L’idolâtrie revêt une partie centrale dans la Torah. Sa gravité est soulignée des dizaines de fois, sa sanction est des plus sévères : la lapidation. Son interdit figure même dans les des dix commandements, le symbole suprême du message de la Torah : « Je suis l’Eternel ton D.ieu. » et « Tu n’auras pas d’autres dieux que Moi ». 

Pourtant, il nous est difficile de comprendre la gravité de cette faute, encore plus son insistance menaçante. Qui aujourd’hui est versé dans ces affres ? Quelques populations asiatiques et précolombiennes, qui se prosternent devant des statues auxquelles elles peinent à attribuer un caractère mystique… nous sommes tout de même loin de ce dont le texte parle. « Ils ont dit à la pierre et aux bois ‘tu es mon père’ ! » (Jérémie) 

La Grande Assemblée

La raison pour laquelle nous sommes si étrangers à cette réalité est due au fait que les Sages de la Grande Assemblée ont prié et ont aboli le penchant pour l’idolâtrie, comme nous le dit le Talmud dans Yoma (p.69) et Sanhédrin.

Le Talmud nous raconte que Rav Achi, l’un des célèbres rédacteurs du Talmud, eut l'apparition en  rêve du roi Ménaché, qui était roi d’Israël et idolâtre à ses heures perdues. Le roi Ménaché lui dit qu’il ne pourrait jamais comprendre l’effet magnétique du penchant de l’idolâtrie de son époque. Il lui dit même que s’il avait été là, il aurait soulevé les pans de son manteau pour courir plus vite que lui après l’idolâtrie… C’est dire l’intensité de cette tentation à cette époque.

Une question se pose toutefois avec toute cette histoire d’idolâtrie abolie. Pour quelle raison  D.ieu, qui a créé ce penchant dont le but était de tester l’homme, a-t-il cédé à la demande des Sages de la Grande Assemblée de l’annuler ? L’annulation du mal ne crée-t-il pas un déséquilibre pour le libre arbitre de l’homme ? 

La disparition de la prophétie

La Beraïta dans Séder Olam (chapitre 30) nous dit que jusqu’à l’époque d’Alexandre de Macédoine (Alexandre le Grand), il y avait encore des prophètes en Israël. Le dernier d’entre eux fut Malakhi, qui n’était autre qu’Ezra le scribe d’après une interprétation. Ce dernier décéda à l’époque du début du règne d’Alexandre. Malakhi fut le dernier des prophètes, faisant partie des Sages de la Grande Assemblée. Lorsque ces Sages prièrent pour la suppression du penchant de l’idolâtrie, cela coïncida avec l’époque de la perte de l’esprit prophétique d’Israël. Est-ce une coïncidence ?

Le Gaon de Vilna explique la Beraïta cité plus haut : « Jusqu’à cette époque, il y avait des prophètes » c’est-à-dire : depuis qu’ils ont tué le penchant à l’idolâtrie s’annula la prophétie. Voir aussi Mechékh Hokhma – Béaalotékha (11, 17).

Les Sages de la Grande Assemblée ont donc sciemment troqué l’esprit prophétique contre l’annihilation du penchant à l’idolâtrie. C’est ainsi que l’équilibre du libre arbitre de l’homme se maintient. D’un côté, l’annulation du penchant à l’idolâtrie, de l’autre, la perte de l’accès à l’esprit prophétique. Un enjeu de taille donc.

Mais qu’ont-ils réellement fait au sein de la Création ? Comment ont-ils réussi à interrompre le lien avec la prophétie ?

Qu’est-ce que l’idolâtrie

Pour tenter de comprendre, il faut d’abord saisir comment de si grands hommes, tels que Ménaché, roi d’Israël, aient pu s’abaisser à servir des idoles créées de toutes pièces ou des astres, à qui ils prêtaient toutes sortes d’intentions imaginaires ? 

Nos Sages nous enseignent que l’homme s’appelle Adam dont la racine est : Adamé Laélyone – ressembler aux sphères supérieures. Il a donc en lui la capacité de s’unir aux sphères de  l’au-delà, et même d’en retirer jouissance et exaltation. Cette prédisposition correspond à sa haute stature spirituelle, il peut se mêler aux sphères supérieures et s’extasier des visions célestes.

L’équilibre de l’existence qui nécessitait la création du libre arbitre offrait alors délibérément à certaines forces le pouvoir de tromper l’homme lors de ses voyages spirituels exaltants. L’expérience prophétique pure était alors menacée par des sentiers obscurs, entraînant l’homme vers des abysses bouleversants où l’homme était soumis à une lutte terrible entre toutes sortes de forces attractives et magnétiques. Des forces obscures…

C’est alors que la Grande Assemblée considéra que l’homme avait plus à perdre qu’à gagner dans ce combat fondamental. Ils ont donc pris la décision de briser en l’homme le pouvoir de s’unir aux sphères spirituelles. Quelque chose se cassa en lui. Il ne pouvait dorénavant plus se connecter aux visions exaltantes, mais également aux forces obscures du penchant de l’idolâtrie. Sa réalité serait à présent celle du corps et son exaltation celle des plaisirs physiques.

La Grèce

C’est dans cette ère nouvelle pour le genre humain que naquit l’empire grec. La Grèce abattit tous les idéaux spirituels de ses prédécesseurs, inventa une mythologie de dieux pervers, mit en avant la philosophie comme essence de  la morale dictée uniquement par l’homme et surtout, la mise en valeurs des performances du corps et les jeux comme but ultime de la plénitude.

Les jeux olympiques, mais aussi les débauches, sont le nouvel exutoire de l’homme, sa nouvelle évasion vers des sentiers bienheureux. Il s’investit dans les plaisirs du corps et déconnecte toute attache avec le divin.

Israël serviteur de D.ieu

Là où la Grèce prône l’émancipation des mœurs, l’autonomie de la pensée et la mise en valeur de l’égo, Israël, elle, clame la soumission à l’Eternel, la crainte du Ciel et son dévouement.

Alors qu’Alexandre le Grand s’apprête à conquérir le monde entier et à y implanter ses nouvelles idées, un peuple est toujours là, depuis le berceau de l’humanité a contrario de cette nouvelle ère révolutionnaire : le peuple d’Israël. Pour ce peuple, l’homme ne vit que pour servir D.ieu, sa force n’est pas pour assouvir ses passions, mais pour les dominer, son esprit n’est pas pour entreprendre des conquêtes, mais pour connaître la parole du D.ieu vivant. Un combat idéologique se déclara entre les deux peuples.

Deux siècles plus tard,  la politique d’hellénisation d’Antiochus, chef des armées grecques, s’amplifie en terre d’Israël. Il décide de soumettre les juifs à de terribles sévices, et à une propagande sarcastique dans laquelle chaque juif devait écrire lui sur la corne de son taureau « Nous n’avons pas de part dans le D.ieu d’Israël ». Messages explicites, placardés partout, dans les endroits les plus insolites comme sur les biberons des enfants, dont le but était clairement la déconnexion du peuple avec ses idéaux. Accompagnés de sévices physiques et moraux, les grecs enfoncèrent les enfants d’Israël dans un climat  insupportable… 

Et si le contact était vraiment rompu entre D.ieu et Son peuple ? Après tout, la prophétie ne s’est-elle pas annulée ? Les pensées se bousculaient au sein du peuple et le doute se lisait sur les visages inquiets des croyants.

L’huile de l’espoir :

C’est dans ce climat d’effroi qu’une poignée de Justes ont généré l’impensable : un authentique miracle venu du Ciel.

Il n’y avait alors d’huile dans la petite fiole que pour allumer un seul soir la Ménora d’or qui éclaire du Temple le monde entier, et pourtant elle éclaira huit jours. La nature s’était pliée, et le contact avec D.ieu s’était reconfirmé. Le message était clair, même si nous ne pouvons plus accéder à l’état prophétique. D.ieu, quant à Lui, ne s’est jamais éloigné de nous… nous ne pouvons peut-être plus nous connecter à Lui de la même façon qu’avant, mais Lui restait toujours aussi près de nous.

C’est alors qu’une poignée d’hommes, armés de courage et de conscience de l’aide divine, repoussa la grande armée oppressante, et scella à jamais le destin du peuple juif à Son D.ieu.