Pourquoi nous, Juifs, sommes-nous nous appelés Yéhoudim, et pas Ivrim (Hébreux) ou Israélim (Israélites) ?
 
La Guémara Méguila se demande pourquoi, dans Méguilat Esther, Mordékhaï est appelé "Ich Yéhoudi" puis "Ich yémini". Et l'une des réponses qu'elle donne est que son père était de la tribu de Binyamin, et sa mère de celle de Yéhouda.
 
Cette réponse est un peu difficile à accepter car la Torah accorde la priorité au père dans la filiation. Et elle aurait donc dû, normalement, appeler Mordékhaï d'abord "Ich yémini" (pour dire qu'il était de la tribu de Binyamin, comme son père), et ensuite "Ich Yéhoudi" (pour indiquer que sa mère était de la tribu de Yéhouda). 
 
Or le Passouk de la Méguila qui présente Mordékhaï nous dit d'abord "Ich Yéhoudi", et ensuite "Ich yémini".
 
Certains d'entre nous pensent peut-être que nous, Juifs, sommes appelés Yéhoudim car nous sommes majoritairement issus de la tribu de Yéhouda (puisque dix tribus du peuple juif ont disparu et que parmi les deux restantes, celle de Yéhouda et celle de Binyamin, celle de Yéhouda était la plus nombreuse). Mais la Guémara explique différemment.
 
Elle dit que les mots "Ich yémini", apparemment superflus puisque Mordékhaï était de la tribu de Binyamin comme son père, nous enseignent que tout celui qui rejette la 'Avoda Zara (l'idolâtrie) est appelé Yéhoudi.
 
Dans la Méguila, chaque mot est important et porteur d'enseignements.
 
Un jour, les élèves de Rabbi Chim'on bar Yohaï lui ont demandé : "Pourquoi, à l'époque de l'histoire de Pourim, Hachem a-t-Il décidé de 'Hass Véchalom de détruire le peuple juif ?". Rabbi Chim'on bar Yohaï leur a demandé de répondre eux-mêmes à la question, et ils ont dit : "Parce qu'ils ont profité du festin d'A'hachvéroch". Mais Rabbi Chim'on a dit que ce n'était pas pour cela, car seule une partie du peuple juif était allée à ce festin. Les élèves ont donc demandé au Rav de leur répondre, et il leur a dit : "C'est parce qu'à l'époque de Névou'hadnétsar, le peuple juif a fait de l'idolâtrie". 
 
La Guémara dit qu'à cette époque, les Juifs qui n'avaient pas fait d'idolâtrie étaient peu nombreux. Ils étaient appelés "Yéhoudim", et Mordékhaï en faisait partie. C'est pourquoi la Méguila le qualifie aussi de "Ich Yéhoudi".
 
Yéhoudi était donc un titre honorifique, qui était donné aux Juifs qui avaient rejeté l'idolâtrie.
 
Le Déguel Ma'hané Efraïm rapporte au nom du Ba'al Chem Tov : Pourquoi faut-il rejeter l'idolâtrie pour être appelé Yéhoudi ? Pourquoi n'est-il pas suffisant de s'en séparer ?
 
Tout au long de l'histoire juive, les Juifs qui ont accepté l'idolâtrie n'étaient pas nombreux. Même ceux qui n'étaient pas pratiquants ont souvent préféré s'enfuir plutôt que de se convertir au christianisme. Et même ceux qui faisaient semblant d'être des chrétiens (exemple : les Maranes) n'ont pas réellement accepté cette religion.
 
La Guémara Sota explique que dans la phrase "Tout celui qui rejette l'idolâtrie est appelé Yéhoudi", l'idolâtrie dont il s'agit n'est pas une autre religion, mais l'orgueil. L'orgueilleux est, en effet, comparable à un idolâtre. Car l'idolâtrie, c'est oublier Hachem. Et l'orgueil, c'est croire qu'on peut se débrouiller sans Lui.
 
Lorsqu'une personne ne pense qu'à elle et croit que tout ne dépend que d'elle, elle fait preuve d'orgueil, et risque de finir par se prendre pour un dieu (comme par exemple le fondateur de la religion chrétienne, que la Guémara appelle Yéchou, justement parce qu'il avait un trop grand yech, c'est-à-dire trop d'orgueil).
 
Hachem ne supporte pas les orgueilleux. La pire des idolâtries, c'est celui qui ne pense qu'à lui-même. Qui croit que tout lui est dû. Qui ne dit jamais merci. 
 
Un Yéhoudi, c'est tout le contraire de cela ! C'est quelqu'un qui sait remercier (en hébreu "léhodot") pour ce qu'il reçoit. Qui sait ne pas s'idolâtrer lui-même en s'imaginant qu'il n'a besoin de personne, et remercier ceux dont il dépend pour ce qu'ils lui apportent.
 
Rav Yaacov Méïr Sherter explique qu'il est très difficile de reconnaître que tout dépend d'Hachem lorsqu'on agit beaucoup. De reconnaître que quel que soit ce qu'on fait, c'est en vérité Hachem qui fait (c'est Lui qui nous permet de marcher, parler, avoir les bonnes idées etc...). C'est pourquoi l'être humain risque facilement de tomber dans l'orgueil, et doit donc se DÉTACHER TOTALEMENT de l'idolâtrie, pour ne pas risquer d'y tomber ou d'y retomber (comme un drogué ou un alcoolique devront se séparer respectivement de la drogue ou de l'alcool pour ne pas risquer d'en reprendre. Car s'ils en prennent même un peu, ils risquent d'y retomber).
 
L'idolâtrie est tellement dangereuse que pour ne pas y tomber, il faut s'en détacher totalement. En être dégouté. Être totalement humble.
 
Ceux qui pensent trop à eux-mêmes n'arrivent pas à remercier. Par contre, ils critiquent énormément. Car ils s'imaginent constamment que tout leur est dû.
 
Pour pouvoir remercier (Hachem et notre entourage), il faut rejeter l'orgueil. 
 
Plus nous serons humbles, plus nous saurons remercier.
 
Retranscription : Léa Marciano 

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