En cherchant une référence sur mon ordi, je tape « religion », et mon sésame des temps modernes s’ouvre, obéissant au doigt et à la souris. Naïvement, je pensais que le judaïsme allait apparaître en première place, mère universellement reconnue du monothéisme, et qu’en grandes lettres, avec tambour et trompettes, on lui consacrerait un long chapitre. 

Je roule, roule, roule mon petit rongeur, mais rien. Presqu’en fin d’article, on le mentionne chichement, coincé entre les religions chinoises et l’hindouisme.

C’est comme parler de la Révolution française en mentionnant Robespierre à la va-vite dans le dernier paragraphe, ou oublier de signaler Rembrandt dans la peinture hollandaise du 17ème siècle ! 

                                                          Rembrant

Dans mes recherches apparaît un titre intéressant : « La religion la plus ancienne du monde ». Ça, c’est pour moi. Je clique.

« La plus vieille religion au monde, qui portait déjà en elle les racines du dieu unique et aurait inspiré judaïsme et christianisme, serait le « Mazdaïsme » (en voiture ?!)  ou, sous son autre nom le « Zoroastrisme » (un cavalier qui s’élance au galop ?) et serait apparue 600 ans avant notre ère, établie par le prophète Zoroastre. » 

Mince alors ! Mais Avraham notre père, c’est bien 4000 ans avant notre ère… Et le don de la Torah - base et point de départ du judaïsme - il y a 2500 ans, non ? 

Pour quelqu’un qui cherche des éléments crédibles, c’est franchement ardu. Je compatis avec les non-juifs (et les juifs éloignés) qui doivent trouver le bout du fil de cette pelote bien emmêlée… ! 

                                              Wikipédia

Mais, impayable dans les froides données techniques, Wiki m’apprend ce que je voulais savoir : une base de 10.000 religions serait référencée dans le monde. 

Je ne les connais pas, bien sûr, et il y en a certainement de belles, de sobres, d’exigeantes, de terribles, qui chacune façonne une société, une culture, mais je remercie mon Créateur de m’avoir fait naître dans celle-ci, car je m’y trouve franchement très bien. Je m’explique. 

Leçon de « tact » du Très Haut…

La Torah porte le relationnel à autrui à un niveau inégalé de virtuosité et dès les premiers versets, l’Éternel nous en donne « personnellement » un exemple : époustouflant !

Le Texte utilise une forme étonnante - et ô combien ambigüe - « Créons l’homme… » (Béréchit 1, 26), lorsque l’Éternel s’apprête à donner vie à Adam. Ce pluriel n’ébranle-t-il pas la notion la plus élémentaire du judaïsme qui est l’unicité de D.ieu ?

Rachi nous dévoile la raison de l’emploi de ce terme qui peut porter à confusion : l’enseignement qui en découle est si fondamental que le Créateur « prend le risque » d'être mal compris, la leçon en valant la chandelle.   

Et Rachi d’expliquer : les anges allaient jalouser cette nouvelle créature sublime qui leur ressemblait mais avec ce « je ne sais quoi de plus ». D.ieu, avec une infinie délicatesse, prendra donc conseil auprès d'eux lors de la décision de créer l’homme, pour éviter de les « froisser ». 

Leçon numéro un : tenez compte des sensibilités ambiantes et des faiblesses de vos proches lorsque vous introduisez quelqu’un de nouveau dans l'entreprise, même si vous êtes le patron, le père ou le chef. Montrez à vos subordonnés combien leur avis est important à vos yeux et que vous ne les avez pas oubliés, surtout si vous faites entrer au bureau une nouvelle recrue, ultraperformante et talentueuse. Idem pour un nouveau bébé qui fait irruption dans la fratrie…

Quelle finesse ! Et combien de ressentiments évitons-nous en agissant ainsi ! C’est l’Éternel qui nous l’apprend. 

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Sarah, lorsqu’elle apprend qu’elle va tomber enceinte à 90 ans, rit, surprise et incrédule, et laisse échapper : « Mon mari est vieux » (Béréchit 18, 12), insinuant : « quel âge canonique pour devenir papa… » 

Le verset qui suit ne rapporte pas ses mots tels quels, par souci, nous dit à nouveau le grand Rachi, d'éviter une parole blessante à l’encontre d’Avraham. Deux versets accolés, une omission subtile, pour comprendre comment se comporter en couple et de façon générale avec son prochain. 

Deuxième leçon : même à 100 ans, ne dites pas à quelqu'un, et même à un homme, et même à Avraham, qu’il est vieux ! Le Créateur a changé un verset par égard pour le Patriarche. Et ce n’est pas une coquetterie féminine, mais un trait inhérent au psyché humain, où la vieillesse est perçue comme notre pire ennemi. 

                                                   Avraham Avinou 

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Lorsqu'Adam et 'Hava, honteux, se cachent à la vue du Créateur après LA faute, D.ieu entre en conversation avec eux par une question, pour ne pas les effrayer et leur laisser ainsi l’opportunité de reconnaître leur égarement. 

« Où es-tu ? » demande l’Éternel à Adam (Béréchit 3, 9).

Troisième leçon : assis sur le siège du juge, apprenons avec quelle magnanimité on doit ouvrir le dialogue devant un être inculpé par présomption : notre petit qui aurait eu la main un peu lourde sur notre porte-monnaie, ou notre ado pris en flagrant délit (soupir !!) de mensonges…  

Délicat incubateur

Pas seulement livre d’Histoire où se trouvent répertoriés avec la plus grande minutie les noms des premiers habitants de la planète et leurs activités, mais aussi canon absolu et jamais démenti de l’éthique, la Torah est également le guide comportemental par excellence. Comme si L’Éternel nous révélait à travers le Texte Saint ce qu’Il aime et ce qu’Il hait, permettant à Ses créatures de percer quelque chose de Son intimité, même si jamais nous ne connaîtrons Son essence. 

Le peuple juif a grandi, c’est indéniable, dans un certain incubateur, constitué entre autres de tact et de délicatesse à la sensibilité d’autrui, dont voici quelques exemples tirés au hasard de nos Textes :

- il est préférable de se jeter dans une fournaise plutôt que de faire honte à l’autre ;

- ne pas dire à quelqu’un qui a déjà acquis un objet ou un bien que l’affaire est très mauvaise ;

- ne pas regarder quelqu’un manger ;

- ne pas humilier ou mépriser un être ayant agi par erreur mais avec une totale innocence (très, très dangereux…) ;

Etc.

Et appliqué en Travaux Pratiques dans notre quotidien, le souci d’anticiper la gêne qu’autrui pourrait ressentir dans une situation donnée est sans cesse présent.

- Une voisine a apporté pour une occasion un gâteau qui n’a pas l’air franchement… On le coupe, on goûte, on s’extasie et on félicite la pâtissière, oui, oui. On ne le laisse pas entier sur la table du buffet des douceurs…

- On ne s’assied pas à 12h30 dans un restaurant avec une jeune fille en vue de mariage (Chiddoukh), lui disant que “perso on n’a pas faim” ; dans le même registre, on ne lui donnera pas rendez-vous sur un banc public en face d’un joli café, avec deux verres jetables et une boisson déjà entamée…

- De même qu’une demoiselle - même si le prétendant en face d’elle n’a aucune chance de passer le cap de la deuxième rencontre - n'écourtera pas exagérément la rencontre, dévoilant au grand jour son ennui et son empressement à conclure. 

Et pour ne pas vexer quelqu’un, dans certaines situations, oui, on a le droit et parfois le devoir de retoucher une réalité. 

Petits plats dans les grands ? 

Ce ne sont pas les politesses de l’Occident, l’étiquette du savoir-vivre, les « Danke schön », les couteaux à droite, les « ça se fait et ça ne se fait pas », mais une conscience aiguë de la sensibilité de l’autre. 

                                                Savoir-vivre

(Attention, nous parlons ici d’un relationnel normatif, et pas de la susceptibilité hypertrophiée d’une personne constamment blessée sans raison.) 

Au détour d’innombrables versets, on découvre des trésors de subtilité, de tact, de comportement adéquat, d’anticipation pour éviter à autrui une gêne. 

Et la cerise sur le gâteau ? 

Notre Maître, Moché, désigné par le Saint, béni-Soit-Il pour effectuer la plus grande mission de tous les temps - à savoir extirper un peuple entier de la servitude d’une superpuissance riche, cultivée, armée et terriblement décadente -, ne peut se résigner à accepter ce rôle, de peur de froisser son grand frère Aharon. Le prophète argumentera avec l’Éternel pendant 7 jours (!?) avant de céder et d’accepter la fonction pour laquelle il a été désigné par le Très-Haut. 

Oui, la Torah aime le tact : « Qualité qui permet d'apprécier intuitivement ce qu'il convient de dire, de faire ou d'éviter dans les relations humaines. » 

Et si ce message concerne bien évidemment le peuple-porte-parole de la Volonté divine ici bas, il reste pertinent pour tous les hommes sur Terre, créés à l’image de D.ieu.