À l'âge de quinze ans, Rav Yechaya est déporté à Auschwitz puis transféré dans un camp de travail en Allemagne de l'Est. Il se considère comme relativement chanceux, car, contrairement à beaucoup d'autres, il se trouve dans un camp où les gardes ne battent pas les prisonniers cruellement, sans raison au beau milieu de la nuit. Par contre, ils reçoivent très peu de nourriture et souffrent constamment de la faim, tout en travaillant de longues heures dans un froid glacial avec un minimum de vêtements.

‘Haïm, un juif très pieux, fait aussi partie des détenus de ce camp. C'est un homme d'un certain âge, mais qui se porte volontaire pour travailler avec un groupe de cinq jeunes hommes forts. Ils sont affectés à la construction de rails de chemin de fer en métaux lourds. Yechaya remarque aussi que ‘Haïm ne mange jamais sa soupe, le seul repas chaud offert aux prisonniers pendant les soirées glacées. Très curieux, il aborde ‘Haïm et lui demande une explication.

‘Haïm était Rav d’un petit shtetl, une petite communauté juive, avant la guerre. Il explique à Yechaya que, pour sauver sa vie, un juif est autorisé à travailler pendant Chabbath, et toutes les tâches qu’on lui attribue sont autorisées parce que sa vie est en danger s’il refuse d’obéir. Cependant, porter des rails très lourds pendant Chabbath est un interdit des Sages et non de la Torah. Alors que d’autres tâches, comme couper ou creuser la terre, seraient un travail moins fatiguant pour lui, mais qui implique une transgression de la Torah. C’est pourquoi, il se porte volontaire pour le lourd labeur de la construction de rails.

En ce qui concerne la soupe, il donne sa portion quotidienne au barbier, pour qu’il le rase avec un rasoir manuel de sûreté au lieu de la lame professionnelle de barbier, mais évite le plus possible le passage chez le barbier. Pour ne pas attirer l’attention sur son visage mal rasé au moment de l’appel quotidien, il essaie de se tenir bien au milieu des 400 et quelques prisonniers.

Une fois, cette stratégie a échoué et le commandant le remarque pour la première fois. Il appelle Rav ‘Haïm et lui demande où il travaille. Le commandant, voyant qu'il est âgé, demande au surveillant pourquoi cet homme a été affecté au travail le plus difficile. Le surveillant informe le commandant que Rav ‘Haïm fait non seulement du bénévolat, mais qu’il n’a jamais pris de congé et qu’il est également l’un des meilleurs ouvriers. Le commandant n’a rien dit et a passé son chemin.

Rav ‘Haïm avoue à Yechaya qu'il ne prenait aucun congé parce qu'il ne voulait pas que les cinq autres hommes de son équipe portent le fardeau supplémentaire que son temps de congé aurait entraîné.

Chaque soir, Rav ‘Haïm murmurait une leçon de Torah sur la couchette qu'il partageait avec Yechaya et six autres hommes. Ces paroles de Torah récitées à voix basse que le Rav ‘Haïm a si amoureusement mémorisées à une époque et à un endroit différents réconfortaient et inspiraient les prisonniers durant les longues nuits noires du camp.

Il prenait soin également de tenir le calendrier juif malgré l’énorme risque de se faire surprendre. .Il notait le jour sur des morceaux de papier qu’il trouvait dans les sacs de ciment qu’il introduisait en contrebande dans la baraque. Il informait tous les détenus juifs de l'arrivée de Roch ‘Hodech et des jours de Yom Tov. Le comportement de ce Tsadik a non seulement réconforté et renforcé Rav Yechaya, mais est resté ancré en lui comme exemple tout au long de sa vie.

A l’approche de la libération, Rav ‘Haïm et Yechaya se sont séparés. Les prisonniers ont été traînés de force pendant des centaines de kilomètres pour fuir les alliés russes. Yechaya était trop malade pour pouvoir bouger, il est resté dans le camp et a miraculeusement survécu.

Après la guerre, il émigre aux Etats-Unis et s’installe à Brooklyn.

Plus de trente ans plus tard, pendant un office de Chabbath, un homme qui n’est visiblement pas du quartier s’installe à côté de lui dans la synagogue.

Après la Téfila, il se présente à son voisin, qui ne semble pas très religieux, et lui demande son nom et d’où il vient.

Il s’appelle Ephraïm, il vit en Israël mais est né dans un shtetl en Europe.

En entendant le nom du village, Yechaya est stupéfait, il se souvient que c'était également de là que venait Rav ‘Haïm, qu’il a rencontré dans les camps. Il se met à raconter les actes inoubliables de Messirout Néfech, de don de soi de Rav ‘Haïm dans le camps et de sa grandeur d'âme.

Ephraïm écoute attentivement chaque mot et se met à pleurer. Lorsqu'il retrouve son calme, il révèle que Rav ‘Haïm était son père et que c'est la première fois qu'il a des nouvelles de lui depuis leur séparation pendant la guerre.

Yechaya et Ephraïm sont très émus, ils se prennent dans les bras et s’embrassent chaleureusement.

Ephraïm s’est retrouvé sans famille après la guerre et il a été envoyé dans un Kibboutz non-religieux en Israël par une association qui a sauvé beaucoup d’orphelins au lendemain de la guerre.

Quelques années plus tard, il épouse une fille du Kibboutz et ont un garçon, qu’ils appellent Ron.

Pendant son service militaire, Ron sert comme commandant de char pendant la guerre des Six jours. Au cours des premiers jours de la guerre, sous un bombardement intense, Ron perd un certain nombre de chars et d'hommes sous son commandement. Au cours d'un moment calme de la nuit, il s’endort d’épuisement. Pendant qu’il dort, il rêve et voit un homme pieux qui dit être son grand-père et assure à son petit-fils qu’il survivra à la guerre s’il commence à garder le Chabbath et les Mitsvot.

Il est réveillé par d’intenses bombardements et, à la fin du combat, le char de Ron est le seul à ne pas avoir été détruit.

Fidèle à sa promesse, après la guerre, Ron quitte le Kibboutz non-religieux où il a été élevé et se rend à Jérusalem pour apprendre ce qu’est être juif et respecter Torah et Mitsvot.

Lorsqu'il commence à vivre une vie de Torah et à observer les commandements, il demande à ses parents s’ils peuvent, à leur tour, commencer à respecter les lois du Chabbath et de Cacheroute. Ses parents sont très embarrassés. Sa mère n’avait absolument rien appris du judaïsme dans son Kibboutz athée et Ephraïm a abandonné toute pratique religieuse depuis la guerre. 

À ce moment-là, ils ont prévu un voyage aux États-Unis ; ils décident de consulter un Rav et fixent un rendez vous avec le Rabbi. Le rendez-vous est prévu le lendemain de cette rencontre inattendue avec Rav Yechaya.

Ephraïm, les larmes aux yeux, comprend pourquoi il devait venir à New York, pourquoi il est venu prier dans cette synagogue et s'est assis à côté de Rav Yechaya. C’est clairement la main de D.ieu, qui l’a dirigé vers le retour à son héritage juif.

Après cette expérience étonnante, Ephraïm et sa femme ont quitté le Kibboutz pour s'installer dans une communauté religieuse, où ils ont pu mener une vie de Torah avec leur fils Ron. L’extraordinaire dévouement de Rav ‘Haïm à garder Chabbath et Mitsvot a sûrement été l'étincelle qui est restée cachée pendant de nombreuses années et a ensuite enflammé les âmes de son petit-fils, puis de son fils.

Raconté par le Rav Waxman de Monsey N.Y.