Reb Emmanuel ben Avraham - il y a une semaine encore il s'appelait Emile Menitta - est arrivé en Israël il y a 17 ans pour travailler comme « Oved Zar », auxiliaire de vie en français.

Ces hommes viennent en général des Philippines, mais aussi de l’Inde ou du Pakistan, vivent chez une personne âgée, l’assistent, s’occupent des tâches ménagères et l’accompagnent dans ses sorties. Cette formule est souvent préférée à la maison de retraite, car elle permet bien sûr de laisser la personne âgée dans son environnement social et géographique tout en rassurant sa famille, car à chaque instant, quelqu’un se trouve à ses côtés.

Mais le parcours d’Emmanuel a pris un tournant tout à fait particulier lorsqu’il s’est trouvé a Bné Brak, pour y assister le Gaon Rav Avraham Kahaneman - Roch Yéchivat Poniewicz et fils du fondateur de cette prestigieuse Yéchiva - et plus tard le Rav Chakh pendant les dernières années de sa vie.

Reb Emmanuel a donc découvert la lumière de la Torah dans le cadre même de son travail. 

Ecoutons-le raconter son parcours :

« J’ai grandi aux Philippines comme chrétien. Dans mon enfance, j’allais au catéchisme et j’y ai découvert des textes de ce qu’ils appellent « l’Ancien Testament. »

Lorsque je suis arrivé en Israël et que j’ai pu côtoyer de très près ceux qui pratiquent les Mitsvot et les Grands de la Torah, la manière dont ils accomplissent les commandements dans les moindres détails, les Téfilines, les Mézouzot, sans compromis ni arrangement, exactement comme cela a été ordonné, j’ai compris qu’il y avait là quelque chose de véritablement authentique. J’ai compris que la Torah est le fondement premier, et qu’elle a été transmise par Moché Rabbénou au mont Sinaï, inchangée de générations en générations. »

Qu’avez-vous vu chez les Guedolim (Grands de la Torah) lors de votre travail auprès d’eux ?

« J‘ai vu de tout près la grandeur d’hommes versés dans l’étude, leur dimension morale, leur responsabilité devant le peuple, leur don de soi, et leur capacité infatigable, malgré leur grand âge, à prendre des décisions cruciales pour le peuple d’Israël.

Mais j’ai également vu, étant présent à chaque instant dans leur demeure, comment le peuple juif honore ses Anciens. J’ai senti qu’il y avait là quelque chose de différent, bien plus profond, bien plus vrai.

J’ai alors commencé à m’intéresser sérieusement au judaïsme, et peu à peu, j’ai senti une volonté intérieure me poussant à faire partie du peuple juif et à me lier à la Torah. Aujourd’hui, j’ai une grande soif de connaitre et de comprendre la sagesse de la Torah. »

D’après vous, la religion juive est-elle facile ou difficile à pratiquer ?

« Difficile ! Mais la vérité est difficile ! Elle demande de la détermination. Je ne cherche pas la facilité.

Lorsqu’on sert un repas à un non-juif, il mange tout de suite. Moi, je cherche quelque chose où il y a une réflexion et une maîtrise de soi. Etonnamment, lorsque je suis arrivé en Israël il y a 17 ans, j’ai jeûné le jour de Kippour, alors que je n’étais pas converti…

J’espérais qu’en jeûnant, D.ieu me pardonnerait également mes fautes, même si je n’étais pas juif à ce moment. »

Comment votre famille aux Philippine a-t-elle réagi à votre décision de vous convertir ?

« Très bien. Avec joie. »

Comment comprenez-vous cette réaction ?

« Ils acceptent et respectent ma décision, parce qu’ils comprennent que c’est mon choix et qu’il me rend heureux. »

Comment vivez-vous le fait que vous ayez choisi de vous apparenter à un peuple différent du vôtre ?

« Exactement comme Ruth l’a vécu. A l’opposé de Orpa qui a quitté Naomi, Ruth a dit à sa belle-mère : « Là ou tu iras j’irai, ton D.ieu sera mon D.ieu, ton peuple mon peuple, et là ou tu mourras je serai enterrée ».

C’est exactement mon sentiment. Je sens que le peuple d’Israël est mon peuple, que le D.ieu d’Israël est mon D.ieu, et j’irai là où il ira. »

Cette semaine, vous êtes entré dans l’Alliance et avez effectué la Brit-Mila. Vous avez changé de nom : d’Emile, vous êtes passé à Emmanuel. Quant à votre nom de famille, il est dorénavant Avraham. Comment la personne chez qui vous travaillez a-t-elle réagi lorsque son aide est soudainement devenu un juif comme lui ?

« Il s’en est véritablement réjoui. Je mange avec la famille les repas de Chabbath, prononce les bénédictions sur les aliments, chante avec eux les Zémirot (chants) de Chabbath. J’avance ainsi. »

Que font-ils lorsqu’ils ont besoin que quelqu’un fasse un travail interdit durant Chabbath ? Maintenant, vous ne pouvez plus en faire pour eux…

« C’est vrai. A coté de la maison de mon employeur, habite un ami, des Philippines. Je l’appelle quand on doit faire une « Mélakha » - travail interdit pour les juifs pendant Chabbath – comme allumer l’électricité. »

Comment vos amis des Philippines ont-ils réagi à votre conversion ?

« Ils ont compris. Déjà aux Philippines, ils savaient que je cherchais la vérité. »

En quoi pensez-vous être différents des autres Philippins ? Votre Néchama était-elle au mont Sinaï ?

« Oui. Je pense que c’est ça la différence. On a fêté Chavouot la semaine dernière, donc cette année, je reçois concrètement la Torah. C’est une grande émotion pour moi… »

A la fin de notre entretien, Emmanuel a tenu à remercier chaleureusement tous les Rabbanim qui l’ont accompagné et aidé dans son parcours jusqu'à Kabbalat Hatorah : parmi eux, les Guédolim Rav ‘Haïm Kaniewsky et Rav Nissim Karélitz.

Un dernier point : à la fin de l’interview, nous voulions le photographier, mais notre appareil ne fonctionnait pas. Nous lui avons donc demandé de nous prêter son téléphone pour la photo. Il a alors sorti de sa poche un très vieux modèle de portable, et nous a dit avec une innocence désarmante : « J’ai pris sur moi le joug de la Torah et des Mitsvot ainsi que le fait d’écouter les Rabbanim, cela comprend également de ne pas utiliser des appareils de technologie moderne dangereux pour la spiritualité… » !!

Heureux le peuple d’Israël qui n’a jamais eu peur d’intégrer des êtres de qualité qui vont enrichir son histoire.

Reb Emmanuel, vous êtes l’un d’eux !

Source : Yated