Durant sa vie, Avraham dut faire face à de nombreuses épreuves, qui furent parfois brillamment réussies et qui, d’autres fois, se terminèrent d’une manière qu’il n’avait pas envisagée. Sa façon de réagir nous enseigne comment nous conduire quand nous sommes couronnés de succès et lorsque nous subissons un revers.

L’épreuve la plus marquante fut certainement celle de la Akéda, lors de laquelle il reçut l’ordre de sacrifier son fils unique sans en comprendre la raison. Avant de tuer Its’hak, un ange l’appelle : « Avraham, Avraham ! »[1] et l’informe du fait que l’épreuve a été surmontée avec succès et qu’il méritera par conséquent d’avoir une descendance comparée aux étoiles du ciel[2]. Le Yalkout Chimoni explique la répétition du prénom Avraham. Chacun a deux facettes – l’une terrestre et l’autre céleste. L’image terrestre correspond à ce que l’on fait dans ce monde et l’image céleste fait référence à ce que l’on peut devenir si l’on exploite pleinement son potentiel. Après cette dixième épreuve, Avraham réalisa son plein potentiel, les deux facettes étaient identiques. Le « Avraham » du Olam Hazé était le même que le « Avraham » idéal du Olam Haba. Il a alors atteint la perfection spirituelle.

Comment aurions-nous réagi dans une telle situation ? Une pointe de fierté aurait été normale, naturelle. Ou au moins un sentiment d’allégresse, de joie… Or, la réaction d’Avraham fut très différente. Juste après la Akéda, le verset dit : « Avraham retourna vers ses jeunes hommes, ils se levèrent et allèrent ensemble vers Béer-Chéva… »[3] Le mot « ensemble » prouve qu’Avraham se sentait au même niveau, avec les mêmes sentiments que les jeunes hommes – Eliezer et Ichmaël. Ceux-ci n’avaient pas vu la Akéda, ils n’avaient rien ressenti de cet événement magique, grandiose. Avraham voyagea avec eux, comme s’il n’avait pas non plus expérimenté un moment spécial, comme s’il n’avait pas surmonté l’épreuve la plus difficile de sa vie. Sans fierté ni exaltation, il retourna à Béer Chéva pour poursuivre sa sainte mission – celle d’apprendre à tout le monde à voir et à ressentir la Présence Divine.[4]

L’être humain a tendance à vouloir se reposer sur ses lauriers après avoir réussi une tâche difficile. Il aurait été logique qu’Avraham veuille profiter d’un moment de répit à la suite d’une telle épreuve. Donc, quand il apprit la mort de sa femme, dès son retour, et qu’il dut affronter les nombreuses difficultés qui se présentèrent à lui pour enterrer Sarah, il aurait pu se sentir frustré et se plaindre. Mais il surmonta une épreuve supplémentaire, celle d’accepter d’autres souffrances, même après voir atteint son potentiel. Cela nous donne une autre dimension de la grandeur d’Avraham ; non seulement il resta humble, mais il fut prêt à faire face à de nouveaux challenges.

Et comment réagit-il aux échecs ? Quand Hachem informa Avraham de Son projet de détruire Sodome à cause du mauvais comportement de ses habitants, ce dernier implora longuement en leur faveur, arguant que s’il y avait cinquante justes, toute la ville devait être sauvée, suppliant ensuite pour quarante éventuels hommes dignes, jusqu’à ce qu’il lui soit annoncé que l’endroit ne comptait même pas dix personnes vertueuses.[5] À la fin du débat, lorsque le décret fut émis, la Torah précise : « Hachem s’en alla quand Il termina de parler à Avraham et Avraham revint à sa place. »[6] Que signifie ce verset, quelle leçon peut-on tirer de la deuxième partie de la phrase ?

Lors d’une réunion dans laquelle une décision contraire à l’avis du Steipler et de Rav Chakh fut prise, ce dernier en fut très déçu. Il avait tant œuvré et bataillé pour cette cause, que ce revers le démoralisa complètement. Le Steipler envoya un messager chez Rav Chakh pour lui parler du verset précité : « Avraham revint à sa place » ; lorsque l’on fait son possible pour sauver une situation et que l’objectif n’est pas atteint, on a le devoir de reprendre ses activités, ses engagements comme si rien de fâcheux ne s’était passé. Un manque de succès ne justifie en aucun cas l’abandon de son œuvre sacrée, il doit émuler Avraham qui « revint à sa place » et continuer de diriger le peuple juif comme avant. Rav Chakh comprit le message et reprit les rênes du Klal Israël.

La remarque du Steipler nous aide à tirer leçon de l’attitude d’Avraham à la suite d’un échec – il réalisa qu’il avait fait de son mieux pour atteindre son objectif, mais quand il échoua, il ne laissa pas la déception le gagner et l’empêcher de poursuivre sa mission.

Ainsi Avraham excella dans sa façon de réagir aux réussites autant qu’aux défaites. La qualité qui lui permit de surmonter toutes ces épreuves est sans doute sa grande modestie. Celle-ci lui évita de se sentir hautain ou complaisant devant la gloire et démoralisé quand ses entreprises n’étaient pas menées à bien.


[1] Béréchit, 22:11.

[2] Béréchit, 22:17.

[3] Béréchit, 22:19.

[4] Voir Tallelé Oroth, Béréchit, 1er vol, 22:19, p. 223 au nom du Rav de Brisk ; et Taam Vadaat du Rav Moché Sternbuch, Béréchit, 22 :19.

[5] Béréchit, 18:23-32. 

[6] Béréchit, 18:33.