Rav Haïm Soloveitchik, également connu comme reb Haïm de Brisk, fut sans conteste l’un des plus importants talmudistes de l’époque contemporaine. Il révolutionna l’étude du Talmud par son génie et sa méthode analytique d’une rigueur et d’une précision extrême. Plusieurs de ses élèves racontent qu’il avait coutume de leur dire : « On ne demande pas Pourquoi, mais Quoi ! » Selon l’illustre talmudiste, la vocation de notre étude est de bien comprendre le message littéral de la Torah – le Pchat (ou ce qui est écrit) – afin de pouvoir le vivre. Car si le « quoi » est à la portée de notre intelligence, le « pourquoi », lui, appartient à la transcendance. Il nous dépasse totalement et sa quête est vaine, voire dangereuse, comme il est écrit dans le livre de Ben Sirah (livre apocryphe parfois cité dans le Talmud) : « n’investigue pas l’insondable » (Traité Haguiga 13a). En revanche, la compréhension profonde de ce qui est écrit révèle une lumière qui éclaire l’ensemble de notre judaïsme. Qu’est-ce que D-ieu m’apprend lorsqu’Il commence la Torah par lettre Beth, telle est la question. Cette approche s’applique dans tous les domaines de l’existence, car la vie n’est autre qu’une vaste page de Talmud vivante comme nous l’enseigne le Zohar (Zohar ‘Hadach 71a) : le Sefer Torah contient 600 000 lettres comme le nombre d’âmes juives. La question n’est pas tant de savoir pourquoi D.ieu nous confronte à telle ou telle situation, mais quelle est cette situation exactement ?  Qu’est-ce ce qu’elle m’apprend sur moi-même ? Comment me permet-elle de grandir ? 

La pandémie qui frappe l’humanité depuis quelques mois n’échappe pas à cette analyse. La question n’est pas tant de savoir pourquoi D.ieu nous l’envoie, mais de quoi s’agit-il ? Et comment devons-nous réagir ? Nos sages ont désigné la situation actuelle par le terme Maguéfa ou la plaie. Nous sommes donc face à une Maguéfa. Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Tout d’abord, nos sages nous disent : « lorsque la plaie est dans la ville, reste chez toi, comme il est écrit : “Que pas un d’entre vous ne franchisse alors le seuil de sa demeure, jusqu’au matin.” (Cf. Baba Kama 60b) Ils nous enseignent aussi qu’en période de plaie, l’ange de la mort ne distingue pas le juste du méchant (Cf. Ibid 60a). 

Cela signifie que les mérites personnels ne suffisent pas à protéger de la rigueur d’une telle période. Cela semble un peu désespérant, n’est-ce pas ? Mais il n’en est rien ! Lorsque nous avons compris que nous sommes en période de plaie, nous devons aussi comprendre que nos réflexes de survies doivent impérativement changer. Certes, le renforcement dans le l’étude de la Torah et la pratique des Mitsvot sont louables et possèdent une valeur indéniable, mais ils ne stoppent pas nécessairement la plaie. 

Les encens stoppent la plaie

Il existe un remède à la plaie : l’encens. Mais qu’est-ce que cela signifie à une époque où ce service n’est plus pratiqué. Beaucoup encouragent à lire les Ketoret (le texte de la Torah relatif à l’encens). Cette pratique fut initiée par d’illustres sages d’Israël et reprise à travers les générations. Néanmoins, on peut se demander quel est donc le secret des encens. Le rav Reouven Loichter, l’un des principaux élèves du Rav Chlomo Wolbe, explique que les encens symbolisent l’attachement à la transcendance. Il s’agit d’un abandonnement quasi total à quelque chose qui nous dépasse. Cela passe par l’acceptation profonde que nous ne sommes pas maîtres de la situation, mais que celle-ci s’inscrit dans le plan divin. Il nous appartient d’accepter le plan le plus honnêtement possible. En d’autres termes, lors de la plaie, D-ieu nous exprime Sa toute-puissance. Il nous appartient de nous soumettre. La prière est aussi un moyen de s’abandonner à D.ieu en Lui disant : nous ne dépendons que de Toi. Selon rav Loichter, l’abandon est l’unique façon de stopper la plaie. Cela ne coûte pas grand-chose d’essayer… 

Que D.ieu mette immédiatement un terme à nos souffrances et nous envoie la délivrance complète par le biais du Machia’h.