha Vaéra fournit directement la réponse à notre endurance. Ce n'est qu'à travers l'apprentissage de la Torah que nous élevons nos esprits. Tandis qu'ils tentent d'étouffer notre Roua'h, nous répondons avec encore plus de vitalité, plus d'énergie et plus de labeur.

Nous vivons à une époque folle, dans un monde où les extrémistes déments circulent librement. Ils ont été autorisés et enhardis par des diplomates et des gouvernements apeurés et incapables de les affronter. Nous nous demandons comment les dirigeants du monde libre peuvent être si aveugles et inefficaces. Les gens s'étonnent que le Président des Etats-Unis n'ait pas participé à la marche anti-terroriste du 11 janvier à Paris…

Lorsqu’Hachem demanda à Moché de transmettre à Pharaon le message de la délivrance du peuple juif, Moché s'y est tout d'abord opposé : "Le peuple juif ne m'a pas écouté. Comment Pharaon m'écouterait-il ?" (Chémot 6, 12). Rachi précise que ceci est l'un des dix cas où la Torah utilise un argument Kal Va'homère (NdT : a fortiori).

La réponse est évidente. Le verset explique que les Bné Israël n'ont pas écouté Moché en raison de leur Kotsère Roua'h et de leur ‘Avoda Kacha. Cependant, Pharaon, qui était confortablement installé en toute sécurité dans son confortable palais, n'avait pas ces limitations. Pourquoi Moché était-il convaincu qu'il n'écouterait pas ses arguments?

Si nous comprenons Kotsère Roua'h comme se référant à un manque de Torah et de Madrégat Roua'h, alors cela est tout à fait compréhensible. Les Bné Israël, héritiers d'une noble tradition, ont été affaiblis dans leur étude de la Torah et étaient donc peu réceptifs aux messages de liberté et d'espérance. Pharaon, qui ne fait pas partie de cette tradition et n'a jamais étudié la Torah, ne peut donc sûrement pas être réceptif à un tendre message humanitaire.

Nous pleurons dans les Séli'hot : "Véroua'h Kodchékha Al Tikakh Miméni" – "Hachem, s'il-Te-plaît, n'éloigne pas de moi Ton esprit sain". Nous pouvons expliquer que la prière est aussi une demande que notre Roua'h, notre esprit et notre espérance, reste saint et béni, par le mérite de la Torah.

Nous cherchons à mériter les bénédictions du prophète Yichaya'hou (59, 21) qui a prédit : "Rou’hi Acher ‘Alékha Oudvaray Achèr Samti Béfikha Lo Yamouchou Mipikha Oumipi Zar’akha Oumipi Zéra’ Zar’akha Mé'ata Vé'ad ‘Olam" – "Mon inspiration qui repose sur toi et les paroles que J'ai mises en ta bouche, elles ne doivent point s'écarter de ta bouche, ni de la bouche de tes enfants, ni de celles des enfants de tes enfants, ni maintenant, ni dans les temps futurs".

La période dite des Chovavim (dont le nom est formé par les initiales des Parachiot que nous lisons entre Chémot et Michpatim) est une période particulièrement propice à la Téchouva et à l'enrichissement spirituel. Comme ces Parachiot évoquent la descente du Klal Israël en Egypte, puis sa rédemption, cela nous encourage à échapper à nos prisons personnelles et à notre propre esclavage.

La repentance s'acquière par des actes de charité, par le jeûne et par l'affliction. Amélout Batorah, l'étude intensive de la Torah, a également le pouvoir de nettoyer et purifier. La période des Chovavim est aussi un bon moment pour ajouter de la ferveur et du zèle pour notre Limoud.

On a une fois décrit ce qui se passait quand le Gaon de Rogatchov marchait dans la rue. Les cochers arrêtaient leurs chevaux, pour attendre de le voir passer. Les colporteurs se tenaient droits, attentifs. Les vendeurs arrêtaient leur chahut. Le Gaon de Rogatchov était tellement engagé dans son étude de la Torah et donc insensible à son environnement qu'il unissait les gens de tout genre dans un silence respectueux et ému. Il incarnait le Roua'h de la Torah.

Nous devons respirer profondément et nous battre pour chaque respiration, parce que nous vivons dans une époque où le Roua'h est insuffisant. Nous sommes dans un état de Mikotsère Roua'h.

Au cours des derniers mois, nous avons souvent retenu nos respirations, le plus souvent tragiquement. Mikotsère Roua'h.

Nous avons vu des Tsaddikim assassinés parce qu'ils étaient juifs, et de jeunes garçons enlevés et tués parce qu'ils étaient juifs. Mikotsère Roua'h.

En janvier, nous avons collectivement retenu notre respiration lorsque nos frères et nos sœurs étaient retenus en otage dans un supermarché parisien. Mikotsère Roua'h.

Nous avons perdu notre souffle quand nous avons appris que quatre otages innocents avaient été froidement abattus. Mikotsère Roua'h.

Mais il y a aussi Mé'avoda Kacha. Quand l'étau de l’exil se resserre, il devient plus difficile de se concentrer sur ce que nous devons faire pour retrouver notre souffle et notre joie de vivre.

Nous devons nous efforcer de travailler plus fort pour élever notre Néfech, notre Roua'h et notre Néchama à des niveaux supérieurs, afin que nous puissions respirer plus facilement, plus sûrement et plus longuement, et que nous puissions mériter ainsi la Guéoulat Hanéfech (délivrance de l’esprit) et la Guéoulat Hagouf (délivrance du corps), bientôt grâce à la Torah.

Des Juifs ont été attaqués alors qu'ils préparaient leur Chabbath, en symbole d'une génération qui se prépare pour l'ultime Chabbath, le Yom Chékoulo Chabbath (jour entièrement repos), une frénésie de tâches finales au milieu des sirènes. Nous sommes dans les derniers instants avant l'arrivée de Machia'h.

Les chaines d'informations ont indiqué que la police a forcé les portes de l’Hyper Cacher sur la rue Jean de la Fontaine au coucher du soleil, au moment de la Chki’a.

Ainsi, le siège a pris fin au moment où Chabbath commençait. Les 'Hevlé Machia'h (NdT : les souffrances pré-messianiques) sont pénibles et douloureuses. Nous attendons le jour où elles donneront naissance à la fin du siège de cet exil.