« Tous ceux qui œuvrent pour la communauté doivent le faire Léchem Chamayim, en l'honneur du Ciel, car le mérite de leurs ancêtres les aide, et leur droiture perdurera à tout jamais. Et quant à vous (dit D.ieu), Je vous accorderai une grande récompense, comme si vous l'aviez vous-mêmes accompli. »

La Michna nous enseigne que si les Osské Bétsarké Tsibour, ceux qui œuvrent pour la communauté, le font Léchem Chamayim, ils seront aidés par le mérite de la communauté. Ce passage s'achève par une promesse directe d'Hachem qui leur accordera une grande récompense s'ils le font. Il existe plusieurs explications sur le sens de cette clause. Le Barténoura, dans son premier avis, propose l'explication la plus élémentaire : il écrit que la Michna rassure ceux qui se consacrent à la collectivité : s'ils s'y investissent avec désintéressement, bien qu'ils ne puissent réellement réussir en vertu de leurs propres mérites, mais qu'ils ont plutôt besoin des mérites des ancêtres de la communauté, néanmoins, ils seront récompensés comme s'ils avaient obtenu ce succès par leur propre mérite. Ceci nous enseigne le pouvoir d'agir Léchem Chamayim : Hachem récompense l'homme comme s'il avait réussi tout seul dans ses efforts pour la communauté, car il a agi pour la gloire de Hachem.

Le Barténoura cite une autre explication du Rambam. Le Rambam écrit qu'à certains moments, l'homme doit s'abstenir d'accomplir certaines Mitsvot, étant occupé avec les besoins de la communauté. En effet, il existe un concept halakhique : Ha'ossek Bémitsva Patour Bémitsva : lorsqu'un homme est impliqué dans une Mitsva, il est dispensé d'en accomplir d'autres, et en effet, dans de nombreux cas, il ne doit pas réaliser l'autre Mitsva.[1] Le Rambam nous rassure que même si c'est le cas, celui qui se consacre aux besoins de la communauté reçoit la récompense, comme s'il avait réalisé concrètement l'autre Mitsva, du fait qu'il était impliqué avec la communauté Léchem Chamayim. Ce Rambam nous enseigne que parfois, selon la Halakha, un homme doit sacrifier ses propres Mitsvot personnelles en faveur de la collectivité, mais il ne sera pas perdant, sachant qu'il effectue la volonté de Hachem.

Cette situation peut advenir dans un certain nombre de scénarios. Une question fréquente est de savoir si un homme doit prendre de son temps réservé à son étude de la Torah pour enseigner à d'autres à un niveau plus faible que lui, bien que cette étude ne lui soit pas d'un aussi grand bénéfice que s'il étudiait lui-même, à son propre niveau. Rav Moché Feinstein traite cette question en citant une Guémara.[2] La Guémara fait le récit de Rabbi Préda qui enseigna un jour à un élève 400 fois le même passage d'étude, et fut immensément récompensé pour son altruisme. [3] Il apprend de là que même quelqu'un qui consacre tout son temps à étudier doit donner une partie de son temps pour enseigner aux autres, même s'ils sont à un niveau bien inférieur à lui.

Le 'Hazon Ich épouse également cette idée : à une occasion, on prescrit aux élèves les plus avancés de la Yéchiva de passer une partie de leur temps à étudier avec des élèves bien plus faibles. Or, ils ne voulurent pas abandonner leur haut niveau d'étude et abordèrent le 'Hazon Ich pour qu'il soutienne leur position. Il leur répondit en leur demandant s'ils s'abstiendraient de porter les Téfilines, sachant que pendant ce temps, ils pourraient étudier ? Ils répondirent bien entendu par la négative, compte tenu de leur obligation de mettre les Téfilines. Le 'Hazon Ich expliqua que de la même manière, ils sont tenus de passer du temps à aider les élèves plus faibles qu'eux.

Cette leçon s'applique à toute personne en fonction de son niveau. Pour certains, il s'agit d'enseigner, mais pour d'autres, il peut s'agir de s'impliquer dans les besoins de la communauté : par exemple, s'investir dans la synagogue locale, ou dans l'un des organismes d'entraide, comme les Guéma'him[4], la 'Hévra Kadicha[5], la Koupa de Tsédaka[6] etc. Et, comme l'enseigne la Michna, la personne ne sera pas perdante en donnant de son temps à la communauté[7] et sera grandement récompensée. Mais, comme le souligne la Michna, c'est uniquement lorsque cette personne s'évertue à agir Léchem Chamayim et ne pense pas à la récompense.

 

[1] De nombreux facteurs halakhiques concernent chaque cas spécifique, de sorte que ce concept ne doit pas être appliqué sans consulter un Rav au départ.

[2] Erouvin 54b.

[3] Igrot Moché, Even Haézer, 4ème partie, 24. Rav Feinstein suggère que chaque personne doit donner le Ma'asser (10%) de son temps pour aider les autres sur le plan spirituel, de la même façon que l'on doit donner le Ma'asser de son argent.

[4] Guémilout 'Hassadim (prodiguer du bien) : on trouve des Guéma'him de nourriture, de meubles, de matériel médical, et d'innombrables autres objets. La plupart des Guéma'him sont gérés sans aucun profit, purement pour aider les autres.

[5] Elle gère les questions liées aux funérailles.  

[6] Organisme de Tsédaka (charité).

[7] Si cette personne a une question sur le fait de passer une partie de son temps limité pour l'étude de la Torah ou pour aider la communauté, elle devra interroger un Rav, car de nombreux facteurs peuvent jouer un rôle dans chaque situation individuelle. Généralement, lorsqu'un individu est honnête avec lui-même, il découvrira qu'il a suffisamment de temps pour les deux.