Le personnage le plus important des Néviim (les Prophètes) est peut-être le roi David, le premier roi de la lignée de Yéhouda et l’ancêtre du Machia’h. Comme nous allons le voir, quatre événements principaux abordés dans le Tanakh énumèrent en détail la lignée du roi David. Nous verrons que chaque histoire met en scène des actions qui ne semblent pas convenir à une famille de rois ni à celle du Machia’h, mais nous allons offrir une explication à ce phénomène.

Le premier incident est celui de Loth et de ses filles.[1] Après s’être échappées de Sedom, les deux filles pensent que le monde entier a été détruit et elles considèrent qu’il est donc permis, et même nécessaire, de tomber enceintes par l’intermédiaire de Loth, qui, d’après elles, est le dernier homme vivant sur terre. Pour mettre ce plan à exécution, elles lui font boire du vin pour le saouler afin qu’il ne comprenne pas ce qui lui arrive. Rachi cite nos Sages qui se posent la question : où se sont-elles procuré du vin ? La Mékhilta explique que le vin a été préparé miraculeusement pour elles dans une cave, afin que deux nations surgissent de cette relation : Moav et Amnon.[2] La raison d’être de Moav est Ruth qui est issue de cette nation, et David est l’arrière-petit-fils de Ruth.[3]

L’histoire suivante dans la lignée de David est celle de Yéhouda et Tamar. Tamar épouse le fils aîné de Yéhouda, Er, mais il décède; elle épouse ensuite son frère Onan en vertu de la loi du Yiboum,[4] mais il meurt également. Elle attend d’épouser le plus jeune frère Chéla, mais l’on voit que Yéhouda ne souhaite pas qu’elle l’épouse, car il redoute qu’il meure à son tour en épousant Tamar. Elle décide de se déguiser en prostituée et cohabite avec Yéhouda. Nos Sages nous expliquent que Yéhouda n’aurait jamais commis un tel acte, mais un ange le poussa à le commettre pour engendrer la lignée des rois.[5] Yéhouda n’avait pas d’argent pour la payer, alors il lui donna des objets comme dépôt et envoya plus tard un ami pour la payer et récupérer les objets, mais il ne la trouva pas. Peu de temps après, il devint évident que Tamar est enceinte et Yéhouda présuppose qu’elle l’est d’un autre homme, ce qui lui est interdit, car elle est encore liée à Chéla par le Yiboum. Elle est en conséquence condamnée à mort par le feu.[6] Or, juste avant d’être mise à mort, elle révèle à Yéhouda les objets et lui demande de reconnaître son rôle dans les faits.[7]

Yéhouda reconnaît immédiatement les objets et admet son implication, comme il est dit : « Elle a raison, c’est de moi ».[8] Nos Sages interprètent ces termes comme provenant d’une Bat Kol (une voix céleste) : Hachem annonçait que cela provenait de Lui, en ce qu’Il souhaitait que Tamar ait des enfants par l’intermédiaire de Yéhouda dans le but d’édifier la lignée de rois qui commencerait avec David.[9] Nous constatons à nouveau que le cours des événements a fait partie du Plan Divin conduisant au roi David.

Le troisième événement se trouve dans la Méguila de Ruth, lorsque Ruth entre dans la chambre à coucher de Bo’az et lui demande de l’épouser comme rédempteur de son défunt mari.[10] Ils ne consomment pas la relation sur place, mais, peu après, ils se marient et Ruth donne naissance à Oved, le grand-père de David. La Méguila s’achève en relevant que David a émergé de cette union, indiquant son importance dans la lignée du Machia’h.

La question évidente est celle-ci : pourquoi la lignée du Machia’h devait-elle naître en conséquence d’événements a priori ambigus ? La Guémara se pose cette question en proposant une raison pour laquelle le royaume de Chaoul n’a pas perduré. La Guémara explique que Chaoul était issu d’une lignée parfaite, marqué par aucun incident semblable à ceux énumérés ci-dessus. On pourrait s’imaginer que le royaume de Chaoul serait plus approprié pour durer, mais la Guémara affirme qu’il y a un problème majeur d’avoir un si pur Yi’hous (une ascendance) - le risque de devenir arrogant, et l’impossibilité de devenir humble. De même, les descendants de Chaoul ne convenaient pas à la royauté, car il n’y avait aucun moyen de les rendre humbles.[11] En revanche, il n’y avait aucun risque que David et ses descendants deviennent arrogants en raison de leur Yi’hous.

L’approche de la Guémara des critères d’un leader contraste fortement avec l’approche laïque. Les dirigeants du monde laïque sont normalement sujets à des sentiments d’arrogance et de supériorité, néanmoins la Torah voit les dangers de l’arrogance dans un leader au point qu’elle considère le niveau d’humilité du dirigeant comme indication de l’aptitude de sa famille à régner longtemps.

Le roi David avait des ancêtres grâce auxquels il resterait humble. En effet, l’un des traits de caractère les plus exceptionnels du roi David était son humilité. Comme il l’atteste lui-même dans les Psaumes : « Mon cœur n’est pas devenu arrogant » - nos Sages affirment qu’il a déclaré ceci lorsque Chmouel l’a nommé roi. De même, à l’un des moments les plus décourageants de sa vie, lorsque son propre fils Avchalom l’a trahi, il a été maudit par Chimi ben Guéra, et a pourtant refusé à ses hommes de tuer Chimi, et a accepté que ce fût une sanction Divine.[12]


[1] Beréchit, 19:30-38.

[2] La raison d’être d’Amnon, c’est Naama, épouse du roi Chlomo, issue de cette nation, et qui joue un rôle dans la lignée des rois de Yéhouda conduisant au Machia’h.

[3] Mékhilta, Béchala‘h, Parachat Hachira 2.

[4] Lorsqu’un homme marié meurt sans descendance, son épouse peut épouser son frère, bien que ce soit généralement interdit. La femme n’a pas le droit d’épouser quelqu’un d’autre avant d’avoir réalisé la ‘Halitsa.

[5] Beréchit Rabba, 85:3.

[6] Les commentateurs s’interrogent sur le pourquoi d’une sanction aussi sévère.

[7] Du fait qu’elle n’a pas annoncé elle-même l’implication de Yéhouda dans les faits, la Guémara dans Sota 10b déduit qu’il vaut mieux se laisser jeter dans un feu plutôt que d’embarrasser autrui.

[8] Beréchit, 38:26.

[9] Sota 10b, cité par Rachi, Beréchit 38 :26.

[10] Voir Méguilat Ruth pour un historique complet.

[11] Nous voyons qu’il est particulièrement important pour un roi de rester humble, car il risque de se montrer arrogant en raison de l’immense pouvoir qu’il possède. C’est la raison pour laquelle le roi doit emporter un Séfer Torah avec lui en tout temps - pour lui rappeler qu’Hachem est au-dessus de lui. Voir Séfer Ha’hinoukh, Mitsva 499.

[12] Chmouel II, chapitre 15.