Voici un exemple concret d'un cas traité par des tribunaux rabbiniques, afin d'apprendre à voir et assimiler peu à peu le "Daat Torah", le fait d'avoir un esprit et une réfléxion de plus en plus en accord avec la Torah.
 

Question

David demande à son artisan, Chlomo, de lui faire une bibliothèque sur mesure. Chlomo achète le matériel et commence à travailler sur le projet. Après quelques jours, David change d’avis et téléphone à Chlomo pour annuler la commande. Il s’assure auparavant que Chlomo n’a pas encore coupé les planches et qu’il peut s’en servir pour une autre commande.

Toutefois, Chlomo affirme, en s’inspirant  d’un autre conflit avec un client réglé par un Dayan, qu’indépendamment de la perte de matériel, il y a un début de contrat avec commencement de travail et pour cette raison, David ne peut se rétracter.

Psak et explications

Il est vrai qu’un engagement avec un ouvrier est irréversible s’il a commencé à travailler. Dans le cas de Chlomo il a donc commencé à œuvrer sur le projet et même s’il n’a pas coupé les planches et qu’ aucune perte de matériel n’a été occasionnée, David devrait ne pas pouvoir se rétracter. Mais il faut savoir que parfois une commande chez un artisan peut se formuler de manière à ne pas vraiment s’engager.

Quand par exemple on commanderait un gâteau etc. en promettant de l’acheter une fois fini et non en formulant les choses comme un contrat de travail. Un contrat de travail stipulerait  par exemple : ‘’fais cela et cela et je te rémunèrerai sur ton labeur’’.  Alors qu’une promesse serait formulée ainsi  : ‘’ fais-le et je te l’achèterai’’.  Cette différence est commentée par Nétivote 333, 15 pour expliquer le dine énoncé par le Roch (source de la Halakha Hochen 333, 8).

En effet, selon le Roch, quand on a dit à un artisan de faire quelque chose et qu’au moment où il le fournit on se rétracte, on doit quand même payer parce que sinon la chose va être jetée, comme dans le cas d’une denrée périssable etc., en vertu de dina dégarmi car on a occasionné une perte. Nétivote demande pourquoi seulement dans le cas d’une denrée périssable ? Ne doit-on pas payer un ouvrier pour la seule raison qu’il a travaillé à notre ordre et même si le travail a été effectué dans la rue etc. et que l’on n’en a pas joui ? Il répond qu’ici la formulation est différente.

Il n’y a pas eu de contrat de travail mais une promesse d’achat une fois l’objet fini. Cette promesse n’engage pas, si ce n’est parce qu’elle a occasionné une perte de matériel et d’énergie de travail (voir aussi Hazon Ich Baba Kama 23 ; 35).

De nos jours, même si la formulation n’est pas clairement énoncée comme une promesse d’achat, nous devons ainsi l’expliquer car c’est l’habitude de considérer les choses ainsi. La preuve à cela en est que même si la chose est accidentellement  endommagée chez l’artisan, on ne demande jamais à celui qui a commandé de payer pour le travail. Cela aurait dû être le cas, si l’on considérait l’artisan comme un ouvrier.

L’autre conflit invoqué par Chlomo était différent. Il s’agissait d’un contrat avec un programmeur pour améliorer la qualité d’un site.  Il a donc travaillé sans fournir un nouveau produit. Dans ce cas, en commençant à travailler (‘Hochen Michpat 333, 2) ou s’il y a eu début de paiement (Nétivote , 1), il y a obligation envers l’ouvrier car on ne peut en aucun cas parler de promesse d’achat.

C’est pour cette raison que Chlomo a dû payer dans ce cas les services du programmeur même après l’avoir arrêté en milieu de travail (selon un barème inférieur - de poèl batel -  puisqu’il n’a quand même pas travaillé autant).

Rav Reouven Cohen
 

Cette rubrique propose de vous faire partager des cas traités, couramment ou non, dans les baté-din. L’unique but est de faire prendre conscience de la possibilité que donne la Torah de régler n’importe quel conflit financier selon des logiques très réglementées. Nous vous recommandons donc de ne pas tirer de conclusions personnelles de ces enseignements, car un détail et une parole peuvent changer toute l’issue du psak-din.

Bet-Din francophone "Michpat Chalom"
sous la direction du Rav Baroukh Chraga est actif à Jerusalem, Nathania et Ashdod
Dayanim : Rav Réouven Cohen, Rav Itshak Bellahsen, Rav Yossef Chaynin, Rav Dov Rozman, Rav Yehouda Levy et Rav Ellia Yafé.
www.Michpat-Chalom.com