La Torah dans notre parachat Ki-Tetsé évoque le cas tragique du Ben Sorer Oumoré – le fils rebelle – qui s’est retrouvé dans un état spirituel tellement désespéré, qu’il est passible de mort, sur la base de fautes qu’il commettra inévitablement.[1]

Le Talmud Yérouchalmi[2] précise la nature de ces fautes : « Hakadoch Baroukh Hou anticipe qu’à l’avenir, celui-ci [le file rebelle] utilisera tous les biens de son père et de sa mère, il s’assiéra aux croisées des chemins et attaquera les gens, tuera, et en arrivera à oublier son étude. La Torah estime qu’il vaut mieux qu’il meure avec des mérites plutôt que coupable [de ces fautes]. » La Guémara semble aller des fautes les plus minimes aux plus graves, jusqu’au point où cet enfant n’a plus aucun espoir. Dans ce cas, pourquoi termine-t-elle par l’oubli de l’étude ? Évidemment, c’est une chose grave, mais comment peut-on la comparer aux autres transgressions de la liste ? De plus, ceci implique que l’oubli de l’étude est « la goutte d’eau » qui scelle le destin de ce fils rebelle.

Rav Yossef Chalom Eliachiv[3] répond par un principe fondamental. L’individu peut faire les pires choses, mais tant qu’il est lié à l’étude de la Torah, il a toujours l’espoir de reconnaître ses erreurs et de faire Techouva. Mais, dès lors que ce lien est coupé, tout espoir de retour est perdu. Ainsi, même quand le Ben Sorer Oumoré agit de manière inacceptable, tant qu’il étudie la Torah ou, au moins, qu’il se souvient de son étude, il n’est pas puni, parce que son cas n’est pas sans recours.

Rav Eliachiv part de ce même principe pour expliquer un autre Maamar ’Hazal, difficile à comprendre. La Guémara[4] affirme qu’une personne qui souffre doit examiner ses actions et chercher où sont ses fautes ; si elle ne trouve rien, elle doit assumer que c’est à cause du Bitoul Torah (le fait de ne pas étudier quand on en a l’obligation). Les commentateurs demandent pourquoi le Bitoul Torah ne ferait pas partie des fautes qu’il doit examiner. Pourquoi le mettre à part ? Rav Eliachiv explique que la Guémara ne précise pas qu’il souffre à cause de la faute du Bitoul Torah. Mais s’il s’est introspecté et n’a trouvé aucune faute, c’est à cause de l’insuffisance de son étude. L’étude de la Torah, faite correctement, permet à l’individu de savoir quel est son niveau réel et où il s’est trompé. Le fait de ne trouver aucune faute est le résultat du Bitoul Torah.

Il nous reste à comprendre comment l’étude de la Torah mène l’homme à la Téchouva. Métaphysiquement parlant, l’étude de la Torah influe positivement sur l’essence de la personne au point qu’elle l’incite à la Téchouva. C’est ainsi que l’on peut comprendre, selon le sens simple, le Yérouchalmi affirmant qu’Hachem dit que si Ses enfants fautent, Il ne perd pas espoir tant qu’ils étudient la Torah, « Car la lumière qui s’y trouve [dans la Torah] les fera revenir vers le bien »[5]. Toutefois, Rav Yérou’ham Levovitz estime que cette Guémara s’applique aux personnes très élevées, mais pour la plupart des gens, la Torah ne s’infiltre pas en eux automatiquement, sans effort de leur part.[6]

Ainsi, l’étude de la Torah ne facilite pas forcément la Téchouva. Pour qu’elle aide la personne dans son service divin, il faut mettre en application ce qui a été étudié. Rav Moché Feinstein explique que c’est la raison pour laquelle le premier traité que les jeunes garçons étudient est Baba Kama, qui évoque les lois des dommages. Il explique que c’est pour inculquer aux enfants dès leur plus jeune âge la sensibilité à l’égard des biens d’autrui. Celui qui apprend les lois des dommages et met son étude en application en viendra à constater qu’il les a déjà transgressées. Mais celui qui étudie un sujet purement académique ne bénéficiera pas de la force de la Torah pour s’élever.

Évidemment, si un homme étudie la Torah, il reste lié à elle et peut garder l’espoir de faire Téchouva, donc on peut rester optimiste pour le fils rebelle tant qu’il se souvient de son étude. Mais pour s’assurer que l’étude de la Torah nous aide dans notre Avodat Hachem, au quotidien, il est fondamental d’avoir une approche plus active et de mettre en application ce que nous avons appris.

[1] Selon un avis de la Guémara (Sanhédrin 71a), les lois du Ben Sorer Oumoré ne furent jamais appliquées, parce qu’il faut remplir plusieurs conditions bien particulières pour faire partie de cette catégorie. Le but de la Mitsva est d’étudier la Torah par son biais.

[2] Yérouchalmi, Sanhédrin, chap. 8, Halakha 7.

[3] Divré Hagada, Parachat Ki Tetsé.

[4] Berakhot 5a.

[5] Yérouchalmi, ‘Haguiga 1,7.

[6] Entendu de Rav Its’hak Berkovits.