L’incroyable histoire d’amitié qui va lier un esclave hébreu, Eliakoum à un prince égyptien : Ankhéfhéni, sensible à la souffrance humaine.

Sur fond de sortie d’Egypte, découvrez au fil des épisodes comment un héritier du trône égyptien s’apprête à troquer le pouvoir absolu contre une vérité qui le transcende, au fil de ses débats théologiques avec l’un des représentants de la caste la plus méprisée et la plus vile de la société égyptienne.

Résumé de l’épisode précédent :

Alors qu’Eliakoum, jeune esclave hébreu avait pris le risque de s’éloigner de ses corvées pour conseiller un egyptien maladroit dans le maniement de l’arc, il échappe de peu à un châtiment certain. Sans qu’il le sache, l’Egyptien qu’il conseillait n’était autre que le prince Ankhéféni, fils de Pharaon. Celui-ci décide de louer les services de l’esclave, en échange de sa protection. Une proposition difficile à refuser.

L’Egypte était la doyenne des nations. Le pouls des civilisations battait à son rythme, c’est elle qui donnait le ton à tous les pays voisins. Son agriculture et son élevage massif de bétail nourrissaient la Libye et l’Éthiopie, les marchands venaient des quatre coins de l’Asie pour s’enrichir de ses denrées. La culture du lin attirait la noblesse des dynasties royales d’outre-mer, et ses arts attiraient les penseurs venus du monde entier. Le Pharaon était entouré de brillants conseillers en matière d’économie qui veillaient à ce que l’Egypte maintienne sa suprématie sur la région. L’Egypte était également à la pointe des stratégies militaires et de la technologie. Aucune nation ne s’aventurerait à défier le grande Egypte.

Le climat était aride et sec, et les pluies tombaient peu sur l’Egypte. Le Nil était la principale source d’approvisionnement en eau des égyptiens. Tous les étés à partir de la mi-juillet, le Nil montait, inondant les plaines basses bordant ses deux rives. Gonflé par les pluies de la mousson en Ethiopie, le fleuve déposait sur le sol une couche de terre noire d’où abondaient les éléments nutritifs nécessaire aux cultures : le limon. Le fleuve montait alors d’environ huit mètres. Les égyptiens considéraient leur Nil comme une divinité aux pouvoirs sacrés, et, hormis la famille pharaonique, il était défendu de s’y baigner.

Les demeures égyptiennes étaient faites pour la plupart de briques d'argile séchées au soleil. Les maisons étaient surplombées de toits plats. Elles étaient hautes d’un ou deux étages pour l’essentiel de la population, tandis que les nobles habitaient dans de spacieuses maisons qui donnaient sur des cours intérieures ornées de belles plantes et d’étangs où nageaient des poissons. Les plus aisés bénéficiaient d’une vue imprenable sur le Nil sacré. Au nord du fleuve, une colline surplombait la ville : c’est là que se trouvait le palais du Pharaon.

Le palais de Pharaon était un mystère pour les gens du peuple, rares sont ceux qui avaient le droit d’y pénétrer. Ceux qui y travaillaient vivaient là-bas et n’en sortaient pratiquement jamais. Le palais était une immense cité gardé par des soldats armés. Le premier sas, un énorme vestibule qui s’étendait sur une centaine de mètres était gardé par des hommes en armes ; ils étaient complétement différents de ceux de l’extérieur du palais. Habillés de jupe de lin jusqu’aux genoux, coiffés de perruques et chaussés de sandales en papyrus, les gardes du palais de Pharaon étaient jeunes et vigoureux, l’air impassible. Armés de sabre à leurs ceinturons, ils étaient entraînés depuis leur plus tendre enfance : assurer la sécurité du souverain même au péril de leurs vies, telle était leur mission.

Une longue allée d’herbe fleurie s’étendait du sas d’entrée jusqu’au palais. Des somptueuses fontaines d’eaux alimentées par le Nil jaillissaient sous le regard glacial des gardes disposés tous quelques vingt-cinq quelques mètres du chemin de fleur. Le palais était un imposant bâtiment de pierre blanche. Il était surplombé d’une tête à l’effigie d’une divinité égyptienne à l’air stoïque. Deux lions en cage se tenaient de part et d’autre du portail qui donnait sur la cour du bâtiment. On les affamait pour qu’ils rugissent à longueur de journée, en signe de puissance du Pharaon.

Le sol du palais était fait de dalles rectangulaires serties de rubis et d’or pur. Sur les murs, des mosaïques en pierres précieuses représentant des scarabées et des serpents, leurs regards pointés sur les visiteurs. Le plafond était très haut, soutenu par des colonnes de pierres marbrées. Des escaliers au bout de la salle menaient au trône du Pharaon. Surplombant le siège du monarque, la statue d’un aigle hurlant, les yeux révulsés, les ailes étendues sur les côtés dirigées vers les sujets du souverain, en signe de mise en garde. Des pierres précieuses garnissaient le trône confectionné en or massif. Derrière le trône, il y avait plusieurs portes fermées sur lesquelles étaient brodées à l’or fin des têtes de reptiles que l’Egypte affectionnait tant. Quelques fenêtres laissaient pénétrer la lumière de l’extérieur et des torches dorées étaient allumées çà et là, mais l’ambiance était plutôt sombre au palais de Pharaon. 

L’Egypte était un modèle d’avancée culturelle et économique, reine des nations. Cependant, elle avait un démon… les hébreux.

Cette petite tribu qu’elle avait accueillie autrefois, venue de Canaan, s’était vite transformée en un peuple pullulant qui grouillait de partout, assombrissant les ruelles égyptiennes d’une langue étrangère. Les hébreux, autrefois respectés pour leur contribution à la société égyptienne, lorsqu’un des leurs, Yossef, fut exceptionnellement nommé vice-roi d’Egypte pour ses précieux conseils qui évitèrent une famine ravageuse à l’Egypte. 

Deux siècles plus tard, ils subirent une toute autre attitude de la part des égyptiens. Isolés dans le village de Goshen loin de la population égyptienne, les hébreux furent mis sous quarantaine par l’Etat souverain. Les égyptiens prenaient soin de s’approcher le moins possible des hébreux, craignant ce peuple méprisé inlassablement depuis maintenant des siècles. Les égyptiens nourrissaient un dégoût des hébreux.

Les hébreux étaient soumis aux travaux forcé par l’Etat. C’est d’ailleurs le Pharaon et ses conseillers qui donnèrent personnellement les instructions à suivre aux esclaves. Ils devaient construire les villes de Pitom et Ramsès qui allaient servir d’entrepôts géants et de base militaire à l’Egypte.

Si cela ne tenait qu’à Pharaon, il en aurait déjà fini avec cette race qu’il abhorrait tant. Mais il ne voulait pas être accusé de génocide par les nations qui voyaient en lui et en ses prédécesseurs l’éminence de la noblesse humaine. De plus, l’Egypte avait plus que jamais besoin d’une main d’œuvre nombreuse et bon marché… C’est ainsi que depuis des centaines d’années, les hébreux étaient asservis sans pitié aux Pharaons d’Egypte.

La loi égyptienne autorisait n’importe lequel des sujets égyptiens à user des services d’un esclave. Il n’était pas rare que des jeunes égyptiens ivres firent des descentes dans Goshen, dans le but de casser de l’hébreu. 

Parfois, les noblesses égyptiennes n'hésitaient pas à se servir des esclaves hébreux comme de cibles pour le tir à l’arc où le lancer de couteaux… Les hébreux appréhendaient le moindre contact avec les égyptiens. Les vieillards étaient malmenés et les jeunes impuissants à la souffrance de leurs pères. 

La ville de Goshen, qui fut jadis une cité florissante au pâturage fournie, n’était plus qu’une cité délabrée et sombre quel que soit le temps. De ses murs se dégageaient l’amertume et le tourment. Une ville fantôme aux habitants abattus et éreintés par le labeur. Aucun service d’aménagement ni de propreté n’était apporté à la ville. Certaines maisons s’étaient écroulées en plein milieu de la ville. Les décombres étaient restés sur place depuis des dizaines d’années. Les déchets étaient jetés en bas d’une grande vallée dans laquelle se trouvaient également les corps des malheureux qui avaient péris des vicissitudes de leurs corvées. Les baraquements étaient délabrés, les trous des murs étaient colmatés de paille sèche et personnes n’avait la force ni l’envie de les restaurer. Les familles étaient entassées par deux ou trois dans le même logis, essayant tant bien que mal de faire preuve d’un semblant de dignité. Certains, elles dormaient à même le sol dans des trous creusés dans la terre aride avec leurs enfants, couverts de peaux de renards pour les plus chanceux. 

Les vivres se faisaient rares. La ration quotidienne de pain azyme distribuée par les agents de chantiers était à peine nourrissante. Il fallait compléter les repas avec quelques herbes. Les enfants mourraient de faim sous le regard impuissant de leurs mères. 

Il n’y avait plus de verdure depuis longtemps à Goshen. Même le Nil ne passait pas par la région, comme si lui aussi ne voulait pas de contact avec les misérables hébreux. Il fallait sortir de la ville afin de puiser l’eau pour les besoins du quotidien. Les ruelles sombres étaient parfois jonchées de serpents morts ou de bouts de ferraille rouillée. La place principale au centre de la ville était désertique. Seuls des chats estropiés, des rats infectés et enragés arpentaient les rues. La ville était morose et laide. 

Les habitants de Goshen étaient classés par tribus, celle de Yéhouda au nord, celle de Dan au sud, celle d’Ephraïm à l’est… Les Hébreux étaient un peuple constitué de douze tribus distinctes. Chacune entretenait des exceptions culturelles, bien qu’elles fussent toutes issues du même patriarche Yaacov. Leurs baraquements étaient ordonnés suivant l’appartenance à leur tribu. 

Le matin, les agents de travail munis de leurs chiens de garde aboyant à tue-tête, hurlaient aux esclaves de se réveiller pour une nouvelle journée de travail sous un soleil de plomb. Les hommes sortaient de leurs baraquements, s’alignaient tête baissée devant les responsables qui les conduisaient jusqu’à leur lieu de travail. Les femmes sortaient de la ville où elles récoltaient chaque matin de la boue et de la paille pour confectionner les briques. Elles devaient piétiner de leurs pieds fragiles les énormes bacs de boue mélangés à la paille et à l’eau, avant de les laisser sécher au soleil, pour obtenir la brique. 

Les agents du gouvernement inspectaient et veillaient à ce qu’aucune femme ne prenne de temps de repos hors de quelques pauses accordées pour favoriser la productivité. Fatiguées et ensanglantées par le piétinement de la paille sèche, les femmes avaient seulement le droit de déléguer la main d’œuvre à leur jeunes enfants. Lorsque les mères ne tenaient plus, c’est leurs petites filles les relayaient. A leur tour, elles tranchaient leurs peaux chétives sur la paille acérée, mêlant le sang et les larmes aux briques crues.

Les hommes, de leur côté, étaient envoyés à pied sous le soleil martelant de l’Egypte vers les villes de Pitom et Ramsès. Là-bas, ils soulevaient d’énormes morceaux de pierre qui servaient à la construction de l’entrepôt géant qui s’étendait sur des kilomètres. Les gardes n’avaient aucune pitié pour les hommes et les fouettaient pour accélérer la cadence. Nombreux sont ceux qui ne revenaient pas des journées de travail. Ils étaient retrouvés morts dans les champs arides. Les hébreux avaient pour ordre de débarrasser les corps de leurs frères, sur le bas-côté dans des fosses, qu’ils devaient eux-mêmes recouvrir par du goudron.

Ainsi se déroulait le quotidien des hébreux, jour après jour, sans relâche. Étrangement, la démographie du peuple ne baissait pas. Plus le peuple était acculé, plus il se multipliait. Les femmes trouvaient miraculeusement de quoi nourrir leurs maris revenus des camps de travail. A la nuit tombée, elles s’unissaient à eux dans l’intimité précaire de leurs baraquements de fortune. Elles tombaient vite enceintes et avait de grande portées, parfois quatre voire même six enfants dans la même poche. Cette miraculeuse croissance exaspérait le Pharaon et ses conseillers qui ne savaient plus quoi faire pour endiguer la croissance hébraïque.

Le Pharaon et ses gardes traquaient en particulier les nouveaux-nés mâles. Les astrologues du roi réputés infaillibles craignaient la naissance prochaine d’un libérateur capable de mettre à mal la puissance égyptienne, contre toute logique humaine. Régulièrement, des brigades de la cour du roi faisaient irruption dans les maisons des hébreux, arrachant les nouveaux-nés des mains de leurs mères pour les assassiner sur la place publique sous les yeux de leurs familles meurtries par la peine.

Les femmes hébreues avaient depuis pris l’habitude d’accoucher loin de la ville de Goshen, sous des pommiers, et de laisser leurs nourrissons quelques temps loin de la ville, afin de les protéger des assassins du Pharaon. Çà et là, elles allaitaient leurs bébés et les recouvraient de tissus chauds pendant la nuit.

Les hommes circoncisaient leurs fils à l’aide d’un silex affûté, prenant bien soin que les gardes n’entendent pas le cri des nourrissons. Souvent, ce sont les mamans qui devaient jouer ce rôle lorsque leurs maris ne revenaient pas des champs de la mort…

Malgré cette tourmente infernale, les hébreux ne perdaient pas espoir. Selon une vieille tradition qui émanait de leur ancêtre Yaacov, les esclaves seraient un jour libérés du joug de Pharaon. Un sauveur viendrait les libérer de cet enfer…

La suite, dimanche prochain...