Havrouta – Quand des Juifs de tous bords se rencontrent au bout du fil…

Ayélet Hacha’har est un célèbre organisme de diffusion du judaïsme en Israël. Dans une société parfois rongée par les clivages, l’association s’est plus particulièrement attelée à faire tomber les barrages entre religieux et laïcs. "‘Havrouta" est le nom de l’un des projets révolutionnaires mis en place par l’association. Le Rav Israël Adler, son responsable, a accepté de nous le présenter.

Ayélet Hacha’har est un célèbre organisme de diffusion du judaïsme en Israël. "Un de plus", soupireront peut-être certains. Justement, non. Car là où même les associations les plus actives n’ont pas réussi à se frayer un chemin, l’agile Ayélet Hacha’har ("la biche de l’aube", il n’y a pas de hasard !) aura relevé le défi.

Cette association fondée il y a une vingtaine d’années par le Rav Chlomo Raanan dénote dans le paysage du Kirouv de par son approche d’une grande ouverture. Destinée à chacun sans distinction de niveau ni de tendance, Ayélet Hacha’har instaure le dialogue avec chacun où qu’il se trouve et quelle que soit la nature de sa recherche.

"Preuve en est", fait remarquer le Rav Israël Adler, responsable du projet ‘Havrouta, "au moment même où nous parlons, se déroule l’inauguration de la première synagogue de Sdé Né’hémia, l’un des derniers Kibboutzim de la Tnoua Hakiboutsit. La synagogue a été nommée d’après la pilote de l’air Tamar Ariel et des centaines de gens y participent présentement."

L’accueil dans ce type de Kibboutzim doit être plutôt glacial, non ?

"Le fait même que nous assistions à de tels évènements, comme l’inauguration d’une synagogue ou de rouleaux de la Torah dans des lieux où l’on ne jeûne même pas à Yom Kippour, est déjà en soi révélateur. Nous n’aurions jamais pu atteindre de tels résultats si nous n’avions pas de répondant en face", explique le Rav Adler. "Certes, nous essuyons parfois des refus catégoriques de la part des responsables administratifs, mais la pression du public, qui a soif d’apprendre, est plus forte et c’est souvent elle qui l’emporte."

Qu’est-ce que le projet ‘Havrouta ?    

"Le projet ’Havrouta a été mis en place il y a plusieurs années par le Rav Raanan et bénéficie d’un succès assez remarquable. L’idée est d’instaurer des ‘Havroutot (ou binômes) par téléphone, au rythme d’une fois par semaine, entre religieux et laïcs. Quand je dis laïcs, ce n’est pas tout à fait vrai, car nous avons des candidats de tous niveaux, mais il est vrai qu’il s’agit aussi parfois de gens sans aucun background religieux. Au début de l’aventure entre deux compagnons d’étude, les entretiens durent une vingtaine de minutes et touchent des sujets aussi variés que la Halakha, la pensée juive, ou même le Chalom Bayit et l’éducation des enfants. Avec le temps, ces conversations peuvent s’étendre jusqu’à plusieurs heures !" explique le Rav. "Le ‘Rav’ quant à lui est en général un Avrekh qui étudie au Kollel, une femme qui a étudié au séminaire ou toute autre personne possédant un solide bagage de connaissances en Torah et un très grand cœur."

Comment les gens entrent-ils en contact avec le projet ‘Havrouta ?

Nous disposons d’un vaste réseau, dispersé à travers tout le pays et même au-delà, de quelques 8 000 bénévoles, qui…"

8 000 ?!

"Oui, tout à fait. Parfois plus, en fonction des périodes, mais disons 8 000. Ces bénévoles, donc, prennent sur eux de partager leurs connaissances et de guider tous ceux qui le souhaitent vers une compréhension plus profonde du monde de la Torah et de son étude. De l’autre côté, nous travaillons en étroite collaboration avec d’autres organismes de diffusion du judaïsme, tels qu’Arakhim ou Hidabroot que vous connaissez probablement, qui redirigent vers nous ceux qui sont intéressés par cette formule d’étude."

Pourquoi avoir privilégié le contact par téléphone plutôt que celui, plus pratique, d’Internet, ou moins impersonnel, de la rencontre en vrai ?

"Le contact par téléphone possède plusieurs avantages. Le principal, c’est vraiment la disponibilité, les ‘Havroutot peuvent se joindre facilement sans avoir à se déplacer dans un Beth Hamidrach ou chez un Rav. A la pause de midi, dans le bus au retour du travail ou le soir après avoir couché les enfants, les ‘Havroutot par téléphone n’impliquent pratiquement aucune contrainte horaire. On fixe un rendez-vous téléphonique hebdomadaire et s’il arrive que l’un des deux compagnons ne soit pas disponible, on reporte à plus tard", explique le Rav Adler. "Un autre avantage", ajoute-t-il, "c’est que des gens qui se sentiraient gênés de se rendre dans une Yéchiva ou un cours pour femmes peuvent étudier les sujets de leur choix sans avoir à rentrer dans un univers duquel ils se sentent encore éloignés."

Quelle est la nature du lien qu’entretiennent entre elles les ‘Havroutot ? Est-ce une simple relation de maître à élève ou une relation plutôt amicale ?

"C’est assez exceptionnel", avoue le Rav. "Nous voyons se tisser des liens très particuliers, très forts, entre des gens qu’a priori tout aurait pu séparer. Plus qu’une ‘Havrouta, le Rav, l’Avrekh ou la Rabbanit deviennent parfois des membres de la famille à part entière de leur compagnon d’étude. Ils sont invités aux fêtes familiales, aux Bar-Mitsvot, etc., auxquelles ils prennent souvent une part importante. Il est impressionnant de voir qu’avec un peu de dialogue et beaucoup de Ahavat Israël, on arrive à gommer des clivages qui s’étaient créés sans raison."

C’est drôle, mais en vous entendant, on se dit qu’un discours ouvert comme le vôtre conviendrait parfaitement au public français, qui a du mal à accepter le morcellement de la société israélienne…

"Tout à fait", acquiesce le Rav Adler. "D’ailleurs, ce n’est pas sans raison que le projet ‘Havrouta a tant de succès auprès du public de langue française, puisqu’il représente 10% de nos ‘Havroutot", ajoute le Rav.

Sur cette intéressante information, nous quittons le Rav Adler, que nous remercions au passage chaleureusement pour le temps qu’il nous a accordé, et nous contactons Mme Myriam Arrouas, qui gère le pôle féminin francophone de ‘Havrouta

Mme Arrouas, Chalom. Que pouvez-vous nous dire du département francophone de ‘Havrouta ?

"Chalom Ouvrakha. Le département francophone de ‘Havrouta possède quelques 800 bénévoles, qui se trouvent principalement en Israël, et dont les compagnons d’étude se trouvent souvent en France. Les entretiens téléphoniques, sur le même modèle que ce que vient de décrire le Rav Adler, se tiennent à raison d’une fois par semaine, parfois plus en fonction des besoins, et touchent tous les domaines d’intérêts : Halakha, pensée juive, pureté familiale, Chabbath, Chalom Bayit, etc. Le but est de permettre à quiconque le souhaite d’approfondir ses connaissances en Torah et son lien avec Hachem, le tout en douceur et avec amour. Pour nos bénévoles, l’objectif est clair : offrir aux autres de manière totalement désintéressée, l’opportunité de renouer avec leur héritage." 

Avec l’émergence d’Internet et des réseaux sociaux, le contact téléphonique a-t-il encore des adeptes ?

"Peut-être encore davantage", nous surprend Mme Arrouas. "Certes, les cours sur Internet présentent un côté pratique et accessible indéniable, cependant, les êtres humains eux, ont toujours besoin de contact, d’attention et d’écoute. Ils veulent poser des questions, s’exprimer et se sentir soutenus dans les moments difficiles. Le côté impersonnel d’Internet fait que les gens sont en général très demandeurs d’une telle formule", explique-t-elle.

Est-ce cela qui explique le fait assez étonnant que vous ne soyez pas très actifs au niveau publicitaire ? Je suis persuadée que beaucoup de nos lecteurs entendent ici pour la première fois parler de ‘Havrouta

"C’est possible en effet", avoue Mme Arrouas. "Nous travaillons sans cesse pour acquérir davantage de visibilité, cependant je dois dire que la bonne vieille méthode du bouche à oreille fonctionne à merveille. Une personne est satisfaite de son lien avec ‘Havrouta, elle en parle donc à un ami, qui à son tour en parle à sa famille et ainsi de suite."

Avez-vous une histoire intéressante qui s’est déroulée dans le cadre de ‘Havrouta à nous faire partager ? 

"Il y en beaucoup !", répond Mme Arrouas. "Plus que des compagnons d’étude, les ‘Havroutot deviennent des amis parfois inséparables. Il y a peu, une jeune fille m’a écrit un mail pour me remercier en me disant que sa ‘Havrouta était devenue la sœur qu’elle n’avait jamais eue…", explique-t-elle avec émotion. "Je me souviens aussi de cette jeune fille parisienne, en couple avec un non-juif depuis plusieurs années. Guidée de près par l’une de nos dévouées Madrikhot, qui l’a accompagnée et épaulée avec une abnégation incroyable, elle a franchi le pas qu’elle envisageait de faire depuis longtemps : elle a rompu, déménagé (l’époux de sa ‘Havrouta s’est même déplacé jusqu’en France pour lui offrir des Mézouzot !), s’est renforcée et a fini par se marier il y a quelques mois avec un jeune homme engagé dans la Torah et les Mitsvot, en présence évidemment de son inséparable ‘Havrouta à qui elle doit tant !", raconte Mme Arrouas. 

Quels sont vos projets pour le futur ?

"Nous aimerions organiser une grande soirée au cours de laquelle les ‘Havroutot pourront se rencontrer. C’est ce que les gens souhaitent et nous demandent constamment. Pour le pôle francophone, c’est évidemment plus difficile vu que les participants se trouvent de part et d’autre en France et en Israël, cependant, avec beaucoup de volonté et l’aide de Hachem, nous y parviendrons", conclut Mme Arrouas.

Propos recueillis par Elyssia Boukobza

Vous souhaitez entrer en contact avec ‘Havrouta pour faire bénéficier les autres de vos connaissances ou pour acquérir vous-mêmes un savoir qui vous manque ?

Contactez le : 07 32 32 22 22 ou le 053 70 822 46 depuis Israël et le 01 83 80 74 53 depuis la France, ou par mail : [email protected].