Nous aimons nos enfants par-dessus tout. Nous sommes prêts à tout leur offrir, coûte que coûte. Qu’ils soient heureux, construits et… qu’ils aient de bons traits de caractère.
Rien n’est plus satisfaisant pour un parent que de voir son enfant épanoui, heureux, mais rien n’est plus dur également que de le savoir ingrat et égoïste. Que pouvons-nous faire pour donner à nos enfants, l’équilibre et les traits de caractère qui feront leur bonheur et de fait le nôtre ?
La Torah nous apprend qu’un homme fait hériter ses traits de caractères à ses enfants, les bons comme les mauvais...
La Michna, dans Avot (chapitre 5, 3), nous dit que dix générations séparaient Adam de Noa’h, et que dix autres séparaient Noa’h d’Avraham. Puis la Michna parle des dix épreuves qu’Avraham Avinou dut surmonter. La Michna qui parlait pourtant des Pères de l’Humanité, n’octroie le titre « Avinou » – notre père, qu’à Avraham.
Que lui vaut donc cette appellation particulière ?
Le Rav ‘Haïm de Volozhin explique dans son commentaire Roua'h ‘Haïm sur Avot que la Michna fait allusion au fait qu’Avraham, par son dépassement de soi au travers des dix épreuves, transmit à sa descendance les qualités morales qu’il acquit. Avraham s’inscrit ainsi comme notre père, celui de qui nous héritons les vertus.
« Il y a plusieurs Midot (traits de caractère) que le juste s’est efforcé d’acquérir par l’effort, qui sont innées chez ses enfants : ces vertus leur sont atteignables en peu d’efforts. Comme nous le voyons par l’expérience, beaucoup de Juifs sacrifient leurs vies pour sanctifier le nom de D.ieu. Un héritage qui leur vient d’Avraham Avinou, qui s’est jeté dans la fournaise de Kasdim » (Roua’h ‘Haïm – Avot (5, 3)
Ce principe était visiblement connu d’Avraham Avinou qui exhorta Eliézer à ne pas choisir pour son fils une épouse venant de Canaan. Le Or Ha’Haïm et le Talalé Orot (‘Hayé Sarah) expliquent cela par le fait que les traits de caractères des personnes de Canaan étaient particulièrement mauvais. Avraham craignait qu’ils transmettent leur « caractère » à sa descendance.
La Torah nous fait là une puissante révélation : nous transmettons nos Midot, nos traits de caractères, à nos enfants. Un fait tout à fait exceptionnel qui aujourd’hui fait l’unanimité scientifique.
Les traits de caractères dans la génétique
Gregor Mendel, reconnu comme étant le père fondateur de la génétique, est à l’origine de la découverte de transmission parentale transgénérationnelle, les fameuses « lois de Mendel ». Parmi ces lois, la définition des mécanismes de transmission liée à l’existence de facteurs génétiques « immuables », issus de la séquence nucléotidique de l’ADN.
Essayons de comprendre comment nous transmettons à nos enfants nos Midot.
L’ADN est la cellule qui comporte toute l’information génétique de l’individu. Constitué de deux brins enroulés en double hélice, formés par une succession de nucléotides en son noyau, les brins d’ADN mesurent deux mètres et s’étalent de façon très comprimée, un peu comme une pelote de laine. Pour que l’information contenue dans la cellule soit retranscrite, il faut que le segment particulier de la chaîne porteur du message se déroule correctement, afin que sa « séquence » se lise. Le degré de lisibilité de la séquence de l’ADN dépend du déroulement de sa chaîne, c’est ce qui détermine ou non l’expression de son caractère, autrement dit sa capacité à être fonctionnel.
Plus l’ADN est compacté, moins il est atteignable. Il en résulte que les gènes qu’il contient sont moins transcrits et les caractéristiques qu’ils portent moins exprimées.
Les mécanismes de régulation du déroulement de la macromolécule qui permettent sa lecture sont influencés par l’environnement et le vécu de la personne. Ce sont tant de facteurs comme les perturbations chimiques, le système hormonal ou l’influence sociale de la personne qui vont impacter l’expression du génome. Les Midot changent donc et modifient le patrimoine génétique d’une personne. On appelle ces variations des modifications épigénétiques.
Nous modifions notre patrimoine génétique, et nous transmettons également ces modifications.
La recherche en épigénétique va plus loin : elle met en évidence le lien transgénérationnelle de marque épigénétique. Autrement dit, les modifications épigénétiques causées par notre comportement s’inscrivent dans nos gènes et se transmettent aux générations futures. C’est en 2005 que ce phénomène a été décrit pour la première fois par le groupe M.K. Skinner de l’Université de Washington. Il a démontré la persistance sur quatre générations de modifications génétiques liées à la méthylation (il s’agit de l’adjonction d’un groupe chimique, le « méthyle », sur l’une des bases de l’ADN, la cytosine. Cette méthylation diminue l’expression des gènes affectés, jusqu’à les rendre illisibles) (Epigenetic transgenerational actions of endocrine disruptors and male fertility. Science 2005 (308).
Le Professeur Isabelle Mansuy de l’Université de Zurich, experte en recherche épigénétique, déclara à la suite de ses expérience sur les animaux : « À l’âge adulte, ces animaux présentent des altérations de leur épigénome dans de nombreux tissus, et des symptômes tel que des dépressions, des comportements antisociaux, davantage de prise de risque, ainsi que des affections du métabolisme. Nous avons pu observer que ces troubles se retrouvaient également chez leurs descendants jusqu’à la troisième, voir la quatrième génération, bien que ces derniers n’aient pas vécu d’événements traumatiques » .
Une autre étude montre qu’un stress infantile peut produire une sensibilité au stress à l’âge adulte, éventuellement transmissible sur plusieurs générations par son effet sur la méthylation de l’ADN. (Childhood Adversity and Epigenetic Modulation of the Leukocyte Glucocorticoid Receptor : Preliminary Findings in Healthy Adults. Plos One, n°7 p. e30148)
Autant d’études qui mettent en évidence la responsabilité du parent vis-à-vis de son enfant. Donner des outils aux enfants, c’est avant tout se travailler afin de leur faire acquérir des aptitudes innées qui les accompagneront tout au long de leurs vies.
On raconte qu’un jeune couple, la vingtaine, s’était rendu chez le ‘Hafets ‘Haïm avec la question suivante : « Quand devons-nous commencer l'éducation de nos enfants ? » La réponse du maître fut « Il y a vingt ans ! » .
Attention, cela ne veut pas dire que tout est raté pour ceux qui auraient transmis leurs mauvaises Midot à leurs progéniture. L’homme, doté du libre arbitre, peut renverser la tendance. Là aussi, le parent doit servir d’exemple à l’enfant, afin de lui indiquer la bonne marche à suivre… peut-être, plus que jamais.