Depuis peu de temps, un message en Anglais posté sur des réseaux sociaux a circulé comme une traînée de poussière. Ce message était constitué de la photo d’une affiche qui a été suspendue à l’entrée d’une crèche américaine du Texas sur laquelle on pouvait lire :

« Chers parents,

A présent, vous récupérez vos enfants, lâchez votre téléphone !!! »

Il était inscrit également sur cette affiche :

« Nous avons vu des enfants qui tentaient de montrer à leurs parents les travaux manuels qu’ils avaient réalisés, mais leurs parents étaient au téléphone. Nous avons entendu un enfant appeler "maman, maman", mais sa maman était davantage concentrée sur son téléphone que sur son enfant. C’est inquiétant ! »

Ce message qui a été partagé par plus d’un million de personnes représente, à mon avis, de façon succincte, la raison pour laquelle je n’ai pas (et, si D.ieu veut, je n’aurai pas) de smartphone.

Effectivement, au sein du public orthodoxe, le sujet des smartphones est devenu, depuis longtemps, une question culturelle qui fait l’objet de discussions halakhiques. Néanmoins, même dans ce milieu, l’on trouve des smartphones dits « Cachères ». Mais, pour moi, ce type de téléphone aussi ne me convient pas. Quant à mon vieux téléphone, il ne sait faire qu’une seule chose : passer et recevoir des coups de fils. Ah… servir aussi de réveil. C’est tout.

Je n’ai pas la phobie de la technologie et je ne souffre pas d’un surplus de nostalgie du passé. Je n’écoute pas la musique avec un walkman et je n’utilise pas de machine à écrire pour taper un texte. Cependant, en ce qui concerne les téléphones, je suis sûr que chaque pas en avant n’est autre qu’un pas en arrière. Non pas pour le progrès technologique, mais pour l’espèce humaine.

« Mais tu as un ordinateur ! - j’ai entendu cette réplique plus d’une fois - Quelle est donc la différence ? »

Voici quelques différences : Lorsque je ferme mon ordinateur portable, je ne reçois plus de signalisations de nouveaux messages qui détournent mon esprit. Lorsque je me rends dans une autre pièce, je n’emporte pas mon ordinateur avec moi. Lorsque je vais chercher mes enfants du Gan ou que je les promène, mon ordinateur ne se joint pas à nous. Lorsque nous nous installons sur le canapé pour raconter une histoire, l’ordinateur n’est pas avec nous.

Cela ne signifie pas que les ordinateurs ne distraient pas nos esprits. En particulier pour les parents, qui, comme moi, travaillent à domicile, il est parfois difficile de dissocier les moments réservés au travail de ceux consacrés à la maison et aux enfants. Néanmoins, un ordinateur ordinaire n’est pas encore suffisamment compact et transportable pour pouvoir l’avoir sous la main lors de nos diverses activités, ce qui n’est malheureusement pas le cas pour les smartphones.

Dans le quartier où j’habite, ma décision n’est pas marginale. La majorité des parents de mon entourage sortent avec leurs enfants en étant focalisés sur leurs enfants et non pas sur leur téléphone. Certes, il leur arrive de répondre à un appel, toutefois, le nombre de communications que nous recevons de nos jours est 60 fois moins important que le nombre de messages, applications, ou services auquel le smartphone nous expose. Mais je suis consciente que je vis dans « une bulle ». Lors d’une récente rencontre entre amies, j’ai assisté à un débat houleux autour de la question suivante: est-ce légitime pour une baby-sitter d’être branchée en permanence sur son whatsapp et d’occuper les enfants en leur montrant tous types de vidéos sur son smartphone ? L’avis général acceptait de considérer une telle attitude comme un fait normal. « Pourrait-on penser que tu agisses autrement lorsque tu te trouves toi-même avec tes enfants ? », a lancé l’une des participantes à une amie partageant un avis opposé. « Pourquoi serait-il interdit à la baby-sitter ce qui, pour toi, est permis ? ». A la même occasion, j’ai découvert qu’aujourd’hui, « il n’y a pas d’autre choix » que d’acheter un smartphone à un enfant d’école primaire, « car, autrement, il sera déconnecté de ce qu’il se passe en classe ». Ce qu’il se passe en classe… Il s’avère qu’il se passe quelque chose uniquement dans les smartphones. C’est le monde à l’envers !

Croyez-moi : moi aussi je comprends l’aspect attractif d’un smartphone. A maintes reprises, lorsque je fixe des rendez-vous pour des entretiens, les gens sont stupéfaits de découvrir qu’ils ne peuvent pas m’envoyer de messages par whatsapp. En réalité, on ne peut même pas m’envoyer d’SMS. Il ne leur reste plus que, pour seule option, d’avoir recours à une ancienne technique… l’envoi d’un email. De plus, plus d’une fois, j’ai réalisé à quel point le « waze » est d’une aide remarquable lors des déplacements, ou encore, qu’il est possible de rester en contact avec le boulot lorsqu’on entreprend un long voyage, ce qui contribue effectivement à faciliter la vie.

Malgré tout, cela ne me tente pas. Ma vie est peut-être légèrement plus difficile en l’absence de smartphone, mais elle est, à mes yeux, bien plus saine. Comme le témoignent les enquêtes sociales, y compris celles de l’anthropologue israélien Tamir Lion, les smartphones nous ont davantage liés au monde virtuel, mais ils ont essentiellement, et de façon déplorable, contribué à nous éloigner de nous-mêmes et des personnes qui nous sont proches.

Johanna Lévy