Un des plus grands moyens dont nous disposons pour nous rapprocher du Créateur est la prière. L’homme, lorsqu’il s’adresse à D.ieu, développe en lui la conscience qu’un Être suprême régit l’existence. Il se familiarise avec l’idée que D.ieu est présent, disponible et bienveillant. Avec la Téfila, l’homme prend aussi davantage conscience de sa dépendance vis-à-vis du Créateur. Lorsqu’il implore ou supplie, il ressent indéniablement que seul l’Eternel est Celui qui a le pouvoir de lui venir en aide. Même si, de prime abord, la prière n’opère pas ces effets sur la personne, à force de pratique, sa “magie” opère.

Mais pourquoi ce rituel figé dans la prière : toujours les mêmes mots, le même texte, le même rythme… ? Ne serait-il pas plus efficace que chacun prie selon son cœur, avec les mots de son choix, en laissant libre court à sa propre imagination ? 

Pourquoi les Sages ont-ils institué ces règles qui semblent (a priori) empêcher la libre expression ?

Qu’est-ce que la Téfila réellement ?

Les auteurs du texte de la prière de la ‘Amida et de l’articulation de la prière sont les Sages de la « Grande Assemblée » il y a environ 2500 ans. Parmi ces Sages, plusieurs prophètes – Hagaï, Zacharie et Malachie. Si bien que l’esprit prophétique est mêlé aux mots et à la syntaxe de la ‘Amida.

Au-delà des mots, la ‘Amida - qui est l’essentiel de la prière - et sa pratique, sont conçues à la façon dont les prophètes se préparaient à l’élévation spirituelle : la méditation.

La méditation est un état de pleine conscience du divin omniprésent, ainsi qu’une expérience du présent absolu. Affranchi des souvenirs du passé, et des pensées sur l’avenir, le prieur est à l’image du « méditateur », en parfaite osmose avec son être intérieur dans un ressenti expérimental de la réalité présente. 

Pratique utilisée par les ‘Hassidim Harichonim – les hommes pieux de l’époque de la Michna qui patientaient une heure afin de se préparer à la Téfila (Traité Bérakhot page 30b) –, la pratique de la prière comme une méditation était également largement répandue au sein des Kabbalistes de l’époque médiévale. Au fils des siècles, différents maîtres tels que Rabbi Avraham Aboulafia (1296-1240) ou encore Rabbi David Kimhi – le Radak (1235-1160) retranscrirent sur papier les secrets d’une tradition de la méditation kabbalistique. (Arié Kaplan, « Méditation Juive », page 58).

Texte inlassablement répété depuis la plus tendre enfance, au moins trois fois par jours, la ‘Amida représente une technique de méditation transcendantale, dont le but est la conscience de l’unicité de D.ieu, ainsi que la sérénité intérieure du prieur.

Lorsque prier signifie méditer

Afin de faire pénétrer en soi la puissante portée du message de la prière enfermé dans le sens de ses mots, il faut réduire la vivacité de nos cinq sens, en fermant les yeux comme l’usage le requiert  (Rabbénou Yaakov Ben Acher, dans le Tour, chapitre 61) ainsi qu’en s’abstenant de prendre tout objet perturbant notre concentration (Choul’han ‘Aroukh 96, 1-2). De cette façon, nous pénétrons  sensiblement l’univers de la prière. Il est de rigueur d’entamer la Téfila après un moment d’allégresse lié à une Mitsva (Traité Bérakhot) et de s’imaginer être dans le Saint des Saints (Traité Bérakhot page 30) pour optimiser un état de conscience intime et solennel lié à la pleine conscience de la prière.

Dite à voix basse et avec pondération, elle permet une concentration plus subtile, plus pénétrante, de sorte à faire résonner les mots au plus profond de l’être. La répétition des mêmes mots depuis des années à une fréquence journalière permet de ne plus remarquer les petits accrochages qu’introduisent les consonnes ou ces petits flots que sont les voyelles ; à mesure de répétition, tout cela se remarque de moins en moins au profit d’une nouvelle dimension, un chemin spirituel guidant l’homme vers D.ieu.

On se laisse porter par la Téfila, faisant abstraction du vrombissement mondain qui nous entoure pour se concentrer sur les mots sacrés des prophètes. Ainsi, la Téfila offre une résonance du divin au plus profond de l’être, mais aussi un havre de paix loin des turbulences stressantes du quotidien.

Moment de sérénité intérieur et de calme absolu, la Téfila, fait retentir le murmure des mots qui expriment la grandeur de D.ieu et l’amour qu’Il porte à Son peuple.

Lorsque la Téfila est facteur de bien-être

Les vertus de la méditation par la Téfila sont, depuis leurs pratiques à travers le monde, reconnues par le monde de la médecine pour leurs facultés guérisseuses et préventives. Que ce soit par la méditation « mantrique » où le sujet répète inlassablement la même phrase – appelé « Girouchine » par les kabbalistes du 15e siècle (Arié Kaplan, « Méditation Juive ») - ou par la méditation de la pleine conscience où le sujet se concentre sur la réalité du présent, la méditation est pour certains le secret d’une vie équilibré.

Ainsi, une étude belge portant sur plus de 400 jeunes âgés de 12 à 20ans soumis au programme de méditation Mindfulness attestent que les sujets seraient soumis à moins de stress et d’anxiété que leurs coreligionnaires n’ayant pas pratiqué ce type de méditation.

(Prévention et réduction de la dépression en milieu scolaire chez les adolescents : essai contrôlé randomisé en grappes d'un programme de groupe de pleine conscience Filip Raes ,James W. Griffith ,Katleen Van der Gucht ,J. Mark G. Williams ,Mindfulness volume 5 , pages 477 - 486 ( 2014 ))

En 2014, la revue Depression et Anxiety (A.D.A.A) statuait que la méditation réduirait les symptômes de dépression et d’anxiété (Thérapies méditatives pour réduire l’anxiété : une revue systématique et une méta-analyse des essais contrôlés aléatoire Kevin W. Chen MPH, Ph.D. Christine C. Berger Ph.D.Eric Manheimer MS, Darlene Forde MA Jessica Magidson MS Laya Dachman BA, CW Lejuez Ph.D)

La méditation est aussi bénéfique contre la douleur. Des chercheurs de l’Université de Californie ont constaté que les personnes ayant recours à une pratique méditative quelle qu’elle soit, avaient des réponses cérébrales à la douleur 40 à 50% inférieurs aux autres. (Une étude de l'Université de Californie à Irvine révèle que la méditation transcendantale réduit la réaction du cerveau à la douleur, 9 août 2006, David Orme-Johnson, Ph.D. Rapporté dans le journal New Report n°12)

Mais la méditation agit aussi sur les risques cardiovasculaires avec une diminution de 48% chez les pratiquants. C’est le résultat d’une étude publiée en 2012 (https://www.ahajournals.org/doi/full/10.1161/circoutcomes.112.967406) sur l’immunité, qui a pour effet que les gènes pro-inflammatoire sont moins exprimés facilitant plus rapidementle rétablissement de l’organisme après une situation de stress. Richard J. Davidson, fondateur du Centre for Investigating Healthy Minds et auteur de l’étude, explique : «  À notre connaissance, il s’agit du premier article qui montre des altérations rapides de l’expression des gènes au sein des sujets associés à la pratique de la méditation de pleine conscience » .

Nous comprenons dorénavant pourquoi les Sages ont institués des normes à la prière par la forme d’un rituel répétitif. Car son rôle est double : d’un côté, nous lier profondément au Créateur, de l’autre de nous permettre un état méditatif permettant le calme intérieur et le retour à soi.