« Encore un peu, on rentre à la maison Tsipora ! », dit d’une voix calme une jeune maman qui se trouve devant moi. Son ton dénote par rapport aux hurlements de sa fille de deux ans.

C’est un jeudi après-midi, le centre commercial est plein à craquer ! Les queues sont longues et les chariots bien remplis. La petite fille et sa maman attendent juste devant moi.

Elle trépigne et cogne l’étagère située à côté de la caisse. Tous les paquets de bonbons s’éparpillent !

« Je veux un bonbon ! Un bonbon ! » hurle-t-elle, en essayant de toutes ses forces d’ouvrir l’un des paquets.

« Nous partons tout de suite Tsipi » répond la mère avec le même ton de voix. Elle lui retire le bonbon des mains et range le désordre de sa fille.

La fillette s’attaque aux chips. Mes oreilles n’en peuvent plus de ces pleurnicheries ! Je prends cette jeune maman en pitié. Pourtant, elle caresse son enfant et ses gestes reflètent une incroyable sérénité ! «  Nous sortons bientôt d’ici Tsipi » répète-t-elle.

-      « A sa place, je l’aurais déjà corrigée… pour qu’elle se taise ! » murmure la caissière.

-      « Quel manque d’éducation ! Il ne faut surtout pas lui céder ! » s’exclame une cliente sur le point de payer ses courses.

Mais la maman est paisible : « Nous avons fini dans cinq minutes ! »

Leur départ procure un soulagement général ! Les pleurs retentissent encore au loin. Soudain, je découvre une tétine rose sur le comptoir !

Je me dépêche de les rejoindre ! Ce n’est pas facile de s’en sortir avec un bébé si grognon si elle n’a pas sa sucette ! Je les repère facilement !

Je cours pour les rattraper : « Voilà la tétine ! »

La maman se retourne et me sourit en signe d’encouragement. J’arrive près d’elle, tout essoufflée : « La tétine de Tsipora est restée au magasin ! »

Elle semble ne pas comprendre ce que je lui dis. Je la lui montre et lui tends le précieux objet.

« Oh ! Merci pour vos efforts… », une lueur de lucidité traverse son visage. « Mais vous commettez une erreur, ma fille s’appelle Ora. »

Cette fois-ci, c’est à mon tour de lever les sourcils.

Combien de fois a-t-elle répété Tsipora, encore un instant…, Tsipi dans cinq minutes… ?

Elle ébauche un sourire, devinant mes pensées.

« C’est moi, Tsipora ! » dit-elle finalement, en disparaissant au coin de la rue.

La vie est un itinéraire pour les bons marcheurs, les chaussures adéquates pour le parcourir sont la patience et la modération.

Ce sont les moyens indispensables pour fonder un foyer et pour gérer une famille !

Le pleur d’un enfant, un changement de programme, un verre qui se casse au moment le moins opportun, une tache que l’on ne peut pas nettoyer sont autant d’occasions de travailler sur ces qualités.

La vie en commun est aussi un vaste champ d’opportunités, dans lequel il faut trouver les forces morales pour accepter les défauts de son conjoint. Le couple doit affronter au mieux les difficultés quotidiennes de la subsistance et de l’éducation des enfants.

La racine du mot « savlanout » : patience est « sével » : charge. S’armer de patience c’est savoir supporter chaque individu. Plus l’homme a cette faculté d’endurance, plus il pourra braver les défis de la vie !

Les périodes de la grossesse et de l’enfantement enseignent à chaque femme la patience. Neuf mois d’attente constituent un bon entraînement !

De plus, à chaque nouvelle contraction, elle endure des souffrances considérables qui renforcent sa faculté de supporter et qui la préparent à son rôle de mère.

Comment le porteur parvient-il à soulever des charges si lourdes ?

Malgré la pénibilité et le poids qui pèsent sur ses membres, il continue et marche, porte en silence son joug et ne le rejette jamais ni n’en ressent du dégoût.

Au cours de notre vie, nous avons des obstacles à franchir comme de trop grandes exigences, un manque d’intérêt à notre égard ou des vexations.

Parfois, le joug de notre vie pèse et nous oppresse ! Nous avons du mal à assumer la routine de la vie quotidienne et nous tentons par tous les moyens d’alléger le fardeau de nos épaules.

La voie la plus facile est de « jeter le fardeau », exploser, critiquer et s’en débarrasser.

Le chemin le plus rude, le plus escarpé, mais le plus profitable est de continuer à le porter en parlant calmement, en gardant un visage accueillant, en réfléchissant, en réagissant modérément, en prononçant des paroles sensées et parfois, en gardant le silence.

Le terme « nissouïm », la vie matrimoniale, provient de la racine « néssia » : porter.

L’homme et la femme prennent ensemble et sur eux le joug de la vie et se prêtent main-forte à chaque nouvelle situation.

Lorsque l’homme se tient sous le dais nuptial et se marie : « nossé icha », il tend son épaule et se prépare à la porter sur ses ailes : « lasset », pour lui offrir la vie la plus heureuse possible.

Les conjoints, qui sont sur le point de construire leur foyer, ont des habitudes et des traits de caractère dissemblables. Parfois, un océan les sépare !

« Mon mari est ordonné de nature et moi, je suis tout le contraire. Nous avons dû arrondir les angles pour nous entendre… »

« Mon mari est impulsif et moi, d’un calme olympien ! J’étais convaincue que je ne m’y ferai jamais ! »

« Mon mari est hypersensible, il déclarait que j’étais inflexible. Combien de fois nous sommes-nous disputés à ce sujet ! »

Et nous n’avons même pas décrit les talents distincts, les diverses conceptions de la vie et les différences fondamentales entre l’essence masculine et la nature profonde de la femme.

Il paraît donc évident qu’il est impossible de bâtir sans faire preuve de patience, que ce soit une amitié durable ou à plus forte raison, une maison, microcosme actif de la vie.

Pour que les contradictions s’harmonisent et pour vivre à deux, le seul et unique moyen est la patience.