Yéhochou’a est l’un des personnages principaux de la Parachat Chéla’h Lékha. Étudions un peu ses traits de caractère et comparons-les avec ceux de deux illustres personnages avec lesquels il fut profondément lié : son maître Moché Rabbénou et son ancêtre, Yossef Hatsadik.

Yéhochou’a a émulé son ancêtre dans plusieurs domaines. Tous deux furent capables d’être impliqués dans la matérialité et de l’élever.

L’une des principales facettes de la grandeur de Yossef fut sa force à surmonter les défis et préserver son niveau spirituel sublime, malgré la difficulté présentée par le monde physique. Il a d’ailleurs affirmé qu’il avait été emmené en Égypte pour subvenir aux besoins du monde entier lors de la famine dévastatrice généralisée. Qui plus est, il a fait circoncire le peuple égyptien ; or, la circoncision symbolise l’élévation du corps à une cause spirituelle profonde. Il voulut ainsi élever le niveau spirituel de la nation égyptienne.

En revanche, Moché Rabbénou était si spirituel qu’il ressemblait à un ange – il atteignit le plus haut niveau de prophétie (qui lui interdit d’ailleurs de s’engager dans des activités physiques ordinaires), il passa quarante jours sur le mont Sinaï sans manger ni boire. Quand il en descendit, son visage était tellement rayonnant que personne ne parvenait à le regarder.

Yéhochou’a, son fidèle disciple, ressemblait plus à son ancêtre Yossef qu’à son maître Moché. Nous l’apprenons de la Torah, mais aussi du livre des Prophètes. Dans la Parachat Béchala’h, 'Amalek attaqua le peuple juif. Moché enjoignit alors à son élève de mener la bataille physique tandis qu’il resta lui-même en haut de la montagne pour prier en faveur du succès de son peuple. Moché s’impliqua donc dans le domaine spirituel tandis que le rôle de Yéhochou’a touchait plutôt au domaine physique.

Dans le Navi aussi, on trouve cette différence. Le peuple subit sa première défaite lors de la bataille d’Ay. Quand Yéhochou’a entendit ce qui s’était passé, il tomba à terre et implora Hachem, Qui lui dit : « Relève-toi. Pourquoi rester ainsi couché sur ta face ? »[1] Il ordonna ensuite à Yéhochou’a d’agir pour découvrir la cause du désastre. Quand Yéhochou’a prit un rôle plus actif, la colère de D.ieu s’atténua.

Le Chem Michmouel accentue le contraste entre Moché et Yéhochou’a, et affirme que la Hanhaga (attitude) d’Hachem avec la nation s’est transformée lors du changement de leadership. Il demande pourquoi, dans la Parachat Chéla’h Lekha, le peuple juif eut si peur d’entrer en Erets Israël. En effet, ils avaient vu de grands miracles se produire en leur faveur et avaient vu comment Hachem avait détruit la plus grande puissance du monde – l’Égypte – devant eux. Pourquoi voulurent-ils donc envoyer des explorateurs ? L’événement qui déclencha leurs craintes fut la prophétie d’Eldad et Medad dans le désert. Ces derniers prophétisèrent que Moché allait mourir et que Yéhochou’a allait diriger le peuple. Les Juifs savaient que les miracles qu’ils avaient vécus avaient été produits par le mérite de Moché. Ils réalisèrent également que malgré sa grandeur, Yéhochou’a ne pouvait pas permettre à la nation d’atteindre ce haut niveau de Providence Divine. Ils allaient, dès lors, être limités à des miracles cachés.[2] C’est pourquoi ils avaient si peur d’entrer dans le Pays - ils sentaient que seuls des miracles dévoilés leur permettraient de conquérir les puissantes nations qui y vivaient.[3]

Ainsi, nous voyons que Yéhochou’a était plus ancré dans le monde physique que Moché Rabbénou. Il savait atteindre de très hauts niveaux spirituels (pour lui-même et pour le reste du peuple) grâce à ses efforts physiques. À l’instar de Yossef, il organisa également une circoncision de masse[4], élevant ainsi la nature physique du peuple. Il dirigea la nation juive lors du passage d’une vie jonchée par les miracles à une vie régie par les lois de la nature, tout en maintenant un niveau élevé de sainteté. Lors de la guerre qu’il mena contre les Emorites, Yéhochou’a, qui avait besoin de la lumière du jour, ordonna au soleil de s’immobiliser pour qu’il puisse bénéficier d’un temps supplémentaire. Et le soleil lui a obéi[5]. Le Midrach explique comment Yéhochou’a put générer ce miracle incroyable. « Rabbi Its’hak affirme que Yéhochou’a dit au soleil : "Mauvais serviteur ! N’es-tu pas un serviteur de mon père [Yossef] ? Ne t’a-t-il pas vu en rêve t’incliner devant lui ?" Immédiatement, le soleil et la lune se sont arrêtés. »[6] Ce Midrach nous enseigne que lorsque Yossef vit le soleil et la lune s’incliner devant lui, ils ne représentaient pas seulement son père et sa mère qui se soumettaient à lui. Cela montrait que les entités physiques les plus puissantes (le soleil, la lune, les étoiles) seraient dominées par Yossef. Cette force fut transmise à Yéhochou’a, qui fut également capable de les faire aller contre nature.

Notons que malgré son lien génétique avec Yossef, Yéhochou’a a dû acquérir ce niveau sublime de contrôle du monde physique. Comment ? Dans la Parachat Pin’has, Hachem ordonna à Moché de nommer Yéhochou’a comme successeur, et ce, parce qu’« il arrivait tôt et repartait tard du Beth Hamidrach, il arrangeait les bancs et recouvrait les tables. » Cela montre le dévouement incroyable de Yéhochou’a pour la Torah ; il étudiait avec une grande diligence et il s’est même « abaissé » pour faciliter l’étude des autres. Grâce à ce dévouement, il a pu prendre cet héritage de Yossef et guider le peuple juif dans le domaine spirituel et dans le domaine physique.

 

[1] Yéhochou'a 7,10.

[2] Certes, il y eut des miracles dévoilés dans le Séfer Yéhochoua, mais ils furent accomplis par le mérite de Moché et non par celui de Yéhochou'a.

[3] Chem Michmouel, Bamidbar, p. 201.

[4] Yéhochou'a, Chap.5.

[5] Yéhochou'a 10,12.

[6]  Béréchit Raba 6,9.