Si vous étudiez à la fac en Israël, vous avez toutes les chances d’y rencontrer Gabriel Krief, un jeune Avrekh dynamique qui agit avec une énergie déconcertante auprès des jeunes étudiants francophones d’Israël. Torah-Box l’a rencontré pour vous. Entretien avec un rabbin qui n’a pas froid aux yeux !

Gabriel Krief, ou Rav Gabriel pour ceux qui le côtoient, habite à Bné-Brak. Il est marié et père de 5 enfants ("si ça intéresse les lecteurs" précise-t-il). Produit du très réputé centre de formation talmudique Ohel Naftali du Rav Wasjman, il décide de suivre les recommandations de son Rav il y a quelques années en "fermant sa Guémara" pour aller à la rencontre des jeunes francophones disséminés au travers des universités d’Israël. C’est le Rav Steinman en personne qui l’a encouragé à poursuivre cette voie. 

Son sourire et sa bonne humeur communicative laissent à peine transparaitre l’énergie débordante qui l’habite et qui lui permet de mener de front d’innombrables activités auprès des jeunes étudiants au travers de son programme "Néchama" ("l’âme").

Bien que Rav Gabriel n’aime pas parler de lui – c’est ce qu’il nous annonce d’emblée – nous lui avons quelque peu forcé la main…

(Rires) "Un peu beaucoup, même…", fait-il remarquer. 

Gabriel Krief, Chalom.  Comment définissez-vous votre rôle auprès des étudiants ?

Chalom. Tout d’abord, je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas de mon travail en particulier, mais du travail de toute une équipe composée de quinze Avrékhim et de dix femmes, mise sur pied par le Rav Wasjman. Mon équipe, donc, a créé depuis quelques années un noyau dans les principales universités israéliennes du centre du pays pour établir un contact avec les jeunes étudiants francophones. Nous essayons de combler un manque qui s’était fait ressentir sur les campus d’Israël, où les jeunes juifs ont tendance parfois à perdre les repères qu’ils avaient en France ou souhaitent retrouver le cadre auquel ils étaient habitués. 

Nous proposons ainsi des conférences de Torah une fois par semaine sur des sujets variés et organisons des groupes d’étude interactifs (d’une dizaine de jeunes environ) au cours desquels chacun peut s’exprimer et poser des questions. Nous organisons également des Chabbatot pleins qui réunissent plusieurs dizaines d’étudiants, ainsi que des activités : la visite du Tombeau de Ra’hel, des sorties au Kotel etc. 

Mais le principal reste le lien très fort que nous établissons avec eux : ils savent que même éloignés de leur famille, ils ont quelqu’un sur qui compter, qui est à leur écoute et les épaule. 

Parlez-nous un peu de vous, de votre parcours.

Joker !

Bon. Comment cette aventure a-t-elle débuté ?

Alors que j’étudiais au Kollel il y a plusieurs années, j’ai été un jour contacté par un jeune qui m’a demandé de venir à l’université de Bar-Ilan pour y donner cours. Pour tout vous dire, nous avons démarré glorieusement, puisque nous avions un seul participant… Mais petit à petit, un autre s’est joint à lui puis encore un autre. Aujourd’hui, nous sommes en contact avec plus de 200 jeunes, principalement à l’université de Bar-Ilan, de Tel-Aviv, dans les Mikhlalot de Herzliya, de Natanya, etc.    

Si je puis me permettre, mais en quoi un jeune qui vient de faire son Alya et fait ses études en Israël aurait besoin de quelqu’un comme vous ?

Bonne question. Tout d’abord, parce que nous proposons une bourse. Je plaisante (rires). C’est vrai que nous octroyons une bourse mais les étudiants viennent d’eux-mêmes et le plus souvent, ils y renoncent, ce n’est pas tant cela qui les attire que le lien particulier que nous tissons avec eux. 

Cela peut sembler banal, mais l’omniprésence d’Internet et des réseaux sociaux a rendu l’accès à un vrai contact humain de plus en plus difficile. Or un jeune lui a toujours autant besoin de s’exprimer et de poser des questions !

En fait, on constate paradoxalement que ce qui était évident pour un jeune "feuj" en France, comme d’aller à la synagogue de temps en temps ou de manger Cachère au moins à la maison, ne va plus forcément de soi ici, en Israël. Pour les jeunes qui observaient Chabbath par exemple, les repères religieux n’existent plus. Le rayon cachère, la synagogue de quartier, tous ceux-là sont autant de repères qui disparaissent soudain. De notre côté, nous nous efforçons de leur offrir l’accès à cette pratique tout en leur apportant en douceur les raisons d’y adhérer. Chacun peut ainsi avancer à son rythme et selon ses envies. 

A qui s’adressent vos conférences ?

A tout le monde. Du jeune juif qui a un vague souvenir de ses cours de Kodech à l’école juive à celui qui sait déjà étudier la Guémara ou la jeune fille qui possède déjà des bases solides. Il y en a pour tous les goûts. 

Les religieux de Bné-Brak ne sont pas toujours bien vus dans le monde universitaire israélien… Quel accueil vous est-il réservé dans les universités ?

Je vais vous surprendre : les groupes ‘Habad sont très présents eux aussi sur les campus et eux comme nous bénéficions d'un accueil plutôt positif. La direction des campus comprend que nous remplissons plus qu’une fonction religieuse, puisque nous jouons également un rôle au niveau social et scolaire. 

A Bar-Ilan, la direction m’a assuré que les étudiants qui assistaient à nos activités comptaient parmi les meilleurs élèves : ils restaient en Israël, s’investissaient dans leurs études, étaient plus sérieux. La Torah stabilise, c’est un fait.

A la question de savoir quel est le feedback que lui et ses compagnons reçoivent de la part des jeunes, Rav Gabriel répond : "Les jeunes nous accueillent avec le sourire. Ils apprécient notre approche jeune, dynamique et ouverte du judaïsme. Nous leur permettons d’avoir accès à des valeurs avec lesquelles ils sont familiers depuis la France et auxquelles ils adhèrent de toute façon."

Parlons concrètement. Qui finance vos activités ?

Les institutions Ohel Naftali desquelles je suis issu se tiennent fidèlement derrière ce projet en fournissant les financements nécessaires. Mais nous bénéficions également du soutien du programme Nefech Yéhoudi, qui est présent dans toutes les universités et Mikhlalot d’Israël et qui propose du contenu juif à travers des débats, des conférences et toutes sortes d’activités. J’ai personnellement reçu la bénédiction du Rav Steinman et du Rav Wasjman, qui m’ont vivement encouragé à poursuivre mes activités.   

Une fois qu’un de vos "élèves" obtient son diplôme universitaire ou qu’il se marie, que se passe-t-il ensuite ? 

Nous continuons en général de maintenir un lien très fort avec lui. Nous ne nous contentons pas d’offrir aux jeunes un accès à la Torah sur le campus, mais nous les accompagnons aussi longtemps qu’ils en ont besoin ou qu’ils le désirent. Ceux qui le souhaitent peuvent suivre une préparation au mariage chez nous, nous les marions, les orientons vers un choix d’école adapté pour leurs enfants, nous sommes à leur écoute s’ils rencontrent des difficultés dans leur couple ou au niveau de l’éducation, etc.

Vous assurez le service après-vente en quelque sorte…

(Rires) Absolument. Nous avons même le mérite de voir certains de nos élèves évoluer plus tard et se montrer à leur tour actifs auprès des communautés francophones d’Israël, que ce soit à Guiv'at Chemouel, à Natanya, à Ra'anana, à Achdod ou ailleurs. Certains organisent des cours ou des Chabbatot communautaires. Cela fait chaud au cœur. 

Les parents dans tout cela, ne vous en veulent-ils pas de rapprocher leurs enfants du judaïsme ?

(Rires) Non. Ils savent que leurs enfants viennent de leur plein gré et ils connaissent l’esprit de notre programme. Sur la centaine de parents auxquels j’ai été confronté tout au long des années, tous sont satisfaits que leurs enfants se lient à nous. Ils constatent les résultats sur le terrain : leurs enfants se trouvent dans un cadre sûr, ils s’épanouissent, sont contents d’être en Israël et sont sérieux dans leurs études.  

Une anecdote à partager avec les lecteurs ?

Personnellement, j’ai du mal à sélectionner une histoire en particulier car une jeune fille qui prononce "Chéhakol nihya bidvaro" sur un verre d’eau m’émeut autant que celui qui décide d’étudier la Torah une heure par jour…

Mais juste une histoire qui me revient à l’esprit : il y a quelque temps, je me souviens que nous avions organisé un Chabbath avec un certain groupe. Le matin, alors que je passais parmi les chambres pour réveiller les jeunes avant l’office, j’ai entendu dans l’un des couloirs un garçon parler au téléphone avec sa mère qui se trouvait en France. Il lui disait : "Maman, tu ne te rends même pas compte quel kiff c’est de faire Chabbath ! Il faut absolument que tu essayes toi aussi !"  

Le mot de la fin ? 

Je tiens à remercier toute l’équipe de Torah-Box en général et Binyamin Benhamou en particulier, qui effectuent un travail exceptionnel et qui plusieurs fois par an nous offrent des centaines de livres gratuitement, que nous distribuons et qui ont beaucoup de succès. Qu’ils en soient bénis, Amen !

Amen, et merci d'avoir répondu à nos questions !