L’histoire de l’humanité commence très mal : Adam Harichon faute gravement le jour même de sa création, un de ses fils tue son frère par jalousie, très vite les hommes s’adonnent à l’idolâtrie, à la débauche et au vol. Le monde se dégrade jusqu'à un point de non-retour, et l’Éternel Se voit obligé de détruire Sa création. Noa’h, pourtant homme pieux et intègre, ne parviendra pas à inculquer à sa descendance les valeurs morales, et ce n’est qu'avec Avraham Avinou que l’on perçoit le début d’un changement positif : de par sa conduite exemplaire, n’hésitant pas à aller à contre-courant de son environnement, et aussi par le message de vérité qu’il diffuse sans relâche.

En fait, avec Avraham, commence le Tikoun Ha’olam (la réparation du monde) qui va être poursuivi par Itsh’ak, Ya’acov et leurs descendants. Mais il est intéressant de relever que cette renaissance commence par l’attribut du ‘Hessed dans lequel ce patriarche va exceller : on connaît l’hospitalité légendaire d’Avraham, son amour pour son prochain qui s’exprimera jusqu'à prier pour la survie des habitants des villes corrompues de Sodome et Gomorrhe, son sens de la famille allant jusqu'à se mettre en danger pour sauver son neveu Loth. On aurait pu s’attendre à ce que cette réparation commence par des prières et des jeûnes d’abstinence, ou encore par un détachement de la matière, source de toute faute. Mais non, Avraham pose les fondations de l’avenir de l’humanité sur le ‘Hessed, comme pour nous apprendre que c’est uniquement par ce moyen que l’on parvient à une construction solide et durable qui défiera toutes les “intempéries” possibles.

De là, on en déduit une règle qui se vérifie aussi dans d’autres édifications : quand on désire forger une société saine et morale, il faut commencer par établir un bon relationnel entre les membres qui la constituent. Quand on se lance dans un projet, aussi élevé que l’on puisse imaginer comme celui de l’avenir de l’humanité, il est nécessaire avant tout de créer un climat de bienveillance envers les intéressés. On peut se conduire dans les chemins de la rectitude, de la piété, et de la communion avec le divin, mais si on délaisse le ‘Hessed, c’est l’ego qui va dominer notre recherche et va nous faire dévier du véritable but recherché.

De même lorsqu’on s’active à réunir des fidèles autour d’un lieu de culte en prévoyant des cours de Torah, un Mikvé Tahara, une ‘Hévra Kadicha, une Cacheroute, une école pour les jeunes, etc. Si l’on veut que cette communauté s'épanouisse, il faut tout d’abord investir dans le ‘Hessed entre les membres de cette communauté, car c’est la clé de la réussite. Encore un exemple : pour espérer avoir une belle descendance, pieuse et vertueuse, il faut d’abord créer l’harmonie entre les époux, condition sine qua non pour transmettre une bonne éducation.

Avraham avait réalisé la vanité du culte des idoles et avait perçu l’unicité de D.ieu et de Sa bonté. Mais il avait aussi compris que s’il voulait propager sa croyance autour de lui - et que ses adeptes eux aussi transmettent ces enseignements à leurs descendants -, il fallait parallèlement développer l’attribut de ‘Hessed par des actes qui vont dans ce sens. Le message passera puisque les Juifs se reconnaissent par leur compassion envers autrui, par la modestie et par le désir d’aider son prochain (Yébamot 79a). D’ailleurs, une synagogue est un lieu gai, dont les membres aiment s’y retrouver et se situe au centre du relationnel, pour les moments de joie comme de tristesse. Descendants d’Avraham Avinou et disciples de ses principes, les Juifs ne pouvaient concevoir un lieu de culte austère et détaché de vie communautaire.

Avraham avait de qui s’inspirer puisque c’est sur cet attribut de ‘Hessed que le monde a été créé : “‘Olam ‘Hessed Yibané” (Psaumes 89, 3).