Rabbi Ména'hem Mendel de Kotzk a enseigné la leçon suivante que nous allons tenter d'interpréter ensemble : "Il n’y a pas de cœur entier si ce n’est un cœur brisé, il n’y a rien de droit comme une échelle courbe et il n’y a rien de courbe comme une imagination droite."
Le Rabbi nous enseigne que cette chose que l’homme essaie de fuir, à savoir la peine, l’épreuve, le désespoir et la peur, cette chose qui nous brise le cœur et tord nos entrailles, c'est elle qui nous place sur la voie droite de l’existence et nous pousse vers la complétude.

Ces moments d'épreuves et de douleurs de l'existence sont durs et redoutables. Les sentiments d'échec et de faute sont amers. Pourquoi le Rabbi parle-t-il de complétude et d'alignement lorsque nous sommes brisés et désorientés ? Qu'y a-t-il à chercher dans cette vulnérabilité ?

On raconte que le Rabbi de Kotzk est resté de nombreuses années dans un isolement quasi total. Il ne recevait que sa famille et ses élèves les plus proches. Le Rabbi, dans le secret de sa chambre, étudiait, priait et travaillait de manière extrême. Lorsqu'il sortait de sa chambre, les élèves étaient effrayés par son visage. On dirait aujourd'hui qu'il était "de mauvaise humeur".


Le Talmud dans Chabbath (88a) raconte qu'un saducéen (hérétique) a vu Rava (un Sage du Talmud) étudier la Torah en écrasant ses doigts de la main sous ses jambes (comme un yogi !) à tel point qu'il en saignait.

Le saducéen dit à Rava : "Peuple pressé ! Pourquoi vous mettre dans des états pareils ? Vous auriez dû évaluer la difficulté de la Torah avant de l'accepter !"

Arrêtons-nous un instant là-dessus. De quelle douleur et de quel sang parle-t-on ici ? Il semble assez évident que l'on parle de manière métaphorique et que le Sage s'efforçait de comprendre et d'intégrer les paroles de la Torah dans une tension et un effort de vie extrêmes, qui étaient manifestement douloureux, afin d'en extraire le meilleur de lui-même. Les Sages ne semblent pas craindre leur douleur et leur faiblesse.

Il semblerait justement que ces douleurs et ces faiblesses soient les garants de notre sortie de la zone de confort de notre ego malade. Et à D.ieu ne plaise, lorsque nous traversons des épreuves, c'est bien cela que nous essayons de trouver dans nos vies. Que devons-nous améliorer dans nos vies ? Que ne voulons-nous pas voir ou entendre ? Sortir du repli de notre ego pour devenir de meilleures personnes, même si le prix à payer est de souffrir et de faire la tête.

Ici, le Rabbi nous dit que nous avons le choix : attendre que les accidents et les épreuves nous rendent vulnérables et nous obligent à nous assagir, ou décider volontairement de nous débarrasser des masques, de briser nos apparences, d'identifier nos faiblesses et nos zones d'ombre, et alors creuser en nous-mêmes le chemin de notre véritable mission de vie.

Il fait la tête, il se plie et tord son existence, oui, mais pour quelque chose de bien ; il travaille sur une voie de vie parfaite et droite.