« … Il l’approchera, selon sa volonté, devant Hachem. » (Vayikra 1,3)

Rachi commente les mots « Il l’approchera » : Ceci nous enseigne qu’on le forçait ; on pourrait penser qu’il agissait contre son gré, mais le verset précise « selon sa volonté ». Comment est-ce possible ? Ils le forçaient jusqu’à ce qu’il dise « Je veux ».

Dès le début de la Mitsva des sacrifices, une contradiction apparaît. La Guémara[1], rapportée par Rachi, déduit de ce verset que pour valider un Korban, il fallait que la personne l’offre volontiers. Or la Guémara déduit du même verset que si quelqu’un ne veut pas apporter un Korban qu’il est tenu d’offrir, le Beth Din devait l’y forcer. Comment parler alors de don volontaire, si l’individu y était contraint ? La Guémara explique que le Beth Din le forçait jusqu’à ce qu’il affirme vouloir l’apporter, mais ceci ne résout pas le problème soulevé, étant donné que la personne semble obligée de dire une telle chose.

Les mots du Rambam, dans son développement sur les lois du divorce, nous aident à répondre à cette question. Si un homme s’est marié à une femme qui lui était interdite, le mariage est validé, bien que prohibé[2]. Dans ce cas, le Beth Din oblige le mari à divorcer, ce qui nous mène à la même question, à savoir comment forcer un divorce alors que celui-ci doit se faire avec le consentement du mari. On répond que le Beth Din contraint le mari à divorcer, jusqu’à ce que ce dernier déclare qu’il accepte de le faire. Comment cet acte peut-il alors être considéré comme effectué de plein gré ?

Le Rambam[3] explique : « On ne parle de coercition que si l’individu est contraint de faire ce qui n’est pas imposé par la Torah, comme le fait de vendre ou de donner un objet. En revanche, si c’est le Yétser Hara qui empêche d’accomplir une Mitsva ou qui incite à commettre une faute, on peut être forcé à agir ou à s’éloigner de l’interdit. »

Ce principe du Rambam est très important. Chaque Juif désire, au fond de lui, faire ce qui est bien. Ainsi, quand il est contraint d’accomplir une Mitsva ou de s’abstenir de commettre une faute, on considère que son « moi » véritable souhaite faire le bien et c’est uniquement son Yétser Hara qui le trouble en lui faisant penser qu’il veut mal agir. Par conséquent, quand il est obligé de faire cette bonne action, c’est de plein gré qu’il le fait, si ce n’est qu’il faille le forcer à exprimer son désir intérieur.

Dans cet ordre d’idées, Rav Chlomo Wolbe explique, concernant l’injonction de la Torah de ne pas suivre les désirs de notre cœur et de nos yeux, que le « moi » de l’individu ne correspond pas à ses désirs – le Yétser Hara le trompe et lui fait croire que ces désirs constituent son essence, mais en réalité, c’est l’âme qui est l’essence de la personne ; or celle-ci désire accomplir la volonté divine.

On peut ainsi expliquer le sentiment d’échec et de culpabilité que l’homme ressent quand il faute. Il peut facilement tomber dans le piège et prendre ces échecs comme la preuve qu’il est mauvais. En réalité, notre véritable nature est bonne et au fond de nous-mêmes, nous connaissons la vérité. Rav No’ah Weinberg évoquait souvent cette idée, précisant que chacun a étudié toute la Torah, à l’état fœtal, et lors de la naissance, un ange vient donner un coup sur la lèvre supérieure et l’on oublie cette étude. Mais la Torah ne nous quitte pas, elle s’enfouit en nous et c’est grâce à cette connaissance profondément ancrée en chaque Juif que nombre de nos frères retrouvent le chemin de la Torah, la voie de ce qui fait réellement partie de nous-mêmes.

On risque facilement d’oublier ces idées, quand on observe ses échecs et ses défauts, mais il convient de réaliser que ces derniers sont comme la poussière qui recouvre l’essence de la personne. On demanda une fois au grand sculpteur, Michel-Ange, de sculpter le visage du Roi David. Il répondit que celui-ci se trouvait déjà dans la pierre, il lui suffisait de retirer la matière qui l’entourait. De même, l’âme de chacun est bonne et pure par nature, mais de la poussière s’est accumulée autour. En la retirant, nous pourrons découvrir notre véritable grandeur et faire ce que nous désirons vraiment, à savoir, nous lier à Hachem.

 

[1] Roch Hachana 6a.

[2] C’est le cas, par exemple du Cohen qui se marie avec une divorcée. Dans d’autres cas, le mariage reste invalidé, même si les « conjoints » tentent de le célébrer (par exemple, des frères et sœurs ou un homme qui s’unirait à une femme déjà mariée).

[3] Hikhot Guirouchin 2,20.