« Ce fut au huitième jour, Moché appela Aharon et ses fils et les anciens d’Israël. » (Vayikra 9,1)

La Baal Hatourim souligne que les mots « Hachémini Kara Moché – (le huitième [jour], Moché appela) » ont la même valeur numérique que « Haya Beyom Roch ’Hodech Nissan (c’était le jour de Roch ’Hodech Nissan) ». Moché dit : « Du fait que j’ai refusé [de diriger le peuple juif] durant sept jours, devant le buisson ardent, j’ai mérité de servir uniquement sept jours ».

La Paracha de cette semaine commence par l’inauguration du Michkan, le huitième jour, et elle nous raconte que Moché Rabbénou appela Aharon pour l’instruire du service du Cohen Gadol. ’Hazal affirment que c’était le jour de Roch ’Hodech Nissan et que durant les sept jours qui précédèrent, Moché fut lui-même à ce poste. La Guémara[1] précise que Moché aurait dû être le Cohen Gadol, mais son refus de diriger le peuple juif, quand Hachem lui apparut dans le buisson ardent, lui fit perdre ce titre, qui fut attribué à son frère Aharon. Toutefois, Moché resta Cohen Gadol durant les sept premiers jours – ceux précédant Roch ’Hodech Nissan. Le Baal Hatourim rapporte deux valeurs numériques qui y font allusion et explique, sur la base du Midrach[2], que les sept jours durant lesquels Moché refusa d’obéir aux instructions d’Hachem correspondent aux sept jours où il fut Cohen Gadol.

On comprend mal ce lien entre les deux occurrences. D’un côté, Moché perdit son droit à la prêtrise à cause de son refus, mais d’autre part, le fait qu’il fut nommé pour cette fonction durant sept jours semble être une récompense et non une sanction. Dans ce cas, pourquoi le Baal Hatourim affirme-t-il que cette semaine fut une punition ?

Rav Its’hak Bernstein répond[3], grâce au commentaire du Midrach Chmouël sur les Pirké Avot. La Michna enseigne que la jalousie, l’appât du gain et la recherche des honneurs font sortir l’homme du monde[4]. Ces défauts sont tellement mauvais qu’ils peuvent mener l’individu à commettre des fautes lui faisant perdre son Olam Haba. Dans ce cas, pourquoi la Michna n’emploie-t-elle pas un langage plus courant – par exemple « Celui qui est jaloux, cupide ou avide d’honneurs n’a pas de part au Olam Haba » ? Les mots utilisés laissent sous-entendre que cette personne a droit à une entrée au Olam Haba puis en est exclue.

Le Midrach Chmouël explique que la sanction de celui qui est touché par ces défauts implique effectivement la perte de sa part au Olam Haba. Mais il y est d’abord admis, et peut ainsi avoir un aperçu de ce qu’il va rater par la suite, puis il en est renvoyé !

Ceci aggrave la souffrance de l’individu. Celui qui perd sa part au Olam Haba sans n’avoir jamais pu y gouter ne souffre pas autant que celui qui jouit de ce plaisir incroyable pour une courte durée et qui en est soudainement privé.

Rav Bernstein affirme que cela résout l’apparente contradiction concernant Moché. Selon la Baal Hatourim, le fait d’avoir été Cohen Gadol pendant une semaine est une punition. En effet, son privilège d’être Cohen Gadol dura le temps qu’il passa à argumenter avec Hachem et quand ce droit lui fut retiré, il en ressentit la perte de manière plus marquée que s’il n’avait jamais été promu à ce statut.

Cet enseignement nous affecte tous. Le manque que nous ressentons pour certaines choses est souvent plus fort quand nous y avons goûté que si nous ne les avions jamais eues. De plus, ces mêmes cadeaux dont nous avons la chance de bénéficier sont souvent considérés comme normaux. Prenons donc leçon de cet incident et quand nous sommes dignes de ces bienfaits – que ce soit dans le domaine de la famille, de la santé, de l’argent ou autre – essayons de ne pas les considérer comme allant de soi, mais plutôt de les apprécier à leur juste valeur.

 

[1] Zéva’him 102a.

[2] Vayikra Raba 11,6

[3] Entendu au nom du Rav Issakhar Frand.

[4] Pirké Avot 4,27.